À chaque nation sa propre histoire de football, ses propres joueurs qui ont marqué leur pays à leur façon. Des joueurs dont les noms restent associés à jamais à un club, à une tribune, à un stade. Ce style de joueur qui fait aimer le football et qui reste un modèle pour les générations à venir. Caviar vous propose de partir à la rencontre de ceux que l’on appelle idoles du pays inca, riche d’un patrimoine historique exceptionnel mais également de footballeurs uniques.
Quand vous arrivez à Lima, après avoir passé les douanes et récupéré vos bagages, vous vous retrouvez face à une marée humaine dans le hall des arrivées internationales. Pourtant, aucune rockstar, aucun footballeur, aucun politique. Seulement le quotidien de l’aéroport Jorge Chavez. Un quotidien marqué par des retrouvailles chaleureuses de familles retrouvant leurs proches partis s’exiler à l’étranger. Après s’être extirpé de cette cohue amicale, plusieurs vagues de taxistas déferlent pour vous offrir leurs services de transport vers Lima. La ville ne disposant pas de transports publics faciles et surtout rassurants, vous vous tournez vers ces taxistas qui sont finalement la meilleure solution pour rejoindre votre destination en sécurité. C’est alors votre premier vrai contact avec une personne du pays et il y a de grandes chances pour que ce soit votre première conversation selon votre niveau de timidité et bien sûr votre maîtrise de la langue. Il y a de grandes chances pour que cette conversation soit orientée vers deux choses principalement : la bouffe et le foot.
Pour le premier, écoutez attentivement et prenez des notes. Notez bien tous ces fabuleux plats que votre chauffeur énumère avec fierté et ne repartez pas du pays sans avoir TOUT goûté, sinon vous le regretterez ! Pour le second point, tout amateur de ballon rond que vous êtes devrait également prendre des notes. Des noms vont fuser, des idoles, des légendes des années 30, des cracks de cette belle génération 1970. Alors à moins d’être un spécialiste du football péruvien, vous risquez vite d’être perdu ! Cet article est là pour vous aider ! Car il ne s’agit pas seulement d’une conversation isolée. Tout au long de votre séjour, on vous parlera de foot avec autant de panache que votre premier chauffeur de taxi.
Premières légendes
Vous y êtes, à Lima, dans votre hôtel de Miraflores, district touristique sur le bord de mer, perché sur une falaise avec une vue à couper le souffle sur l’océan Pacifique. Vous avez déjà lu deux ou trois trucs sur le football péruvien et vous connaissez au moins quelques clubs de la capitale comme Alianza Lima, Universitario ou encore Sporting Cristal. Entre deux musées et un city tour guidé, vous avez envie de partir à l’aventure pour rejoindre le dangereux district de la Victoria à deux pas du vieux Lima et de sa Plaza de Armas. Pourquoi la Victoria ? Tout simplement car vous y retrouverez le stade Alejandro Villanueva, l’antre de l’Alianza Lima. Un stade loin d’être pittoresque mais pourtant chargé d’histoire, de rires et de larmes. Bravo, vous avez trouvez votre première légende : Alejandro Villanueva ! Pour avoir donné son nom à un stade, il devait s’agir d’un joueur important… dans le mille ! Alejandro Villanueva est né à Lima le 4 juin 1908 et débute à l’Alianza Lima en 1927, club pour lequel il jouera toute sa vie. Géant de presque deux mètres, il est d’une élégance rare balle au pied, maîtrisant le cuir comme personne.
Coup du sombrero, retourné acrobatique, passe à l’aveugle… Le répertoire de Manguera (le tuyau), son surnom, éclabousse les foules qui se bousculent dans les stades pour le voir jouer. Il fait partie de la toute première sélection du Pérou et participe au premier mondial de l’histoire en 1930. Malheureusement, il connait une triste fin de carrière, rongée par la tuberculose qui l’emporte précocement à l’âge de 35 ans. Il reste à ce jour l’idole absolue du club Alianza Lima, qui a renommé son stade en son honneur. Mais l’Alianza Lima n’est pas le premier club à avoir donné le nom d’un joueur à son enceinte. Dans le district de Breña, un petit stade porte le nom de Lolo Fernández. Ancienne antre du club Universitario, ce stade est le premier à prendre le nom d’un joueur de football encore en activité. En effet, Universitario décide de nommer son stade Lolo Fernández en 1952 en hommage en son idole Teodoro Fernández, qui disputait alors sa vingt-deuxième saison consécutive avec le maillot crème de la U. Lors du match d’inauguration, Lolo inscrit un triplé contre la Universidad de Chile, comme pour marquer encore un peu plus son empreinte dans l’histoire du club.
Comme Villanueva, il est l’homme d’un seul club, son amour pour la U tel qu’il refuse énormément d’offre venues de l’étranger, choix assez rare pour l’époque. En vingt-trois ans de carrière, il inscrit 156 buts, ce qui en fait le meilleur buteur du club. On raconte que ses tirs étaient si puissants qu’ils fracturaient les doigts des gardiens adverses, qui jouaient sans gants à cette époque, et cassaient les filets des stades de la ville. Son nom entre aussi dans la légende de la sélection nationale avec laquelle il dispute trente-deux matchs, inscrit vingt-quatre buts et surtout remporte le tournoi Sudamericano (ancêtre de la Copa America) en 1939. Lolo Fernández a ainsi laissé une marque indélébile dans le football péruvien. Légende suprême du club Universitario, qui lui édifia une statue à l’entrée de son nouveau stade Monumental, dessinant son portrait dans les gradins.
L’entrée des artistes
Faisons maintenant un bond dans les années soixante-dix, où une génération pétrie de talent voit le jour au pays des Incas. Mais un joueur en particulier a marqué les esprits et son nom vous sera forcément soufflé lors de votre visite au Pérou comme étant le plus grand joueur que le pays a vu naître. Discutez avec un Péruvien, il vous citera plusieurs cracks de ces années dorées. Mais si vous demandez qui fut le meilleur, on vous donnera un nom sans hésiter : Teófilo Cubillas. Dans l’avion de la sélection qui se dirigeait vers le Mexique, lorsque l’hôtesse demande ce que le jeune Cubillas veut boire, son coéquipier Pedro León répond à sa place : « le Nene veut un verre de lait ». Le surnom est resté et le Nene de 21 ans a éclaboussé le Mondial 1970 avec son numéro 10 dans le dos, comme Pelé, Zico et les autres magiciens. Dix, c’est également le nombre de buts qu’il a inscrits en Coupe du monde, ce qui en fait le huitième meilleur buteur de l’histoire de la compétition. Considéré par le très sérieux Guardian comme l’un des cent meilleurs joueurs de tous les temps, el Nene aura aussi toujours une place particulière dans le cœur des supporters de l’Alianza Lima, club dans lequel il aura passé neuf saisons. Club qui aura apporté son lot de grands joueurs pour le régal des spectateurs du stade Alejandro Villanueva. En se baladant dans les rues avoisinantes, on tombe sur différentes fresques à leur gloire. Vous y croiserez peut-être César Cueto, milieu de terrain d’une élégance rare, surnommé « el Poeta de la Zurda » (le poète gaucher). Contemporain de Teófilo Cubillas, avec qui il a partagé le vestiaire aussi bien en club qu’en sélection, il forme ce fameux triangle magique du Mondial 1978 avec el Nene et un autre aliancista, Jose Velasquez.
Sacrée équipe que celle du Pérou en Argentine cette année-là, sans doute celle qui a le plus marqué les esprits, même en Europe, où une tête était déjà connue : Hugo Sotil, qui a fait les beaux jours du FC Barcelone aux côtés de Johan Cruyff entre 1973 et 1977. Mais parler du cholo Sotil, c’est forcément évoquer la Copa America 1975 et cette fameuse finale de Caracas. Le Barça ne l’autorise pas à rejoindre sa sélection pour disputer l’épreuve mais lorsque le Pérou atteint la finale contre la Colombie, il ne pense qu’à rejoindre le Venezuela, coûte que coûte, pour aider son pays à soulever le trophée. Il s’échappe donc d’Espagne avec, dans ses valises, trente montres destinées à ses coéquipiers et débarque la veille du match à Caracas. Titulaire le jour suivant, il marque, au bout de vingt-six minutes, l’unique but de la finale, justifiant pleinement son voyage express. Pas de célébration avec ses coéquipiers pour autant, car il grimpe dans le prochain vol pour Madrid. A son retour en Catalogne, les dirigeants, incrédules, lui donnent deux jours de repos et racontent à la presse que leur joueur comptait sur une permission du club pour voyager. Peu importe ce qui sort dans la presse, el Cholo l’a fait, et il l’a fait pour son pays. Idole.
Génération gâchée
Malgré un grand passage à vide entre les années 1970/80 et le retour au premier plan du Pérou en 2018, d’incroyables joueurs péruviens ont continué d’alimenter la passion des supporters. On pourra citer Nolberto Solano, qui s’est fait un nom en Angleterre à la fin des année 1990 du côté du Newcastle d’Alan Shearer, à qui il a délivré les passes décisives d’un bon tiers de ses 206 buts en championnat. Après six saisons chez les Magpies, il portera ensuite les maillots d’Aston Villa, West Ham, Leicester, Hull City et enfin Hartlepool. Pièce maîtresse de la sélection nationale, il ne verra malheureusement jamais de Coupe du monde.
Mais le joueur représentant le plus cette génération gâchée restera Roberto Palacios, l’homme qui aima son pays plus que tout au monde, au point de célébrer ses buts en montrant fièrement son t-shirt « Te amo Perú ». Surnommé el chorri en référence au quartier de Chorrillo où il a grandi à Lima, il fait se lever les foules, en sélection ou avec le Sporting Cristal, qui se régale de ses chorrigolazos. En plus d’être talentueux, El Chorri se révèle joueur attachant, humble et proche des supporters. Avec ses 128 sélections, il est le recordman en la matière au Pérou. Comme son compère Solano, il lui aura manqué cette participation à un Mondial pour compléter encore plus une riche carrière qui prit fin en 2012 dans son club de cœur, le Sporting Cristal, qui ne manquera pas de lui rendre hommage en baptisant une tribune à son nom.
Les quatre fantastiques
Ne vous inquiétez pas ! Tout n’est pas perdu pour le Pérou, témoin de l’avènement d’une bande de super héros au caractère bien trempé : les quatre fantastiques. Dans les années 2010, la Blanquirroja comptait dans ses rangs quatre joueurs évoluant dans deux des meilleures ligues européennes. Tout amateur de Serie A se souviendra forcement de ce latéral gauche particulièrement offensif de la Fiorentina d’Alberto Gilardino, auteur du but de la victoire conte Lyon lors de la Ligue des Champions 2009/10, et qui répond au nom de Juan Manuel Vargas. Formé au club Universitario, el Loco Vargas débarque en Europe pour un essai à Portsmouth mais, ne parvenant pas à un accord avec le club de Premier League, s’engage finalement en Italie, au Calcio Catania, pour un montant avoisinant les trois millions de dollars. Après deux saisons bien remplies en Sicile, son nom raisonne un peu partout en Europe mais c’est la Fiorentina qui s’autorise une petite folie en s’attachant ses services contre douze millions d’euros, un record pour un joueur péruvien. En 2010, il est élu meilleur joueur du club italien, en plus d’être inclus dans le XI idéal de la Serie A.
Pendant que Vargas fait des ravages en Italie, un trio en fait de même en Allemagne avec à sa tête Claudio Pizarro. Le bombardier des Andes a écrit sa légende durant vingt saisons en Bundesliga, couronnées d’un titre de champion d’Europe avec le Bayern Munich en 2013, devenant le deuxième Péruvien vainqueur de la C1 après Don Victor Benitez, avec Milan en 1963. Pizzarro, un nom qui raisonne forcément sur le Vieux Continent quand on parle de footballeurs péruviens, mais aussi celui qui fit le plus polémique au Pérou tant ses performances avec la Blanquirroja furent décriées. Son rendement n’est pas le même, et on lui reproche de ne pas assez mouiller le maillot comme il le fait en club. Pizarro n’a cessé de crier son amour pour son pays, insuffisant pour être convoqué pour le Mondial russe en 2018. Peu importe, le Bombardier des Andes n’aura pas eu besoin de disputer de Coupe du monde pour devenir une idole incontestée en Allemagne et pour avoir placé le Pérou sur une carte.
Le cas de Jefferson Farfán aurait pu connaitre le même sort. Brillant du côté du PSV Eindhoven et de Schalke 04, mais décevant en sélection, avec un comportement similaire à ses compères Vargas et Pizarro. Une grave blessure alors qu’il évoluait en Allemagne l’écarte de la sélection et de son club, qui le place alors sur la liste des transferts. Farfán s’exile à Dubaï, présageant une pré-retraite. Mais son amour pour la sélection est trop fort et il décide de tenter le tout pour le tout afin de convaincre le sélectionneur Ricardo Gareca. Résultat : il s’engage au Lokomotiv Moscou en 2016 et montre un regain de forme impressionnant. Il retrouve ainsi la Blanquirroja et deviendra éternel en inscrivant le but qui qualifia le Pérou pour la Coupe du monde 2018.
Parmi les quatre fantastiques, seulement deux verront la Russie : le héros Farfán, donc, et son ami d’enfance, le plus important des quatre. En vous baladant dans les rues de Lima, de Cuzco, d’Arequipa ou d’autres villes du pays Inca, vous croiserez forcement ce maillot blanc à frange rouge dont vous allez tomber follement amoureux et qui aura une place dans votre valise entre deux chullos (bonnet péruvien). Le maillot de la sélection nationale floqué du numéro 9 et capitaine : Paolo Guerrero. On reconnait souvent les idoles d’un pays aux noms floqués derrière les maillots en vente dans les diverses boutiques et au Pérou, c’est Paolo. Formé à l’Alianza Lima, comme son compère Farfán, il s’envole en Europe, avant de signer pro, pour s’engager au Bayern Munich de Claudio Pizarro. Il ne s’imposera pas dans le club bavarois et sera cédé à Hambourg, où il deviendra titulaire indiscutable et meilleur buteur du club en 2007. Mais son caractère bouillant lui coûtera plusieurs suspensions au cours de ses six saisons au HSV. Il retourne en Amérique du Sud en 2012 chez le Corinthians, où il commencera à écrire sa légende brésilienne en remportant la Coupe du monde des clubs cette même année contre Chelsea. Il poursuit sa carrière au Brésil chez les plus grands, comme Flamengo puis l’Internacional. En sélection, il est considéré comme le Messi qui porte son pays vers la gloire. Chacun de ses buts est célébré avec toute la rage du capitaine. Paolo arrive toujours à bien se placer dans la zone du buteur, toujours au bon endroit au bon moment. Avant-centre historique de la sélection, il est également le meilleur buteur des Copa America 2011, 2015 et 2019. Joueur le plus populaire du pays et modèle des enfants, il s’inscrit comme le digne héritier des Lolo Fernández et Alejandro Villanueva.
Vous pouvez maintenant profiter de votre passage au Pérou et impressionner vos interlocuteurs avec votre culture footballistique péruvienne et honorer ces noms qui dépassent les frontières. Bon séjour !