Octobre Rose mobilise la FIFA, les clubs et la Ligue de football professionnelle. Mais Octobre Rose est avant tout une histoire de femmes, et Alké en a bien conscience. En nouant des partenariats avec des associations comme « Keep a Breast » promouvant l’auto-palpation, en créant des maillots spéciaux pour cette occasion, Alké mène des initiatives concrètes pour associer le foot à la lutte contre le cancer du sein. Entretien avec Claire, fondatrice d’Alké.
Q : Vous avez lancé l’opération Octobre Rose pour sensibiliser autour de la question du cancer du sein, comment cela s’est déroulé pour Alké ?
C : Il y a eu 2 phases principales dans la mise en place de l’opération. En juillet, les 19 équipes participantes ont commandées des maillots pour pouvoir jouer en octobre avec, et maintenant, en octobre, les clubs vendent ces maillots aux supporters, et vont récolter des fonds pour la recherche et la prévention contre le cancer du sein. Sur chaque maillot vendu, dix euros sont reversés aux associations concernées. Nous avons choisi pleins de designs en concertation avec les clubs, qui peuvent aussi dessiner leurs maillots avec nous.
Q : Qu’est ce qui est vous tient à cœur dans la conception de ces maillots féminins ?
C : L’importance pour nos maillots c’est le confort, le fait de se sentir bien dedans. Le choix d’une matière légère et confortable et d’éviter la sensation de poids en plus, c’est dans la continuité des habits actuels. Il y a ensuite l’aspect technique aussi qui importe, c’est à dire aller vers des matières aérées, adaptées au sport et à l’activité physique. Ensuite nous développons mieux la coupe des vêtements, car auparavant dans la plupart des maillots féminins, on prenait des maillots d’homme qu’on ajustait aux corps féminins mais les coupes n’étaient parfois pas adéquates (trop droites et trop cintrées). Enfin, le style demeure crucial, un travail d’ampleur est réalisé sur des imprimés, le premier imprimé réalisé était sur notre emblème, le colibri, on a repris des codes de la mode. La deuxième collection portait plutôt autour des ailes, déclinées en différentes couleurs. Il faut que ce qu’on crée puiise être porté dans la rue. Il y a travail sur les détails qui nous tenait à cœur, avec l’assortiment de différentes matières, et un jeu sur des couleurs marquantes.
« Être sur le terrain est essentiel, c’est là que tout se passe. »
Q : Dans les clubs partenaires, il n’y a pas de « gros clubs » de L1 ou D1, quel est votre positionnement sur la question des équipes partenaires ?
C : C’est vrai, il n’y a pas de gros clubs dans l’opération, y compris l’OL pourtant très en avance sur le football féminin, nous n’avons déjà pas forcément de contacts. Ce qui est difficile également, c’est que les gros clubs ont déjà des contrats complets avec des équipementiers, donc ce n’est pas facile de rentrer en contact avec eux.
Les gros clubs veulent pouvoir équiper toutes leurs sections masculines et féminines avec le même maillot, avec la même identité. Or, notre positionnement de base c’était de se concentrer uniquement sur les femmes. Aujourd’hui, des clubs même masculins vont porter des maillots spéciaux, mettre la mixité en avant. On avait lancé un maillot collector pour l’Euro par exemple, hommes et femmes s’en sont emparés.
Cette année, nous sommes surprises de l’intérêt donné à Octobre Rose puisque tous les clubs en ont parlé de façon plus ou moins directe sur leurs réseaux sociaux. Même la FFF en a parlé, il y a beaucoup d’initiatives. On a lancé l’appel à candidatures et avons on a eu bcp de retours. Les clubs doivent néanmoins trouver des financements supplémentaires pour les achats de nos maillots, charge de travail important pour les clubs, il y a un véritable élan fédérateur cependant dans les villes. Pour notre part, nous sommes en partenariat avec des associations spécialisées pour la récolte des dons, notamment l’association « Keep a Breast » qui est une application pour l’auto-palpation et des collaborations avec des artistes.
Q : Comment rencontrer le public intéressé par votre engagement?
C : Quelques fois avec l’incubateur qui nous soutient, des écoles viennent, mais sauf si l’on est partenaire de tournois ou d’activités, on ne va pas forcément dans des clubs. Je me rends compte qu’être sur le terrain est essentiel, c’est là que tout se passe.
Q : Quel constat avez-vous fait en lançant l’association à propos de la place des femmes dans le football ? Et sur leur représentation ?
C : Le premier constat quand on s’est lancé c’était de se dire qu’il y avait près de 33 millions de joueuses dans le monde, entre l’Europe et les USA en majorité, et qu’elles n’étaient pas forcément visibles. De plus dans le vêtement, il n’y avait pas d’offre adaptée donc c’était frustrant, tu n’avais pas ta place ni les outils adaptés. L’intérêt était aussi de voir pourquoi on en était là, pourquoi le football était un milieu très masculin : en étudiant son histoire, on a compris que pendant longtemps la pratique était interdite aux femmes. Ceci a ancré nos revendications, d’affirmer qu’on a le droit aussi de jouer au cœur de la marque : ça reflétait l’évolution de la place des femmes dans la société. Aujourd’hui, nous sommes à un moment opportun avec la coupe du monde en France qui a donné un vrai coup de projecteur, ça a donné une ampleur au football féminin, en rassemblant autour de cette discipline.
Q : Les États Unis sont pionnières dans l’accès des femmes au football, est ce que le travail sur les vêtements a déjà été réalisé là-bas ?
C : Il y a quelques marques aux US, proposant des produits pour la pratique, dans les magasins de sport américains il y a davantage de choix pour les femmes mais ça n’est pas non plus très important par rapport au poids du sport masculin. Le foot féminin est majoritaire en universitaire, à cause de la loi Title 9 qui explique que les hommes et femmes doivent avoir les mêmes bourses sportives. Les femmes se sont positionnées sur le foot car ce n’était pas un sport populaire comme le foot américain. Pour autant même aux US, il n’y a pas d’équilibre dans les salaires entre équipes féminines et masculines, malgré les succès du foot féminin. Ils ont dû aller jusqu’en justice pour l’obtenir.
Propos recueillis par Zoé Fouché
Illustration: Romane Beaudouin