Au-dessus de la place du Taureau, un soleil de plomb tombe sur la foule agglutinée devant l’écran géant que la Mairie a dressé sur le mur de la caserne des pompiers. Une flopée de Panama blancs frappés du « P » de Perrier dodelinent tranquillement. Des mains agitent en éventail des flyers et des prospectus publicitaires. Autour de la masse, des enfants courent. Il y a les cris qu’ils poussent, le bruit de la foule et au-dessus de tout ça, la voix puissante de Grégoire Margotton.
Sur le mur de la caserne s’affiche la fin d’une journée coréenne. Une caméra tournoyante au-dessus d’un stade incandescent envoie la même image au monde entier : le crépuscule d’un jour au bout du monde. Un crépuscule ordinaire que la rareté du jour rend extraordinaire. Une de ces journées qui durent infiniment plus longtemps que 24 heures, mais qui n’adviennent
pourtant qu’une fois tous les 4 ans. Sous le soleil de 13 heures, la France s’apprête à vivre une deuxième finale de Coupe du monde d’affilée. Dans les têtes, dans l’espoir des commerçants et dans le cœur des gosses, le souvenir de juillet 2018 enfle comme un ballon prêt à exploser. Sous le soleil de 13 heures, déraisonnablement, on avale des litres de bières fraîches en chantant. Sous le soleil de 13 heures, femmes, hommes, enfants et chiens errants se tiennent ensemble face à leur Histoire commune. C’est un 14 juillet qui se termine le jour d’après. Certains parlent de « grande fête du football ».
Demain, ils repartiront travailler. Pour certains, les congés se termineront. Pour d’autres, ils s’étireront encore un peu plus, avec un titre à savourer et une gueule de bois à évacuer. Les enfants retrouveront leurs vélos, les amoureux retrouveront leurs amours et dans la chaleur nouvelle d’une journée d’été, les ouvriers retrouveront leurs chantiers. Et dans dix, vingt ou trente ans, ils se rappelleront encore l’endroit où ils étaient, avec qui ils y étaient et ce qu’ils faisaient pendant la finale de la Coupe du monde 2022. Et vous, vous en souviendrez-vous ?