L'actu

Argentine : Boca/River, une lutte au sommet pour le titre

En Superliga Argentina, il ne reste que deux journées à jouer. La lutte pour le titre est historique, et sera serrée jusqu’au bout : elle oppose les deux monstres sacrés du football argentin, que sont River Plate (45 points) et Boca Juniors (42 points). Décryptage des forces en présence, et des chances de sacre des deux clubs.


Le 9 décembre 2018. Une date à jamais gravée dans le coeur des fans de River Plate. Un jour à marquer d’une pierre noire pour la hincha de Boca Juniors. Cette première finale de Copa Libertadores entre les deux géants est un thriller à elle seule. Un match nul animé (2-2) à l’aller, à la Bombonera. Une manche retour délocalisée à… Madrid (!) pour cause de débordements devant l’Estadio Monumental de Buenos Aires. Et pour clôturer le tout, une victoire du Millonario de Marcelo Gallardo, qui offre à River Plate sa 4è Libertadores.

Aujourd’hui, le contexte est tout autre. À deux journées de la fin du championnat argentin, les deux clubs de la capitale luttent pour le titre. Pour le moment, l’avantage est à River, 1er avec 45 points, et qui devance son voisin jaune et bleu de trois unités. Le constat est simple : si River remporte les deux prochaines rencontres, ou obtient au moins quatre points, le trophée est en poche. Il pourrait suffire de moins aux pensionnaires du Monumental, si Boca ne remporte pas ses deux matchs. Et pour les fans de foot que nous sommes, un scénario extraordinaire pourrait se produire. Si les deux clubs terminent en ayant le même nombre de points à l’issue de la 23è journée, ils devront se départager lors d’un affrontement direct ! La règle est formelle, et la différence de buts – actuellement +23 pour River et +22 pour Boca – n’est pas prise en compte : en cas d’égalité de points, les deux équipes concernées se disputent la victoire sur terrain neutre, moins de 72 heures après la dernière journée. Cette issue laisse rêveur, mais reste hypothétique. Quoi qu’il en soit, les cartes sont entre les mains des protégés de Gallardo, qui pourrait remporter son premier championnat national avec le club finaliste de la dernière Libertadores.

Cette Superliga new look est la première depuis de longues années à conduire à un duel pour le titre entre les deux « géants », auteurs de performances parfois contrastées, comme en témoigne la relégation de River en 2011. Le championnat a d’ailleurs lui aussi connu des péripéties. De 1990 à 2012, l’organisation était simple : deux tournois, un d’ouverture, un de clôture, sous la forme de deux championnats. Mais depuis, les Argentins ont changé de formule aussi souvent que Rudi Garcia change de système avant un match important. Entre tournois initiaux et finaux, tournoi de transition, championnat à 30 ou à 22 équipes, les clubs du pays de Maradona ne savaient plus sur quel pied danser. Depuis 2017, l’heure est à la Superliga, un tournoi à 28, puis 26, puis 24 équipes, ce qui donne, cette saison, 23 journées à disputer. En 2019-2020, River et Boca ne se sont affrontés qu’une seule fois, le 1er septembre dernier, lors de la deuxième journée. La rencontre a accouché d’un score nul et vierge, malgré la domination du club rouge et blanc (17 tirs à 5, 64% de possession). Inutile de préciser que le match fut extrêmement tendu et accroché, avec 42 fautes au total – à titre de comparaison, le nombre de fautes par match en Ligue 1 est en moyenne de 25. Aujourd’hui, une vingtaine de matchs plus tard, River dispose d’un léger avantage, même si Boca « luttera jusqu’au bout » dixit l’éternel Carlitos Tevez. Les deux équipes sont dans une forme étincelante. Leurs six derniers matchs ? 6 victoires pour River, 5 victoires et un nul pour Boca.

River, champion pour la première fois depuis 2014 ?

River Plate a toutes les cartes en main, et dispose d’un avantage numérique – 3 points – et psychologique – le club à la Banda Roja ayant battu Boca en finale de la Libertadores 2018, et en demi-finales de la même compétition l’année suivante. L’équipe chère à Pablo Aimar n’a toujours pas remporté le championnat sous les ordres de Marcelo Gallardo, mais cette année peut être la bonne. River est une, si ce n’est la meilleure équipe du continent sud-américain. Le jeu proposé est alléchant et offensif, en témoignent les 39 buts plantés en 21 matchs (meilleure attaque de la Superliga). Le 3-5-2 installé par Gallardo fonctionne efficacement, et l’équipe est sûre de ses forces. Enzo Pérez joue un rôle clé de stabilisateur, et de rampe de lancement des offensives. Les latéraux amènent du danger et de la profondeur, notamment le jeune Gonzalo Montiel sur son côté droit. Et l’attaque carbure à plein régime, grâce aux deux joueurs les plus décisifs du championnat : Rafael Santos Borré, meilleur buteur avec 11 réalisations, et Matias Suarez, meilleur passeur. River a fait étalage de sa puissance et de sa maitrise lors du dernier match, remporté 2 à 0 sur la pelouse de l’Estudiantes La Plata du bouclé Gabriel Milito.

La joie des deux attaquants de River, Rafael Santos Borré et Matias Suarez, lors du match remporté face à Estudiantes La Plata (0-2)

La suite des hostilités pour les Rouges et Blancs ? Deux « finales » avant l’heure. La première surtout, ressemble au match piège par excellence. River accueille Defensa y Justicia (qui compte dans ses rangs Nahuel Gallardo, fils de Marcelo). Ce club au nom improbable – dont l’origine demeure un mystère – a été la belle surprise de la Superliga 2018-2019, terminée à la deuxième place derrière le Racing. Si cette saison est un peu plus compliquée, les ouailles d’Hernan Crespo peuvent encore espérer se qualifier pour la prochaine Copa Libertadores. Surtout, le club de la banlieue de Buenos Aires reste sur 8 matchs sans défaite et sur une convaincante victoire 3-0 face à Rosario Central. Et si l’on s’en tient au classement, Defensa y Justicia occupe le 4è rang pour ce qui est des matchs à l’extérieur, tandis que River Plate est 13è à domicile. Mais de telles statistiques pourraient ne pas peser lourd face à un River qui a enclenché la marche avant vers le titre depuis maintenant plusieurs semaines. Le dernier match sera un déplacement dans le nord du pays, pour affronter l’Atletico Tucuman, 14è et restant sur 8 matchs sans victoire en championnat. Si River emporte les deux manches, ou récolte au moins quatre points, le Millonario sera champion pour la 36è fois de son histoire. Gallardo est confiant : « si nous continuons ainsi, avec cet état d’esprit, nous terminerons le championnat en faisant la fête ».

Boca ne lâchera rien… en attendant une éventuelle finale ?

Mais Boca est loin d’avoir abandonné, et comptera jusqu’au bout sur un faux pas de son éternel rival. Le club vient d’entamer un nouveau cycle, avec l’arrivée sur le banc de Miguel Angel Russo, en remplacement d’un Gustavo Alfaro éjecté suite à la défaite en demi-finales de la Libertadores face au Muñeco Gallardo. La nomination de Russo, dernier entraineur vainqueur de la coupe continentale avec Boca, en 2007, est une volonté de Juan Roman Riquelme, vice-président du club et accessoirement légende vivante de la Bombonera. Et depuis quelques semaines, le jeu se construit, et se construit bien : solide défensivement (meilleure défense du championnat), les Bleus et Jaunes s’améliorent dans l’animation offensive. Sur les quatre derniers matchs, certes face à des mal classés, le bilan est sans appel : 11 buts marqués, 1 seul encaissé. Des joueurs sont de retour à leur meilleur niveau, comme Eduardo Salvio et Carlos Tévez, auteurs de 7 de ces 11 buts. Seul petit point noir pour les fans de beau football et de belle barbe rousse : la retraite de Daniele de Rossi, début janvier.

Le 11 de Boca, avant la victoire face à Godoy Cruz lors de la 21è journée (3-0)

La prochaine journée semble moins piégeuse pour Boca que pour River : les Xeneizes se déplacent à Santa Fe pour affronter une équipe de Colón qui n’a gagné qu’une fois sur ses 12 derniers matchs toutes compétitions confondues. Le dernier match de la saison sera l’occasion d’accueillir le Gimnasia La Plata à la Bombonera, pour le retour du « Dieu » Diego Maradona en tant qu’entraineur. Son club affiche des performances en dents de scie depuis l’arrivée du Pibe de Oro, et occupe la 20è place du classement. Deux victoires pour les joueurs de Russo pourraient cependant ne pas suffire si River fait le travail de son côté.

Et si la magie du football nous offre une finale entre les deux géants argentins, les cartes seront rebattues. Car les deux équipes ont un calendrier très, très chargé, qui pourrait peser dans la balance. Boca Juniors joue cette nuit contre Colon, puis mercredi au Venezuela, pour y affronter Caracas pour la première journée de la phase de groupes de la Libertadores. River est opposé à Defensa y Justicia demain soir, avant d’aller faire une petite visite à 3 000 mètres d’altitude, à Quito, en Equateur, pour y affronter la LDU. Il est d’ailleurs probable que Gallardo y aligne une équipe B si les jeux ne sont pas faits en Superliga, afin de mettre toutes les chances de son côté pour remporter le titre national.


Pour l’heure et le jour de la 23è et dernière journée de championnat, les instances ont tranché : Atletico Tucuman – River Plate, et Boca Juniors – Gimnasia La Plata se joueront samedi 7 mars, à 21 heures heure locale. Tout cela en attendant un éventuel affrontement direct, un desempate entre River et Boca qui ne serait cependant pas unique dans l’histoire. Plusieurs « finales » pour le titre en Argentine ont opposé les deux « historiques ». La dernière en date ? Le 22 décembre 1976. À Avellaneda, devant près de 70 000 spectateurs, Boca s’était imposé 1 but à 0. Mais l’organisation du championnat était alors différente. Aujourd’hui, l’avantage est à River, mais nombreux sont les fans qui se retrouvent dans les propos de Jorge Amor Ameal, président de Boca : « Bien entendu que nous aimerions jouer une finale face à eux [River]. Ce serait une fête du football ! ».

Léon Geoni

0