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Frenchies – Romain Vincelot : « Ma première image de l’Angleterre, c’est Eric Cantona »

Expatriés au Royaume de Sa Majesté, ils vivent en immersion dans le pays du football. Caviar vous emmène à la rencontre de ces Frenchies qui ont décidé de traverser la Manche pour les beaux yeux de l’English Game. Premier épisode avec Romain Vincelot (34 ans), installé en Angleterre depuis une décennie.


Comment a débuté votre parcours ?

C’est assez classique : je jouais dans un petit club du sud des Deux-Sèvres. A l’âge de 12 ans, j’ai été accepté en sports études à Niort et le club des Chamois Niortais m’a recruté. A partir des moins de 13, j’ai fait toute la gamme jusqu’à l’équipe professionnelle. J’ai passé trois ans dans l’équipe première. J’ai commencé mes premiers matchs pros en Ligue 2, l’année hélas de la descente alors que ça faisait plus de vingt ans que le club était en Ligue 2. C’était un gros choc mais on avait un bon centre de formation et le club voulait s’appuyer dessus pour essayer de remonter. J’ai fait 30 matchs sur 38 et on est remonté. Cette année en National m’a vraiment mis le pied à l’étrier. Après, j’ai eu des soucis de blessure, je ne jouais plus beaucoup, du coup je suis parti en National, à Gueugnon. J’y ai fait un an, ça s’est passé très moyennement. C’était juste avant que le club s’effondre. Je savais qu’il fallait que je parte de ce club, je sentais que ça n’allait pas le faire.

Pour moi, le challenge était de partir à l’étranger, en Angleterre, quelque chose qui me faisait rêver depuis gamin. Ce qu’on entendait de l’Angleterre, la passion des supporters dans toutes les divisions, leur loyauté, ça m’a toujours parlé depuis que je suis gamin. L’engagement aussi, qui correspond au type de jeu que je pratique. Du coup, j’ai voulu tenter ma chance en Angleterre. Le problème est qu’à l’époque, mon agent n’avait plus de contact là-bas. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas m’aider donc je me suis débrouillé, le cousin d’un copain a réussi à m’avoir quelques essais. J’ai signé avec Dagenham & Redbridge. Après, c’était parti, l’aventure était bien lancée. S’en est suivie une bonne carrière, que je tente de poursuivre.

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Vous avez été inspiré par la réussite des autres Frenchies ?

Ma première image de l’Angleterre, c’est Eric Cantona. C’est ce qui m’a ouvert les yeux sur l’Angleterre. Après, il y a eu Arsenal et d’autres choses mais quand j’étais plus jeune, c’est Eric Cantona qui m’a incité à vraiment m’intéresser au football anglais.

Interviewé par The Times en 2017, avec cette photo de Simon O’Connor comme illustration, Romain Vincelot avait alors déclaré : “C’est le coup de pied de kung-fu de Cantona qui m’a attiré ici”.

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Qui est le joueur anglais qui vous a le plus inspiré ?

Quand j’étais gamin, celui qui faisait un peu parler de lui, c’était Paul Gascoigne. Peut-être pas forcément un super exemple en tout point mais à cette époque, Paul Gascoigne. Chris Waddle aussi, puisqu’il a joué en France. Ce sont des noms qui m’ont marqué.

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En arrivant à Dagenham & Redbridge après être passé par Niort et Gueugnon, avez-vous ressenti un choc des cultures en matière de football ?

Oui, c’est un choc de cultures, des habitudes complètement différentes, une approche totalement différente. Au niveau des infrastructures, Dagenham & Redbridge, c’était vraiment à l’arrache mais ce club, je le porte à tout jamais dans mon cœur parce qu’il m’a donné la possibilité de commencer. J’ai des souvenirs géniaux de ce club où tout le monde met la main à la pâte, vraiment un club familial. Le lien avec les supporters, c’était vraiment énorme. Quand je prenais le métro pour aller au match le samedi, on discutait avec les supporters dans la rame, ils m’accompagnaient en marchant jusqu’au stade, on discutait tranquillement. Ce sont des souvenirs vraiment énormes. Avec le recul, je me dis que je ne pouvais pas commencer par un truc plus « old school » en Angleterre. C’était le football comme on pouvait le voir dans les années 80 et 90, avec un entraîneur, John Still, qui a eu beaucoup de succès avec sa manière de jouer, le « kick and rush ». Gagner du terrain, presser sans arrêt… C’était vraiment à l’ancienne.

Je n’étais pas du tout habitué à ça. A Niort, on avait une formation où on devait jouer au ballon, se rendre disponible, conserver le ballon. Là, c’était vraiment un choc culturel complet. Je me rappelle qu’à l’entraînement, j’étais arrière droit, je reçois le ballon et je le passe au milieu de terrain. Là, l’entraîneur se met à râler et à me dire de ne pas faire ça. Je lui réponds : « Bah quoi, je n’ai pas perdu le ballon ». Il me dit : « Oui mais je m’en fous que tu le perdes ou pas. Quand tu as le ballon, tu le balances le long de la ligne vers le poteau de corner pour l’attaquant. Au pire on gagne une touche et au moins, on est dans la moitié de terrain adverse, et on joue à partir de là ». Il a fallu que je m’habitue mais bon, c’était la philosophie du club et ça a marché puisqu’on est monté d’une division. Il faut juste se dire que c’est différent. Ce n’est pas mieux, ce n’est pas moins bien, il ne faut pas avoir d’échelle de valeur parfois. Juste se dire : « On fait ça comme ça ici, ok pas de problème ».

Dagenham & Redbridge a servi de tremplin à Romain Vincelot outre-Manche.

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Avec D&R, vous réalisez la meilleure saison de votre carrière sur le plan statistique en 2010-2011 avec 12 buts. Comment expliquez-vous une telle réussite lors de cette saison ?

Quand j’ai signé en janvier 2010, l’équipe essayait de monter. Je suis arrivé dedans direct et ça s’est super bien passé. J’ai dû prendre mon mal en patience mais au bout de deux mois, j’ai commencé à jouer et je n’ai plus quitté le terrain après. Au départ, j’ai signé comme arrière droit et lors d’un match, l’entraîneur me fait jouer défenseur central. C’est un poste où je jouais avant de passer pro, du coup j’étais très à l’aise. Ça l’a un peu impressionné, il m’a dit qu’il me verrait bien milieu défensif. Il me demande si j’avais déjà joué là et forcément, je lui dis : « Oui, oui, c’est un poste que j’ai pas mal pratiqué ». Alors que la dernière fois que j’avais dû jouer milieu de terrain, ça devait être en moins de 13 ! A un moment donné, il faut y aller au culot. Il m’a passé milieu défensif et sur les 60 matchs d’après, je n’ai raté que 10 minutes. Je me suis inscrit dans l’équipe en tant que milieu défensif. On finit la saison et on monte suite à une finale à Wembley. Cinq mois après avoir signé en Angleterre, c’était énorme.

On se retrouve donc en League One, avec le plus petit budget des quatre premières divisions. Même dans la division d’en dessous, tous les clubs avaient un plus gros budget. C’était une belle petite histoire. On a essayé de survivre dans cette division, avec un plan de jeu assez simple : on avait un très bon ailier droit, qui avait une grosse qualité de centre, et moi, j’avais mon jeu de tête. Le but du jeu, c’était de mettre le ballon sur l’aile droite, centrer, j‘arrivais un peu en retard dans la surface et je marquais de la tête. Sur les 12 buts que j’ai marqués cette saison-là, j’ai dû en mettre 9 ou 10 de la tête. Ce n’est pas forcément ma meilleure saison sur le plan footballistique mais en termes de statistiques, c’est sûr que c’est la meilleure, parce qu’on avait un plan de jeu particulier.

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Vous avez connu une ascension rapide puisque vous êtes monté avec D&R, puis vous avez été recruté par Brighton, qui était alors en Championship.

Oui, c’était l’objectif aussi. Je venais de Ligue 2, l’objectif était de revenir à ce niveau. Pour mettre un pied en Angleterre, il fallait que j’accepte d’aller en quatrième division. Au départ, je me suis dit : « Ah, quatrième division, fait chier… ». Puis après, quand j’ai vu les matchs, le nombre de spectateurs dans les tribunes, je me suis dit : « Ah ouais, non, c’est pas pareil ! ». J’ai aussi compris que c’était dur de comparer les divisions par rapport à la France, c’est complètement différent. Tout est pro, les infrastructures sont super bonnes, même en quatrième division – sauf à Dagenham & Redbridge. Dans ma tête, c’était une étape pour pouvoir revenir à la Championship. En effet, c’est allé vite, mais le monde du foot est comme ça. Si tu es bon sur une saison, ça va vite.

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Comment avez-vous vécu cette expérience à Brighton, la seule de votre carrière en Championship ?

Ça avait super bien commencé. Avant de signer à Dagenham & Redbridge, j’avais fait un essai à Brighton et ça avait plu à l’entraîneur, Gus Poyet. Sauf qu’il m’avait dit à l’époque : « Ecoute, j’aime beaucoup ce que je vois mais là, pour essayer de sauver le club, j’ai vraiment besoin de quelqu’un qui est prêt pour le challenge anglais tout de suite, et ça te prendra peut-être quelques mois. Je ne peux pas prendre ce risque. Par contre, je vais suivre où tu signes et je garde un œil sur toi ». Je pensais que c’était juste du baratin pour faire passer la pilule et en fait, pas du tout. Un an et demi après, c’est lui qui me recrute à Brighton. Tout commence très bien, je joue assez rapidement et là, mon épaule refait des siennes. J’ai joué toute la saison avec l’épaule déboîtée. Au départ, il me faisait encore jouer mais après, ça se déboîtait de plus en plus à l’entraînement et en match, jusqu’au point où j’évitais un peu tous les contacts. J’ai commencé à jouer de moins en moins parce que mes performances n’étaient plus aussi bonnes. A la fin de l’année, je me suis fait opérer et j’ai décidé que je voulais partir.

Là, je pense avoir fait une erreur. J’ai dit au manager que je voulais aller voir ailleurs, que la saison avait été mauvaise pour moi au niveau football. J’ai eu mal toute l’année et c’est comme s’il fallait que je me débarrasse de cette image, que je quitte le club. S’il y a une chose que je regrette dans ma carrière, c’est d’avoir pris cette décision. Je pense que ça a été une grosse erreur parce que c’était vraiment un très bon club, mais j’avais confiance dans le fait que j’irais ailleurs et que même s’il fallait que je retourne en League One, je retournerai en Championship après. Ça ne s’est pas passé comme ça, je suis allé en League One et avec deux clubs différents, j’ai raté l’accession en Championship deux fois en finale. Je n’étais pas loin de réussir mon pari, mais voilà.

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Leyton Orient est le club où vous êtes resté le plus longtemps. Comment décririez-vous ce club et l’expérience que vous y avez vécue ?

Leyton, c’est vraiment un super souvenir aussi. Un club familial, des supporters en or. C’est une des meilleures périodes de ma vie. Le manager a réussi à construire au fil des années une équipe qui a eu un grand succès. On est passé à deux doigts de la montée en Championship. C’était une super équipe. Beaucoup de famille et d’amis venaient me voir comme c’était à Londres. Il y avait toujours ce petit rituel à la fin du match où on se retrouvait au bar des supporters, on partageait des verres. A la fin, tous les supporters connaissaient mes amis ! Il y a eu quelques soirées bien arrosées là-bas. Je n’ai retrouvé çà nulle part ailleurs. Il y avait une proximité avec les supporters, sans que ce soit chiant. On ne va pas refaire le match pendant une heure, on parlait de tout : la culture anglaise, leur boulot, les bonnes balades à faire, les pubs sympas, les fromages de France, le vin… Il y avait un échange culturel super sympa.

Joueur de Leyton Orient pendant deux saisons et demie, Vincelot a atteint la finale des play-offs de la League One en 2014. Le club londonien s’était incliné aux tirs au but contre Rotherham United.

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Après Leyton Orient, vous jouez à Coventry mais surtout à Bradford, dont vous avez été capitaine. C’est quelque chose dont vous êtes fier ?

Oui, forcément. C’est toujours sympa d’être le capitaine, de sentir cette confiance du staff et des coéquipiers. Surtout que comme avec Leyton Orient, on a eu une finale pour accéder au Championship. J’étais déjà allé à Wembley avec Dagenham et Leyton, c’était ma troisième fois, et en plus j’étais capitaine. C’est moi qui ai mené l’équipe jusque sur le terrain, avec l’hymne national anglais. Ce sont des choses particulières.

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C’est spécial ce moment où tout se joue sur des matchs à élimination directe, d’autant plus dans un stade comme Wembley ?

Oui, c’est énorme. Il y a d’abord les demi-finales qui sont suivies partout, que ce soit en cinquième, quatrième, troisième ou deuxième division. Quand vous vous baladez en ville et que vous passez devant un pub, s’il y a une demi-finale ou une finale de play-offs, tout le monde regarde, c’est génial. Il y a vraiment une atmosphère particulière. C’est une élimination directe et Wembley, c’est Wembley. Jouer une finale devant des dizaines de milliers de personnes, c’est génial.

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Au moment de votre départ de Bradford, le club publie un article intitulé « Merci Romain », en français. Ça montre que vous avez laissé votre marque au sein du club ?

Oui, c’est vrai que je suis parti alors que j’avais encore un an de contrat. Hélais, je ne m’entendais plus du tout avec le président par rapport au limogeage de l’entraîneur en février alors qu’on était sixième. Après ça, on a fini onzième, ça ne ressemblait plus à rien. Il a gâché quelque chose de top. Je savais que si je restais, ça allait être compliqué pour moi. En plus, je sentais que le manager étant parti, le président allait mettre quelqu’un qu’il allait pouvoir contrôler, donc ça ne sentait pas bon. Ça n’a pas manqué puisqu’ils sont descendus la saison d’après. Ça ne s’est pas fini comme je voulais. C’était un club vraiment populaire, plein de passion. L’année où on a joué la finale de play-offs, on a fait 20 000 spectateurs de moyenne toute la saison. C’est vraiment un super club, qui mérite mieux que là où il est en ce moment.

Romain Vincelot a porté le maillot des Bantams à 94 reprises entre 2016 et 2018.

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Après Bradford, vous faites un petit crochet par la League Two. Cela s’explique par le manque de propositions satisfaisantes en League One ?

Non, en fait, ma femme est enceinte et va bientôt accoucher. Je voulais juste être quelque part où je pouvais être heureux avec ma femme, où on pouvait voir nos amis et notre famille souvent avec le bébé qui arrivait. Un coéquipier de Bradford avait signé à Crawley avec Harry Kewell, qui est quand même une légende. Ça nous permettait de retourner vivre à Brighton, la meilleure ville qu’on a connue en Angleterre. Je me dis : « Tant pis, c’est Harry Kewell et ça peut être sympa de monter de League Two en League One ». Le sportif était passé au second plan, j’avais des propositions en League One. Je suis donc allé à Crawley. C’était vraiment sympa au départ. Hélas, au bout de quelques matchs, Kewell s’est fait recruter par un autre club. Après, c’était un peu le cirque. J’ai commencé à regretter mon choix sportivement, mais j’étais en même temps content de vivre à Brighton, avec notre nouveau-né. Après, je me suis fâché au sujet du standard professionnel du management, c’était n’importe quoi. J’ai dit ce que je pensais, ça m’a ouvert la porte pour partir et retrouver la League One en janvier.

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Vous êtes donc à Shrewsbury depuis un peu plus d’un an. Comment ça se passe depuis que vous y êtes ?

Ça se passe très bien parce que c’est un super club qui est en train de construire, doucement, quelque chose de solide. C’est une ville sympa. Hélas, je me suis blessé. J’avais des douleurs depuis des années à la hanche mais c’est devenu ingérable, j’ai commencé à avoir très mal, ça me gênait pour dormir. On s’est aperçu que ma hanche était complètement foutue. On a tout essayé mais rien ne faisait passer la douleur. Fin octobre, je me suis fait opérer. J’ai une mini prothèse, comme Andy Murray. Ça se fait de plus en plus et ça marche très bien. J’ai mis quatre mois à revenir, à m’entraîner complètement et être prêt pour jouer. Je devais être dans l’équipe pour jouer contre Coventry le 14 mars. On fait l’entraînement du vendredi matin, impeccable, et l’après-midi on nous dit que tous les matchs sont annulés à cause du coronavirus. C’était un peu dur à avaler parce que ça faisait quatre mois que je bossais comme un malade en rééducation, ça pouvait marquer mon retour officiel. Du coup, je travaille encore plus pour être encore plus en forme quand le foot va reprendre.

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Vous avez joué contre Liverpool en League Cup avec Brighton en septembre 2011. Quels souvenirs gardez-vous de cette rencontre ?

J’étais au marquage de Dirk Kuyt quasiment tout le match. Il y avait Luis Suarez, je me rappelle aussi que Steven Gerrard était rentré vers la 70e minute. Le respect qu’il avait suscité auprès de ses coéquipiers, c’était assez impressionnant. C’était un super match. La manière dont ça bougeait devant entre Kuyt et Suarez, c’était chaud à contenir mais c’était une bonne expérience. J’ai aussi joué Aston Villa en 2014 avec Leyton Orient, j’avais marqué dans les dernières minutes et on avait gagné 1-0. Il y a des souvenirs de coupe, mais plus en Coupe de la Ligue qu’en FA Cup.

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Vous qui êtes désormais habitué à la League One, comment décririez-vous ce championnat ?

C’est un championnat méga physique, où le rythme du match est très élevé. C’est très costaud aussi physiquement en termes de gabarits. C’est assez chaud ! Il y a de plus en plus d’équipes qui essaient de jouer un football en repartant de derrière mais il y a toujours cette dominante physique, il faut être prêt physiquement.

Romain Vincelot, ici avec Shrewsbury, compte plus de 250 matchs de League One à son actif.

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Parmi tous les clubs anglais que vous avez connus, quels sont les supporters qui vous ont laissé le meilleur souvenir ?

Déjà, par rapport aux mêmes divisions en France, il faut souligner que les supporters anglais sont bons partout. Il y a du monde tout le temps et de grosses affluences, c’est génial. Après, j’ai vraiment eu un lien spécial avec les supporters de Leyton Orient, des gens avec qui je suis resté ami après aussi. Je dirais qu’avec Leyton, on a eu un gros lien.

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Est-ce frustrant d’évoluer dans l’ombre de la Premier League depuis tant d’années ?

Non, ce n’est pas frustrant du tout. On a des choses qui en découlent aussi, ça fait tourner le football du pays. C’est le top de la pyramide, on en ressent aussi les bénéfices. S’il y a autant d’argent en Championship, en League One et en League Two, c’est qu’il y en a tout en haut. Quand la Championship repère des joueurs en League One et en League Two, les achète puis les revend en Premier League, ça nourrit tout le monde. Ce n’est pas frustrant. Au contraire, ça donne le ton pour tout le reste des championnats.

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Vous vivez en Angleterre depuis plus de dix ans maintenant. Vous êtes tombé véritablement amoureux de ce pays ?

Oui, plein de choses font qu’au bout de dix ans, on est un peu Anglais à notre façon. Dix ans, ce n’est pas rien, on a une histoire avec ce pays maintenant. Le futur immédiat, il est là. Dans dix ou quinze ans, on ne sait pas, mais c’est sûr qu’on a un lien très profond maintenant avec l’Angleterre.

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Vous vous considérez un peu Anglais désormais, en plus d’être Français ?

Un peu un mix. On a pris des habitudes, une manière de penser, d’être un peu plus relax. Il y a cette chose vraiment agréable en Angleterre qui est que tu fais ce que tu veux. Si tu as envie de t’habiller n’importe comment, tant que tu n’embêtes pas ton voisin, tout le monde s’en fiche. C’est une sensation vraiment agréable. Après, à l’inverse, il y a des choses qui nous manquent et qu’on n’a pas ici. Il y a toujours un petit manque, où que l’on soit. En fait, tu ne te sens un petit peu nulle part vraiment chez toi. L’été, quand on rentre en France, on est super content de revoir la famille et les amis, on voit des paysages qui nous tiennent à cœur, on va dans des lieux qui nous rappellent plein de choses, mais on s’aperçoit qu’on a changé, qu’on ne pense plus tout à fait de la même manière que tous ceux qui nous entourent.

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Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans la culture anglaise ?

C’est dur de pointer quelque chose de précis quand on parle de culture. Si je devais essayer de résumer ça, ce que j’aime en Angleterre, c’est de pouvoir être tout seul ou à deux, aller dans un pub, prendre un petit verre et parler à n’importe qui. Tu commandes ta bière, il y a quelqu’un à côté et tu vas avoir une conversation de cinq minutes avec cette personne que tu ne vas jamais revoir. Il y a une facilité de contact en Angleterre, je trouve que les gens se parlent beaucoup plus. J’ai déménagé à Shrewsbury il y a quelques semaines, il y a des gens que je ne connais pas du tout, je ne connais pas leur prénom, et on tape la causette. Je trouve qu’en France, on parle difficilement à quelqu’un qu’on ne connaît pas.

Ici, ce que j’aime bien, c’est qu’ils ont le contact facile. Pour des étrangers comme nous qui ne connaissons personne, c’est toujours agréable quand tu arrives dans une nouvelle ville. C’est facile de parler, les gens nous donnent les bonnes adresses où manger, les bons petits coins pour aller se balader… Si je devais résumer, tout ça peut se passer dans un pub. Tu vas dans un pub dans une nouvelle ville et tu vas trouver quelqu’un qui va t’aiguiller sur ce qu’il y a de bien à faire ici, s’intéresser à toi vite fait. Ce contact facile est vraiment agréable.

Opéré de la hanche en octobre, Romain Vincelot attend avec impatience de pouvoir retrouver les terrains.

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En tant que footballeur, l’une des spécificités anglaises est le Boxing Day, ce match avec cette atmosphère si spéciale dans la période des fêtes.

Oui, c’est vrai qu’au départ, c’était un peu dur parce qu’on était habitué à faire les fêtes en famille, c’était une période de décompression. Là, pas du tout. Au contraire, c’est un rythme effréné donc il faut faire attention, ne pas faire d’excès, ne pas manger trop gras, ne pas boire trop d’alcool. C’est vraiment une période super intense, c’est complètement l’opposé de la France où on est en vacances, on récupère, on en profite un petit peu avec les bons repas en famille. Là, pas du tout, on voit tout le monde qui profite, qui s’amuse bien, et nous on doit garder la tête dans le guidon. Mais au fil des années, j’ai appris à l’apprécier en me disant que c’est une opportunité. Dans quelques années, quand je ne jouerai plus, ce sera fini. C’est une opportunité d’être vraiment acteur dans une période encore plus festive, où tout le monde est encore plus spectateur. Tout le monde vient au stade et avec la magie de Noël, tout le monde est de bonne humeur donc les ambiances sont encore meilleures que d’habitude. C’est une chance d’être au milieu de tout ça, c’est une période maintenant que j’apprécie beaucoup.

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Parmi toutes les régions où vous avez vécu, laquelle avez-vous préférée ?

Brighton, c’est vraiment la ville où avec ma femme, on s’est senti le mieux, c’est la ville qu’on pourrait appeler notre maison. Shrewsbury également, on y est depuis un peu plus d’un an maintenant, notre fille a un an et demi, elle a sa crèche ici, on commence à connaître quelques amis, donc ça commence à être une ville où nous nous ancrons. C’est une petite ville que je connaissais très peu mais c’est vraiment très beau. C’est juste à côté du Pays de Galles, il y a des endroits magnifiques à visiter. Du coup, Brighton, c’est clair que c’est un peu notre ville, et Shrewsbury est en train de conquérir notre cœur aussi.

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Quelle est la plus belle ambiance que vous avez connue dans un stade anglais ?

C’est dur… Les ambiances en Angleterre, vraiment, c’est quelque chose. Celle qui a le plus de valeur, je dirais que c’est peut-être la victoire en finale de play-offs avec Dagenham. C’était à Wembley, ça faisait six mois que j’étais là. Ma femme, qui était alors ma petite-amie, m’avait suivi dans ce challenge un peu fou, on vivait dans un tout petit studio au bord de la route dans l’Est londonien. Avoir fait ce pari et se retrouver à Wembley six mois après, elle dans les tribunes et moi en train de soulever la coupe, c’était assez énorme.

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Vous vous voyez finir votre carrière en Angleterre ?

Oui, je pense. Maintenant, je suis bien installé ici au niveau professionnel, je me suis fait un nom en Angleterre. Je pense que je vais rester ici et continuer le plus longtemps possible, en sachant que je suis en train de passer un diplôme d’entraîneur. Normalement, je devrais commencer l’université l’année prochaine en science du sport, en même temps que je continuerai à jouer, parce qu’il y a des choses qui se font à distance. Donc on est parti pour quelques années encore.

The cherry on the cake
Le Fish and chips ? « Il faut trouver l’endroit où ils le font bien mais un bon fish and chips, avec un bon poisson, une panure bien faite et les frites cuites comme il faut, oui. Il faut trouver ceux qui font ça avec amour. »
Petit déjeuner salé ou sucré ? « Plus sucré, à la française. J’ai gardé ça. »
Le thé tous les jours ? « Non, j’étais café et je suis resté café. »
Jelly ou pudding ? « Aucun des deux ! »
De la vaisselle à l’effigie de la famille royale chez vous ? « Non, mais on en a offert à de la famille (rires). C’est toujours le cadeau qui passe bien ! »
Le cricket ? « Ils le mettent souvent à la télé à la cantine au club. Je regarde un peu, forcément, parce que c’est devant moi, mais je n’ai toujours pas compris et je n’ai pas envie de comprendre ! On dirait qu’ils ont fait des trucs compliqués exprès, un sport ça doit être simple ! »
Facile de conduire à gauche ? « En fait, ça prend juste quelques jours de pratique et on s’habitue. On s’en fait un peu toute une montagne au départ mais c’est assez vite acquis. »
Beatles, Rolling Stones ou Oasis ? « J’aime bien les trois mais Rolling Stones peut-être un peu plus. »
Sunderland ‘Til I Die sur Netflix ? « Non, je n’ai pas regardé, mais c’est sur la liste ! »
Un cliché sur l’Angleterre qui est faux et un autre qui est vrai ? « Un cliché qui est faux : il pleut tout le temps. Ce n’est pas vrai. Ça fait un petit moment qu’il fait un temps magnifique. Honnêtement, les températures sont un peu plus fraîches qu’en France mais que ce soit le centre ou le sud de l’Angleterre, c’est quand même assez similaire en termes de temps. Et un cliché qui est vrai : les Anglais boivent n’importe comment ! »

Quentin Ballue (couverture réalisée par Paul Courtois)

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