Depuis le début de l’année, l’incertitude règne autour du club fanion de Toulon. Les supporters azur et or s’impatientent alors qu’enfle chaque jour la rumeur d’une reprise du Sporting par Mourad Boudjellal, l’homme qui a porté les rugbymen varois au sommet de l’ovalie. Tour d’horizon en compagnie de Nicolas, “Saint-Sauveur”, Florent, Gérard, Manu et Marcel.
Rouge est la rascasse, Azur et Or est le blason
Célèbre dans la France entière pour sa rade, emplacement stratégique plurimillénaire commercial comme militaire, Toulon baigne dans une atmosphère azur et or quasi-annuelle. De Telo Martius à la ville actuelle, les presque trois-cents jours de soleil et la douceur du climat méditerranéen local font de Toulon un lieu où il fait bon vivre.
Depuis le Fort Balaguier érigé en 1636 sous Louis XV et Richelieu au massif porte-avion Charles-De-Gaulle trônant non loin du Mistral et de l’Abeille-Flandre, la dimension militaire y occupe une place centrale.
Du haut de la corniche Marius Escartefigue jusque sur les rives de la rade, la vie reprend doucement son cours. De la Tour Royale à la place de la Liberté en passant par l’habituellement foisonnante rue d’Alger, Toulon se déconfine progressivement en ce mois de mai plus que printanier. Que ce soit dans les hôpitaux de Sainte-Musse et Sainte-Anne ou encore l’hôtel de ville, nombre d’acteurs locaux, parmi tant d’autres, n’ont connu que peu de répit. Mais s’il y bien un lieu plus insolite, compte tenu du contexte actuel, où la tension n’est pas retombée, ce sont bien les bureaux du SC Toulon. A l’image d’une saison et plus largement de pans de son histoire tourmentée, ses supporters s’interrogent sur l’avenir du club pour lequel ils se passionnent.
Un blason dont ils sont fiers. Nicolas, président du « Mouvement Azur et Or » ainsi que de la web-tv « RazCast TV », s’accorde avec l’ensemble des supporters témoignant leur amour pour le club : « Elles sont celles de ma ville, mais aussi du Var. L’Or pour le soleil, l’Azur pour le ciel et la mer ». Florent, natif de Toulon en exil, ajoute : « Elles inspirent de la fierté, l’honneur d’être Toulonnais ». Mais un symbole plus intriguant trône au centre de l’écusson toulonnais : la rascasse.
Pour Gérard, « la rascasse est un poisson qui par ses épines et son aspect peu ordinaire est naturellement craint. Il correspondait en tout point jusqu’à une certaine époque aux équipes du club. Il se disait que lorsque le calendrier de la saison sortait, certains joueurs se précipitaient pour voir à quelle date ils devaient se déplacer à Toulon, afin de trouver un motif médical pour ne pas jouer ». Puis d’ajouter, amer : « Aujourd’hui, ce serait un poisson rouge, ou une rascasse sans épine et avec une forme sympathique, qui tourne en rond dans son bocal : D.H., CFA2, CFA, National, CFA, D.H., CFA2, N2 alias CFA, National, N2… ». C’est « un poisson emblématique de notre Méditerranée qui ne se laisse pas marcher sur les nageoires, comme notre Sporting ‘d’époque’ » renchérit Marcel.
« C’est même une identité locale » pour Saint-Saveur, socio et trésorier du Mouvement Azur et Or, « le poisson phare de notre Provence et de notre bouillabaisse ». Florent suggère qu’elle « représente le courage et le caractère qui sont deux valeurs intimement liées à l’histoire de notre club ». Le SCT, comme le RCT d’ailleurs, a longtemps véhiculé une réputation d’équipe rugueuse. Nicolas, enfin, rappelle le parallèle cocasse avec l’AS Nancy-Lorraine, Toulon possédant la même devise : « Qui s’y frotte s’y pique ! ». « C’est aussi vrai pour ses supporters : une fois piqué, tu appartiens à ce club à vie » affirme Manu. Avant que Nicolas n’ajoute : « Même si cette saison, elle n’a que trop peu piquée ».
Deux stades pour une histoire
A l’heure où ces lignes sont écrites, le Sporting vient tout juste de voir actée sa descente en N2 après une saison marquée par une seule victoire, intervenue en février, et dix nuls en vingt-cinq matchs disputés. Il faut dire que depuis sa fondation en 1945, le Sporting, contrairement au voisin hyérois, a connu nombre de hauts et de bas. Présent pour la première fois en D1 en 1958-59, atteignant plusieurs fois les demi-finales de la Coupe de France, Toulon plonge en D3 à la fin des années 70.
Les années 80 sont elles, en revanche, marquées par l’ambition, comme en témoigne cette saison 1983/84 où figurent dans le onze toulonnais Marcel Dib, Rolland Courbis, Laurent Paganelli mais surtout le légendaire Delio Onnis. Terminant sa carrière de joueur par 40 buts en 81 matchs au SCT, l’Italo-Argentin demeure le meilleur scoreur de l’histoire des championnats français de première division, avec 299 coups de canon à son actif. C’est d’ailleurs en 1988 que Toulon obtient son meilleur classement en D1 en finissant cinquième sous la houlette de David Ginola. D’autres noms connus gardèrent notamment les cages de Mayol, tels que Pascal Olmeta, le regretté Luc Borrelli ou encore Joseph-Antoine Bell.
Le stade Félix Mayol, antre du Rugby Club Toulonnais, est ainsi partagé pendant plus de dix saisons par le RCT et le SCT, entre 1984 et 1995. « Le stade Mayol, même s’il a connu la belle époque du Sporting, est surtout le stade du RCT. Pour moi, l’âme du SCT est à Bon Rencontre » confie Florent. Saint-Sauveur a lui un lien intime avec l’actuel stade du Sporting : « Bon Rencontre représente pour moi sentimentalement et émotionnellement mon histoire et mon attachement à ce club. Je suis issu de ce quartier et j’ai découvert ce stade sur les épaules de mon père ! Nous y étions “ancrés” pour chaque rencontre du SCT à domicile sur la plus haute marche en haut à droite de la tribune en bois qui existait à l’époque coté “autoroute”…C’est aussi ce même stade que j’ai fait découvrir à mon fiston 35 ans plus tard ».
Et reste l’enceinte historique du SC Toulon : « Dès qu’il a été rénové en septembre 1955, le club s’y installa, profitant à cette époque pour tronquer ses couleurs noir et or en azur et or. C’est là que le Sporting, à l’issue de la saison 1958/1959, va accéder en 1ère Division, puis à nouveau en 1963/1964 et enfin en 1982/1983 » détaille Gérard. « Bon Rencontre, stade “à l’anglaise”, permet une proximité des tribunes et du terrain. Il y a une véritable ambiance dans cette enceinte » ajoute Nicolas. Fidèle par les fidèles, Manu a vu son premier match à Bon Recontre « contre l’AJ Auxerre de Guy Roux en septembre 1983, en D1. Une victoire 1 à 0 avec un but d’Onnis. Les périodes les plus difficiles ont eu lieu également dans ce stade. Ce n’est pas le plus beau, il est moins clinquant que Mayol, mais il reflète parfaitement la vie perturbée et difficile du club depuis plus de 30 ans ».
Ce qui n’empêche pas certains supporters comme Marcel de conserver d’excellents souvenirs à Mayol, lui qui suit le club depuis plus de trente-cinq ans : « Mayol c’était tout de même vraiment le feu à la grande époque, et cette ambiance me manque terriblement. Mais Bon Rencontre reste un excellent stade tout de même ».
Et d’ajouter une anecdote qui fleure bon le football d’autrefois : « Lors de ma première sortie en bagnole à Mayol, je me gare dans le parking, déambule dedans et me paume complètement. J’arrive devant une porte battante et tombe sur une petite cage d’escalier extérieure improbable, dans laquelle était assis l’un des joueurs emblématiques du club, qui allait jouer 2 heures après un match important de haut de tableau de Ligue 2. Il fumait une cigarette bien mal roulée et qui sentait très fort. Nos regards se fixent trois ou quatre secondes, puis il me lance, le regard noir: “tu vas me regarder jusqu’à ce soir ?”. Je ne parviens alors à lui rétorquer qu’un “pardon Monsieur” et file sans demander mon reste. Il a réalisé un match de folie et nous avions gagné par un but d’écart, en grande partie grâce à lui. Un caractère fort du club qui jouait aux arrières-postes comme on les aime au Sporting ».
Faillite économique et ambition sportive
Malgré plus de vingt ans d’absence du monde pro et une dernière saison de D1 en 1993, le SC Toulon continue de susciter un engouement certain. Bien que la ville à elle seule compte près de 170 000 habitants, elle est la seule du Top 20 des communes les plus peuplées du territoire métropolitain à ne pas compter de club de football professionnel. Il est vrai que, sportivement parlant, le rugby offre au niveau local une très rude concurrence. Figure historique du paysage ovale, le Rugby Club Toulonnais culminait encore au sommet de l’Europe il y a peu. Dans les années 2010, le RCT devenait ainsi le seul club à rafler trois coupes d’Europe consécutives, dynamisé par une pléiade de stars à XV dont certaines, comme Jonny Wilkinson en 2013 et Steffon Armitage en 2014, seront élues meilleurs joueurs de l’année par l’European Rugby Cup (ERC). Autant d’occasions pour la ville de se parer de rouge et de noir, et de rayonner nationalement et internationalement, quand le football demeure aux abonnés absents.
Economiquement, le SCT dispose d’un rude passif marqué par l’affaire dite « de la caisse noire », qui colle à sa peau. Le club vécut de nombreuses saisons au-dessus de ses moyens, le détournement de fonds devant permettre de maintenir une équipe compétitive. Ce qui ne fut ni du goût de la DNCG, ni des tribunaux français. Relégué sportivement en D2 et administrativement en D3 en 1993, le Sporting ne s’en remettra jamais totalement. D’autant que le club est de nouveau relégué administrativement et placé en redressement judiciaire en 1998. Un espoir naît cependant d’une folle première partie de saison de National 2005-2006. Toulon, troisième à la trêve, tient alors depuis trois ans une série de 52 matchs sans défaite à Bon Rencontre. Las, le club redescend en CFA la saison suivante, se retrouve à nouveau au bord de la faillite et relégué administrativement en 2011 avec un déficit d’1,2 million d’euros. Le Sporting accuse plus de 800 000 euros de pertes en deux saisons contre 200 000 autorisés en CFA (N2), colossal pour ce niveau.
La nouvelle direction, autour de Claude Joye et Jacques Jayet ainsi que du maire Hubert Falco, s’attache à renflouer les caisses à hauteur de 600 000 euros. Avec pour ambition « l’union sacrée » pour pérenniser le club, puis « La marche en avant ». Pour Florent, « il y a un décalage entre ce qui avait été promis à l’époque (en 2011, ndlr) – La Ligue 2 en 2016, puis en 2018 – et la situation actuelle. Si le club n’est pas totalement mort grâce à l’actionnaire actuel, l’objectif annoncé n’a pas été atteint. De l’extérieur, on a l’impression de voir le club stagner à tous les niveaux, l’organisation n’est pas transparente et Toulon n’est pas structuré comme un club qui aspire à être professionnel ».
Malgré trois promotions en dix saisons, jusqu’à la N1 en 2019/2020, les supporters attendaient plus. Manu juge ainsi l’évolution « minime par rapport aux sommes investies. Trois montées pour une descente en neuf saisons ! Si on nous avait dit qu’en 2020 , le Sporting serait encore en 4ème division, tous les supporters auraient été déçus voire abattus ». Saint-Sauveur trouve que « le temps est long, surtout depuis la première descente aux enfers en DH en 2011. Les saisons durent une éternité, surtout quand je vois des clubs comme Strasbourg, Le Mans, Nîmes et Grenoble rebondir aussi vite. Un sentiment de stagnation et du hâte-toi lentement prédomine, la rétrogradation de cette saison ne fait qu’aggraver ce ressenti ! ». Même son de cloche chez Gérard : « Un proverbe d’origine italienne dit : “Qui va piano va sano et qui va sano va lontano”. Mais avec ce retour en arrière, je repense à mon poisson rouge qui, en tournant en rond, pense trouver une issue de secours ». Et Marcel de conclure : « Il est malheureusement temps pour Monsieur Joye de passer la main, mais il mériterait alors l’estime des supporters car sans lui nous pourrions être bien plus mal en point ».
« Aujourd’hui, les moyens financiers ne manquent pas car le club est l’un des plus subventionnés par la mairie et il y a également un potentiel important en termes de revenus avec la billetterie et l’image du club. D’ailleurs, comme l’a relevé France 3, le club a été parmi les plus gros budgets de sa division lors de chaque saison, sauf celle en National » note Florent. « Il y a trente ans, on pouvait dire que le Sporting avait toujours manqué de moyens, ses différents présidents étaient quasiment tout le temps sans ressource financière majeure. Mais depuis 2011, si la gestion semble plus rigoureuse et les moyens conséquents, force est de constater que cela n’a pas suffi pour obtenir les résultats escomptés », analyse Manu.
Mais plus encore que la question financière, ces supporters attendent une direction composée d’acteurs experts dans leur domaine. Nicolas, qui partage l’avis de Saint-Sauveur, pense que « c’est surtout une question de compétences dans tous les secteurs : administratif, sportif, marketing, communication. Parfois c’est une question de moyens, mais aussi de répartition des rôles et des missions ». Manu, plus amer, trouve que lorsque « la compétence est présente au club, soit on ne la valorise pas, soit on la laisse partir, comme Momo Sadani, l’entraîneur de 2013 à 2015, ou Karim Masmoudi, entraineur adjoint jusqu’en 2019 ».
Marcel estime lui nécessaire le retour « d’une culture de la hargne et de la gagne chère au club, qui se perd au niveau de la mentalité des recrues au fil des saisons. J’aimerais des structures humaines composées de Toulonnais, voire d’anciens du club (dirigeants, staff, joueurs…), il y en a des tonnes d’anciens joueurs prêts à s’investir, et aux très bon CV ». Une démarche amorcée par le Sporting, avec Jean-Marc Ferreri officiant comme directeur sportif, Jody Viviani entrainant les gardiens de but après avoir achevé sa carrière à Toulon, ou encore la nomination à vie de dix-sept ambassadeurs du club pour les 70 ans du SCT en 2015.
Faire du Sporting Club de Toulon un porte-étendard du football varois
Au niveau local, Toulon connait une concurrence très forte. « Dans les années 80 et 90, la rivalité avec l’OM existait dans le département : si le supporter toulonnais a toujours été minoritaire, nombreux étaient ceux qui allaient au stade pour soutenir les azur et or » selon Manu. Une période durant laquelle Toulon bâtait régulièrement Marseille, y compris au Vélodrome. « Lors de la victoire en 1991 sur le grand rival olympien, j’ai traversé Brignoles et le centre-ville de Toulon avec l’écharpe du Sporting accrochée à mon rétroviseur, ça ne laissait pas grand monde de marbre » ajoute le supporter varois.
« Aujourd’hui, très sincèrement, en dehors des adeptes réguliers de Bon Rencontre, Toulon est un club dont l’aura reste limitée. Malheureusement, en ce qui concerne le foot, l’OM occupe en ce moment la première place dans le Var et dans la ville. Si l’intérêt médiatique pour le SCT reste limité, le club est sportivement toujours parmi les meilleurs du Var, à mon avis du même niveau que l’Etoile Fréjus St-Raphaël ou le Hyères FC mais très loin des trois cadors de la région que sont l’OM, l’OGCN et l’AS Monaco. Historiquement, le SC Toulon a été, à une certaine époque, plus proche du standing de ces trois clubs, mais cela n’est plus d’actualité depuis plus d’une vingtaine d’années », constate Florent.
« Au niveau du département, il a perdu de sa notoriété du fait de la concurrence », pense Gérard. Avant d’ajouter : « il est certain que le club a un caractère social fort, plus particulièrement au niveau de certains quartiers. Cela explique par exemple les plus de 900 licenciés au club. Le SCT est présent dans toutes les catégories chez les jeunes, féminines, au futsal…». Marcel estime de son côté que Toulon a les moyens d’être « le club phare où tous les jeunes Varois devraient avoir envie d’évoluer, comme dans les années 80/90. Le club a le socle pour jouer en Ligue 2 ».
L’important pour Florent étant de ne pas céder à la tentation passéiste : « Pour les nostalgiques du football français, nous gardons une certaine sympathie, car nous représentons le football à l’ancienne, à la dure, avec une ambiance électrique dans le stade ». De même pour Nicolas, même si pour lui le SC Toulon est « un vague souvenir pour la plupart des gens qui ont lâché le navire en 1998. Las de tant d’échecs. C’est un club dont les Toulonnais et Varois sont fiers par nostalgie… ». Ce qui n’empêche pas le président du Mouvement Azur et Or et de RazCast TV de se mobiliser : « Le Sporting fait partie de moi. Il est dans mon ADN. Je l’aime tellement et trouvant que l’on n’en parlait pas assez, j’ai créé RazCast TV ».
Preuve de l’engouement persistant, la chaîne YouTube cumule à elle seule plus de 130 000 vues en trois ans d’existence. La mobilisation est large, dans les bons comme les mauvais moments, à l’image de l’appel au boycott du stade par le groupe Fidelissimi en février 2020, suite aux mauvais résultats du club. Une pétition ayant recueilli 964 signatures au 18 mai 2020 appelle également la direction à la démission, avec notamment d’anciens joueurs du club parmi les signataires selon Var-Matin.
« Parler de Ligue 2, d’accord, mais comment ? Le problème se trouve-là. Que ce soit au niveau du sportif ou de l’extra-sportif, il faut se mettre au niveau des autres clubs professionnels, tout en ayant conscience des moyens qui ne sont pas les mêmes que les leurs. Il y a largement la possibilité de copier ce qui se fait en termes de communication sur les réseaux sociaux, de manière à stimuler la communauté et à développer l’intérêt des gens pour le club », analyse Florent. D’autant que le club compte près de 30 000 abonnées sur ses pages officielles Facebook, Instagram et Twitter, mais sa stabilisation est essentielle. Et ses supporters veulent y contribuer davantage. Pour Nicolas, « ils sont l’ADN de ce club ; les garants de valeurs et d’une mentalité propre à Toulon. Les supporters Azur et Or sont connus et reconnus. Ils forcent le respect. Quel club peut se targuer, après avoir connu les différentes relégations, les affaires, d’avoir un noyau aussi conséquent de “fadas” présents sur tous les stades, qu’ils soient de 40 000 places ou de campagne ? ».
« Ils n’ont pas l’importance qu’ils devraient avoir » pour Gérard. « On a vu une catégorie de supporters, les socios, intégrer le club (en 2006/2007, où ils sont alors 250, ndlr) sans réel succès, notamment lorsqu’une remise en cause est nécessaire. L’écoute à leur égard est limitée car les suggestions sont parfois vues comme des critiques, une remise en cause de l’autorité, alors que les socios ne manquent pas d’imagination. ».
Saint-Sauveur, socio du SCT, est bien placé pour témoigner : « Les supporters sont l’essence même du club, sans eux il serait déjà au trépas ! Ils sont les garants des valeurs du club à Toulon, en Provence, en France et partout dans le monde car les expatriés représentent une portion énorme du vivier des supporters azur et or ». Florent acquiesce : « Si le Sporting reste un club à part, c’est grâce aux supporters, et surtout aux Ultras. Ils sont les garants de l’identité du club et continuent de soutenir l’équipe malgré des années de déception. Malheureusement, ils ne sont pas assez consultés dans la vie interne du SCT et, entre la direction et eux, le dialogue n’est pas totalement rompu mais il reste très tendu. Je pense que le club ne grandira pas si les supporters n’y jouent pas un rôle plus important ».
De son côté, Manu a fait partie pendant plus de dix ans d’un groupe d’ultras toulonnais : « Nous étions connus comme le loup blanc dans la France entière, avec une réputation de public chaud et indéfectible. Les amitiés avec des groupes ultras de clubs italiens comme le Napoli, le Genoa, Alessandria et Consenza, du Celtic en Ecosse, du Borussia Dortmund en Allemagne et du Kop Auteuil à Paris sont réelles : ils sont venus soutenir le Sporting à Bon Rencontre, que ce soit en N2, N3 ou DH ». Marcel se dit lui « fier comme Artaban d’être supporter depuis plus de trente-cinq ans maintenant ». Et d’ajouter une nouvelle anecdote : « Osant mettre un pied dans Mayol pour venir y supporter l’OM, un de mes amis se parque derrière le but avec les autres supporters visiteurs. JPP (Jean-Pierre Papin, ndlr) règle sa mire à l’entrainement, reprenant les centres et enchainant ses fameuses papinades. Il en enclenche une qui passe dix mètres au-dessus de la barre et finit… dans la bouche de mon ami qui, sonné, ramasse une de ses principales dents de devant, en morceaux… Fin mot de l’histoire : les Marseillais ne sont jamais les bienvenus dans nos stades toulonnais ! ».
Après de longues semaines de tergiversation, les supporters pourraient bien être entendus. Plusieurs échanges ont eu lieu entre la direction actuelle et l’ancien boss du RCT, Mourad Boudjellal. Ayant quitté la direction du club phare de rugby toulonnais après quatorze années de présidence fructueuse, Boudjellal entend redonner ses lettres de noblesse au Sporting. Déterminé et toujours sans langue de bois, il compte poser ses valises à Bon Rencontre avec un budget avoisinant 4 millions d’euros, contre 2,8 pour la dernière saison en N1. Selon Le Figaro, il souhaite également un entraîneur « capable de lui tenir tête », qui serait le Savoyard Pascal Dupraz, ainsi qu’un joueur clef qui serait potentiellement Bafé Gomis, l’un des meilleurs buteurs en activité de Ligue 1, originaire de La Seyne-sur-Mer et formé à Toulon.
Mais comme l’instabilité n’est jamais bien loin, l’interview donnée le 18 mai 2020 par Claude Joye sur le site du club laisse à penser que les nerfs de Nicolas, Florent, Manu, Saint-Sauveur, Gérard et Marcel seront encore mis à rude épreuve dans les prochaines semaines. Comme Joye en 2011, Boudjellal a réclamé un audit du club avant de potentiellement agir. Et comme depuis 75 ans, l’instabilité reste le principal frein à une pérennisation et un retour dans le monde pro du SC Toulon, qui fuit le club depuis vingt ans…
Thibaut Keutchayan
Anecdote bonus par Marcel :
« Un soir d’août 95 , je pars voir Fréjus/Toulon en National 1 à l’époque, où nous y gagnons 3-1 de mémoire. J’arrive devant l’entrée du stade et je me tire la bourre avec un grand mec tout de jean vêtu pour passer à la billetterie. On arrive devant les barrières, j’accélère et là, le mec se tourne vers moi et me dit : “dégage de là, je suis chez moi ici !”. Je regarde le gars pour m’expliquer, or c’était Didier Rabat (joueur du Sporting de 1995 à 1999, ndlr). Mais je crois que si je ne me poussais pas, il me faisait passer par-dessus la barrière d’un coup d’épaule ! Par la suite j’étais particulièrement fier de raconter ça à tous mes potes dans le stade ».