On a parlé foot avec

Rémy Buisine : ” Le RC Lens, une évidence, un coup de foudre”

Tout petit, le journaliste est tombé amoureux de ce sport qu’il a pratiqué en club avant de bifurquer vers les tribunes du Stade Bollaert où il a consacré de nombreux week-ends. Aujourd’hui, si son travail occupe une grande partie de son temps, le football n’est jamais très loin de lui. Que ce soit dans les mouvements sociaux qu’il couvre, dans les ambitions qu’il nourrit ou même dans les loisirs qui l’occupent. La figure montante du média Brut se confie sur sa passion. On a parlé foot avec Rémy Buisine.


Rémy Buisine, à quand remonte votre rencontre avec le football ?

“Ma rencontre avec le football commence alors que j’ai 7 ans – en 1998 – et que nous venons de nous installer avec ma famille dans une petite ville du Nord de la France, située entre Lille et Valenciennes, qui s’appelle Landa. Mes parents m’inscrivent dans le club de football qui est le lieu où tout le monde va faire du sport. Sur 2000 habitants, je crois que nous sommes alors 250 licenciés. J’étais considéré comme un enfant hyperactif et on conseillait à mes parents que je fasse du sport pour me canaliser. On avait deux entraînements la semaine et un match le dimanche. Mon niveau était proche du néant (rires.) mais je m’amusais bien, c’était le principal ! Et puis, il y a ma rencontre, en tant que spectateur, avec le football qui a lieu en 1998 lorsque l’équipe de France est championne du monde. Le parcours de l’équipe de France permet de créer une communion nationale. Dans le même temps, le Racing Club de Lens connaît de bons résultats sportifs. Je commence à me passionner pour l’ambiance qu’il y a autour de ce club et je convaincs mon père et ma mère de m’amener au stade jusqu’à la saison 2002-2003 où nous finissons par nous abonner en tribune ‘Delacourt 0’ derrière les buts.”

Comment se traduisait votre passion pour le football étant petit ? 

“Elle se traduisait par cet amour du beau jeu mais surtout par cette ambiance qui m’attirait et la communion qu’il y avait autour de ce sport. Mon amour pour le football va croître progressivement. Au début des années 2000, je me souviens que je tannais mes parents pour qu’on s’abonne aux chaînes de télévision afin de pouvoir suivre un maximum de matchs de football.”

Votre passion pour le RC Lens, d’où vient-elle ?

“Elle me vient de la ferveur que génère ce club. Clairement, moi j’habitais plus près de Lille mais Lens a été comme une évidence. Un coup de foudre ! En fait, c’est la ferveur des tribunes de Bollaert. Je voyais l’ambiance qui était mise par la tribune Marek et j’ai eu envie d’y aller. J’ai réussi à convaincre mes parents d’y aller une première fois, puis, j’en suis tombé amoureux et j’ai fini par m’abonner au RC Lens. Je venais très en avance aux matchs. J’appréciais le lien social que créait le club, les gens retrouvaient leurs amis chaque week-end au stade. Puis, il y a toutes les valeurs humaines très fortes que véhicule cette équipe. Depuis 30 ans, j’ai tout vécu avec cette équipe ! Entre les années en Ligue 1, les descentes à répétition en passant par l’épisode où le club a failli déposer le bilan, jusqu’à maintenant où nous avons retrouvé les joies de la Ligue 1. Depuis quelques temps, je me plais énormément à participer à un podcast avec des amoureux du RC Lens où nous débriefons les performances de notre équipe avec des supporters, l’ancien speaker et même des anciens joueurs du club.”

Vous avez même fait votre stage de 3ème au RC Lens ? Quels souvenirs en gardez-vous ?

“À force de suivre l’équipe tous les week-end, mes parents ont fini par m’accompagner une fois par mois au centre d’entraînement de la Gaillette. C’était l’époque des Daniel Moreira, Olivier Thomert ou encore Charles Itandje. Je discutais pas mal avec les équipes de communication du club car j’étais déjà intéressé par le journalisme. J’étais même modérateur du blog du RC Lens et en postulant pour mon stage d’observation de 3ème, j’ai été pris. Durant une semaine, je passais à la Gaillette, je découvrais ce club de l’intérieur, c’était intense et fantastique !”

L’un de vos premiers métiers était de gérer les réseaux sociaux des joueurs pros que vous aviez contacté préalablement. Pouvez-vous nous raconter ce passage de votre vie ? Qu’est ce que cela fait de collaborer avec un joueur professionnel de football ?

“En 2009, je décide d’arrêter mes études. Avec quelques connaissances que j’avais rencontrées à Bollaert, je me laisse embarquer dans une aventure de Community Management (CM) pour des joueurs professionnels et de gestion de communication en général. À l’époque, j’y allais un peu un culot ! Je contactais des joueurs directement sur leurs comptes Facebook ou Twitter puisqu’ils n’avaient pas de CM. En parallèle, j’avais la chance d’avoir mon frère qui était concepteur de sites internet et donc nous nous chargions de créer des sites internet officiels pour les joueurs. Mon travail consistait à gérer la partie rédactionnelle du site mais aussi d’être en contact avec les journalistes sportifs pour donner de la visibilité aux joueurs que nous suivions. Nous étions en relation, notamment, avec des internationaux africains comme Didier Owono, joueur du Mans, ou même Aurélien Chedjou quand il jouait au LOSC. Après trois années, j’ai préféré quitter ce milieu là car j’étais assez déçu de ce que j’y avais vu notamment auprès des agents de joueurs. Je me rendais compte que l’argent faisait perdre la morale aux gens. “

“Je me suis rendu compte que l’argent fait perdre la morale aux gens.”

En 2016, vous rejoignez Brut. En août dernier, vous avez couvert la révolte populaire qui a suivi l’explosion du port de Beyrouth au Liban. Il est prouvé que le mouvement ultra a eu sa place dans les révoltes du Printemps Arabes, au Maghreb et ailleurs. Quelle place occupent alors les ultras libanais dans le soulèvement ?

“C’est très intéressant car dans toute révolte populaire actuelle, les ultras de football ne sont jamais très loin, soit en participant à la contestation soit en aidant à la logistique. Pour le Liban, c’est un peu particulier car la révolte débute le 17 octobre 2019 pour protester contre la vie chère et plus globalement contre la classe politique qu’ils jugent corrompue. En réalité, c’est tout un peuple qui sort dans la rue. On ne peut pas donner d’âge, de couleur politique ni d’origine sociale. Les ultras de football sont là évidemment mais ils sont présents parmi tant d’autres Libanais dans le soulèvement. J’ai été marqué par la solidarité et l’humanité qui ont animé le peuple libanais. J’ai pris une véritable leçon de vie en couvrant ce drame.”

En manifestations, de nombreux chants scandés sont tirés du domaine du football. En novembre dernier, on pouvait même apercevoir des banderoles à l’effigie de Diego Maradona au sein du cortège contre le projet de loi sur la sécurité globale. Constatez-vous ce rapprochement entre les stades et les manifestations ? Comment l’expliquez-vous ?

“J’ai une anecdote avec le chant ‘On est là, on est là. Même si Macron ne le veut pas, nous on est là’. Il a été popularisé lors du mouvement des Gilets Jaunes. Il faut savoir qu’il tient son origine des manifestations des cheminots mais au tout départ ce chant émane des tribunes du Stade Bollaert. Les paroles sont les suivantes : ‘On est là, on est là. Pour l’amour du maillot que vous avez sur le dos, dans le malheur ou la gloire, nous on est là’. Ce chant là est donc passé des tribunes de Bollaert, aux manifestations des cheminots jusqu’au mouvement des Gilets Jaunes avec des paroles réadaptées. Pour couvrir beaucoup de mouvements sociaux, mais aussi quelques rassemblements de supporters de football à Marseille, Lens ou Paris, je discute avec certains d’entre eux et je constate souvent que derrière l’ultra de football se cache un citoyen engagé, en lutte, qui participe aux manifestations. Il y a des visages familiers que je croise régulièrement lors des mouvements sociaux. Je pense qu’il y a toujours eu ce lien entre l’ultra de football et les luttes sociales.”

“Les supporters sont des éléments centraux. Je pense sincèrement que l’on peut trouver des solutions beaucoup moins répressives et encadrer les déplacements sans restreindre l’activité des supporters.”

Alors que la question des violences policières, particulièrement en manifestations, est devenue centrale, quel regard portez-vous sur la politique du « tout-répressif » menée par les autorités du football français contre les supporters ?

“C’est extrêmement dommageable de se dire que ce qui était une exception, il y a quelques années, est devenue une norme aujourd’hui, c’est-à-dire interdire aux supporters de football de se déplacer pour aller encourager leur équipe à l’extérieur. C’est regrettable pour le spectacle et pour le football car, en dehors du terrain, les supporters sont des acteurs centraux. Bien évidemment, il ne faut pas nier qu’il y a eu des violences et des débordements mais ce sont des exceptions par rapport à des centaines de déplacements dans l’année, qui sont en plus facilement gérables pour les forces de l’ordre. C’est assez regrettable que les mesures se soient généralisées, que les supporters qui veulent participer à ce spectacle soient pénalisés à cause des débordements d’une infime partie de supporters. Je pense sincèrement que l’on peut trouver des solutions beaucoup moins répressives et encadrer les déplacements sans restreindre l’activité des supporters.”

Est-il envisageable de vous imaginer un jour aux commentaires d’un match de football professionnel en live sur une plateforme comme Twitch ?

“Ça c’est une question du futur et j’ose croire que nous y arriverons un jour ! Le commentaire sportif est quelque chose qui s’apprend et je pense avoir beaucoup à apprendre. Je n’ai pas de plans de carrière, je ne me refuse rien. Je suis un passionné de football et si, un jour, ma carrière de journaliste prend le virage du sport, je dis pourquoi pas. D’autant plus sur une plateforme comme Twitch, moi qui suis très porté sur le digital, cela me plairait bien !”

Combiner “passion et métier” mode d’emploi.

Si vous deviez réaliser un Facebook live avec un acteur du monde du football, qui serait cette personne ? Et pourquoi ?

“C’est difficile de résumer la question à une seule personne. Il y a des personnes qui nous ont quittés comme Louis Nicollin ou Pape Diouf qui étaient des gens passionnés et passionnants. Je pense aussi à Aimé Jacquet, sélectionneur de l’EDF en 1998, et évidemment à Gervais Martel, président du RC Lens pendant 30 ans. Je pense aussi à Bernard Tapie qui a beaucoup fait pour le football et je serais très curieux de recueillir sa vision du football sur certains points actuels. Et enfin, Franck Haise, entraîneur du RC Lens, véritable révélation de la saison en Ligue 1 !”

Vous qui êtes pourtant habitué à donner la parole à la “France d’en bas”, vous me citez beaucoup de personnes de pouvoir. Avez-vous pris goût à interviewer des gens de pouvoir depuis votre interview avec Emmanuel Macron pour Brut ? 

“C’est très juste mais ce n’est pas parce qu’ils sont des hommes de pouvoir qu’ils m’intéressent. C’est avant tout leur parcours de vie et leur histoire qui attirent mon intérêt. De plus, pour certaines personnes citées précédemment, ce sont des hommes qui n’étaient pas destinés à réussir, ils ont provoqué la réussite en partant de très loin. Ils ont des leçons de vie très enrichissantes à nous transmettre. Il y a aussi le football amateur qui me passionne, la Coupe de France – entre autres – permet aux petits poucets de réaliser des parcours formidables. Concernant l’interview des personnalités politiques, je n’y prends pas goût non. Je considère qu’il s’agit de ma responsabilité de pouvoir interpeller les personnalités politiques sur le quotidien de nos concitoyens. Je prends beaucoup plus de plaisir à rencontrer des citoyens et découvrir leurs parcours de vie. Le côté humain est beaucoup plus fort sur le terrain avec des gens que l’on peut côtoyer tous les jours plutôt qu’avec des personnalités politiques qui parfois ne répondent même pas aux questions posées.”

Dans un portrait que vous a consacré Libération, vous dites nourrir le rêve de réaliser un jour un documentaire en immersion au sein du centre de formation du RC Lens. Qu’en est-il ?

“Pour l’instant, c’est un projet en attente puisque, avec la crise sanitaire, la situation est figée. De plus, avec Brut, nous avons beaucoup de travail pour couvrir l’actualité du moment mais aussi pour préparer les nouveaux formats qui verront le jour en vue de la présidentielle de 2022. Et puis, je ne me vois pas non plus réaliser un documentaire dans le contexte actuel dans un stade vide et sans supporters. J’espère pouvoir avoir la chance de rencontrer la direction du club dans les prochaines semaines pour leur proposer cette idée et trouver un terrain d’entente. En espérant bien sûr que les supporters feront leur retour dans les stades puisqu’ils seront au centre de mon projet.”

“Je porte un regard admiratif et heureux sur la saison de mon club. Je suis vraiment très reconnaissant du travail entrepris par la nouvelle direction. Le RC Lens est de retour et c’est une très bonne chose pour le football français !”

Quel regard portez-vous sur la saison du RC Lens, promu en Ligue 1, cette année ?

“Un regard admiratif et heureux ! Nous avons vécu dix années terribles. Il y a trois ans, nous parvenions tout juste à nous maintenir en Ligue 2. Je suis vraiment très reconnaissant du travail entrepris par la nouvelle direction menée par Joseph Oughourlian, Arnaud Pouille et Florent Ghisolfi qui ont réussi à restructurer le club et le rendre compétitif. Le recrutement a été très sérieux la saison dernière avec les arrivées de Loïc Badé et Jonathan Clauss qui sont des artisans majeurs du succès de l’équipe cette année en Ligue 1. Ce mixte, entre argent dépensé pour réaliser des gros coups comme l’arrivée de Seko Fofana et ce flair qui a permis de dégotter des joueurs méconnus mais talentueux, est exceptionnel. On sent que la mayonnaise a pris entre les anciens comme Cahuzac et Leca ou les plus jeunes comme Kalimuendo, Badé ou Doucouré. Tout cela donne cette saison fantastique !”

On dit souvent que le plus dur pour un promu, c’est la deuxième saison. Êtes-vous optimiste pour la prochaine saison des Lensois, malgré les départs qui se profilent ?

“C’est vrai que la deuxième saison est souvent le révélateur pour un promu. Mais la saison actuelle du Racing lui donne beaucoup de force pour la suivante. Je suis confiant aussi car je pense qu’il n’y aura pas tant de départs que ça. J’imagine que certains joueurs voudront faire une saison en espérant pouvoir découvrir le public de Bollaert mais aussi que certains voudront faire une deuxième saison pour confirmer tous les espoirs placés en eux. Nous avons également la chance d’avoir un actionnaire très solide en la personne de Joseph Oughourlian qui va nous stabiliser sur le plan financier. Pour moi, Lens n’est pas un promu comme les autres. C’est un club qui redevient attractif pour de nombreux joueurs. Le Racing Club de Lens est de retour et c’est une très bonne chose pour le football français !”

Propos recueillis par Hugo Forques

Illustration : Théo Mazars

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