Il y a tout juste une semaine, Lionel Messi provoquait un séisme dans la planète foot en annonçant à ses dirigeants son souhait de quitter Barcelone cet été. Caviar s’est procuré les relevés téléphoniques (fictifs) du sextuple Ballon d’Or. On peut déjà vous dire une chose : depuis sept jours, l’endroit le plus chaud de la planète n’est pas la Californie, mais bel et bien la poche de pantalon dans laquelle l’Argentin range son téléphone…
Mardi 25 août, 16 heures. Affalé sur son canapé, Leo Messi profite de ces quelques jours de vacances octroyés par le Barça après la déculottée reçue à Lisbonne face au Bayern. Devant sa télé, savourant un maté, Leo a le regard vide. Son esprit vogue ailleurs, loin de la télénovela argentine qu’il regarde depuis plus de trois heures. Son père, qui possède aussi la casquette d’agent, a dû faire à cette heure-ci ce qu’ils avaient prévu. La décision a été longue à prendre et les dernières nuits agitées, mais Leo sait que ses proches le soutiennent dans sa démarche. Les dirigeants catalans vont recevoir d’une minute à l’autre le burofax les informant de sa volonté de quitter le navire blaugrana. Et La Pulga a bien conscience qu’au moment de sa réception, plus aucun retour en arrière ne sera possible.
Leo est brutalement tiré de ses pensées par Thiago, son aîné, courant à travers le salon en hurlant « Hala Madrid ! ». Messi esquisse un sourire : le fiston a encore dû se perdre dans des compilations de chefs-d’œuvre de CR7, son idole. Leo se met alors à penser au Real Madrid, le club qu’il ne pourra jamais rejoindre. Biberonné à la Masia, bercé par cette rivalité, inenvisageable pour lui de faire subir un tel affront à son club de cœur. Deuxième sourire de Leo en repensant au jour où il brandit son maillot devant un Bernabéu en feu. Non, décidément, ni le Real ni aucun club espagnol ne le verra jamais débarquer. Une sonnerie retentit alors, Leo se doute de sa provenance : Bartomeu. « Faut pas que tu paniques, j’te jure ton club assure, ton club assume. Ton club est pur, il est là pour toi, sois en sûr. » Le président du Barça, plus que jamais sur la sellette, veut des explications. Il y aura un moment pour cela, mais ce ne sera pas par un coup de fil, pense Leo en s’étirant. Conscient que ce n’est que le début d’une longue série d’appels à venir, l’Argentin coupe son iPhone XS et s’octroie une sieste, afin de profiter des derniers moments de tranquillité avant que le monde du foot ne se déchaîne.
Quand Messi sort de sa torpeur et rallume son téléphone, une pluie d’appels en absences et des messages en cascades l’attendent. Le premier d’entre eux vient de David Beckham. Leo, étonné, écoute attentivement les mots du Spice Boy. « Salut Leo, c’est David Beckham. Ecoute, je viens de lire dans la presse que tu voulais quitter le Barça. J’aimerais te parler de mon projet à Miami, si tu peux me rappeler pour en discuter. On est très ambitieux, on vient de signer Blaise Matuidi, le Français de la Juve, mais ta venue ici serait magique, à un autre niveau encore. Tu te plairais vraiment à Miami, la ville est super, ta famille adorerait. Rappelle-moi. »
Intéressant. Leo a toujours vu la MLS comme un bon point de chute pour finir sa carrière. Puis Miami, c’est le symbole de l’American Dream. Sa famille y serait bien, et le contrat sûrement très juteux. Mais c’est un peu tôt pour quitter l’Europe et le foot de haut niveau. Messi a encore des belles années devant lui au meilleur niveau. Ce sera non à l’exotisme. Entre des dizaines de messages de journalistes, Leo voit passer un SMS de son grand ami David Villa. Le garçon n’a pas froid aux yeux et lui propose de venir à Kobe jouer avec Iniesta et lui. Villa, pourtant retraité, lui annonce qu’il est prêt à reprendre du service si jamais Leo posait ses valises au Japon, lui promettant de l’emmener déguster un bœuf de Kobe à se damner. « Pour un match, avec toi, je ferais n’importe quoi. Je serais prêt à tout pour un simple rendez-vous. » Une proposition qui a le mérite de faire rire Leo, lui rappelant avec nostalgie l’époque magique du Barça sous Guardiola où il tyrannisait l’Europe avec ses deux compères expatriés au pays du Soleil-levant. Y a pas à dire, c’était mieux avant… Ses coéquipiers n’ont plus rien à voir avec ceux d’antan et lui proposent des projets dont il ne comprend pas un traître mot. Il faut dire qu’Ousmane n’a jamais été doué pour l’espagnol aussi…
Comme un symbole, un nouveau coup de téléphone retentit, provenant de… Pep Guardiola. Le destin, pense Leo, en consentant, pour la première fois de la journée, à décrocher. « Guardiola, appelle-moi ce soir et j’démarre de Barcelone. » La conversation dure une trentaine de minutes. le technicien expose à son ancien protégé son plan pour la saison à venir : le chaînon manquant, c’est lui. La dernière pièce du puzzle pour enfin soulever la Coupe aux grandes oreilles se nomme Messi. Puis l’Espagnol tire sur la corde sensible, rappelant à La Pulga qu’il retrouverait du côté de l’Etihad Sergio Agüero, le père de son filleul. Leo est conquis par les mots de son ancien coach. C’est le challenge sportif le plus alléchant qu’on lui ait proposé jusque-là. Aider City à gagner la première C1 de son histoire, ça aurait de la gueule. Après tout, en restant au Barça, il ne la regagnera sûrement plus. Le club a besoin de temps pour se reconstruire, mais pour Leo, 33 printemps, il est urgent de ne plus attendre.
Le coup de téléphone de City trotte encore dans un coin de sa tête lorsque Messi, toujours confortablement installé dans son canapé, se décide à lire les premiers articles de presse. La rumeur City est déjà sortie et prend de l’ampleur : rien de surprenant. L’Argentin se perd à lire les papiers l’envoyant aux quatre coins du Monde. Ah, on parle du PSG. Oui, pourquoi pas après tout. Les écuries aussi pourvues offensives ne courent pas les rues. Seulement, Leo reste dubitatif. Dans le doute, il appelle son ancien compère Neymar. Le Brésilien avait déjà cherché à le joindre, sans succès. Étrange sensation que celle que ressent Leo : la dernière fois qu’il a eu Ney au téléphone pour parler transfert, c’était l’été dernier. A l’époque, c’est lui qui voulait rejoindre Messi à Barcelone et quitter Paris. Un an plus tard, les rôles sont inversés et Neymar essaye de convaincre Leo de poser ses valises au Camp des Loges. Les arguments du Brésilien sont valables : le club est ambitieux et prêt à investir massivement, le cadre de vie est idyllique pour sa famille, sans compter qu’il retrouverait également Di Maria et Paredes, ses coéquipiers en sélection. Sur le papier, ça fait envie, mais Leo n’est pas totalement convaincu. Il a vu cette équipe se déliter à de multiples reprises en Ligue des Champions, il a même contribué à les détruire quatre ans plus tôt, lors de la célèbre remontada. Non, Messi n’a pas assez confiance. Il ne veut pas revivre les mêmes traumatismes européens que sur ses trois dernières années barcelonaises. Sans oublier la présence de Mauro Icardi, qui a piqué la compagne de son grand ami Maxi Lopez et que Leo a fait éjecter de la sélection.
Les options se réduisent alors. Il se prend à s’imaginer dans des destinations exotiques en parcourant les commentaires sur Twitter. Rejoindre Xavi à Al-Sadd ? Ce serait amusant d’être coaché par son ancien coéquipier. Tiens, un tweet l’invite à rejoindre l’OL pour apprendre techniquement de Maxwell Cornet et Marcelo. Ils n’étaient pas si mauvais après tout, mais loin du Barça, même sans sa grandeur d’antan. Les Central Coast Mariners, pour un duo d’enfer avec Usain Bolt ? L’idée est loufoque, mais quelle pub ce serait pour le sport. Quel est ce club qui joue avec les mêmes couleurs que l’Inter ? Un club français qu’il ne connaît pas. Le CM a l’air hilarant en tout cas.
Une des dernières rumeurs le conduit à la Juve. Il pourrait y retrouver Ronaldo. L’histoire se souviendrait de ce duo : les deux meilleurs joueurs du monde réunis pour marcher sur la planète foot. Leo y pense avec envie, mais il sait l’égo de Cristiano et son besoin d’être le seul numéro 1. La cohabitation pourrait être difficile. Pas de soucis d’intégration avec Higuain et Dybala, mais les deux semblent sur le départ. Finalement, la balance penche du côté du non.
Usé par sa séance de procrastination intensive, Leo repose son téléphone pour essayer d’y voir plus clair. Il se dirige vers sa salle des trophées. La pièce est remplie, ses six Ballons d’Or brillent de mille feux, lui renvoyant son éclatante carrière en Catalogne. La nostalgie revient et Leo fait le tour de ses trophées, un par un, se remémorant devant chacun l’histoire qui y est liée. Tant de trophées avec un seul club, devenu sa seconde maison. Déjà plus de vingt ans qu’il arbore avec fierté les couleurs bleu et rouge du grand Barça. Au-delà d’un maillot, la tunique rayée est devenue une seconde peau qui lui semble tout d’un coup impossible à retirer. Soudain, la vérité le frappe : et si, lui l’homme d’un club, n’était pas en train de faire la plus grande erreur de sa carrière en quittant le Barça ? Tout est de nouveau chamboulé dans sa tête, les velléités de départ se mêlent aux souvenirs victorieux. Déboussolé, Leo part se coucher, le cerveau en ébullition, en se promettant de se laisser quelques jours pour décider. En attendant, le monde du foot est en apnée, suspendu à la décision d’un petit Argentin d’un mètre soixante-dix avec de l’or au bout des pied. Messi passe une nuit blanche, tentant de se changer les idées. Après plus de quatre heures à regarder d’hilarantes chorégraphies TikTok, La Pulga raccroche enfin son téléphone et s’endort. Ne vous inquiétez pas, dès demain, il sera réveillé au rythme de “Waka Waka” de Shakira. Prêt à attaquer une journée où son iPhone risque encore de lui tenir compagnie. Et pas qu’un peu.
Cyprien Juilhard