Baptiste Monveneur (OL) : « Le terrain, c’est la créativité, c’est l’imprévisible. Il y a un lien évident avec la littérature »
Jeune prometteur de l’académie lyonnaise, Baptiste Monveneur nous conte le quotidien d’un jeune de centre de formation en 2022. Entretien littérature, pêche (et football) avec la jeune garde de l’Olympique Lyonnais.
Bonjour Baptiste, un but et une victoire face aux U16 de la Juve il y a deux semaines, ça nous fait une belle accroche pour démarrer cette petite interview, non ?
Oui c’est sûr (rires) ! Jouer contre la Juve, ça fait toujours super plaisir pour tous les fans de foot, pour moi comme pour mes coéquipiers, c’est un match à part entre deux grands clubs européens. Et je vous cache pas qu’on a eu beaucoup d’émotions au coup de sifflet final, une victoire 3-2 dans un match où il y avait de la pression, avec du monde qui nous regarde. En plus, je joue latéral droit cette saison donc je marque rarement. Et là contre la Juve, avec un beau but… un vrai plaisir !
.Tu as été repositionné c’est ça ?
Oui, je jouais milieu défensif et parfois milieu offensif et cette saison je suis plutôt latéral ou piston droit, selon les systèmes. Même s’il y a encore certains matchs où je suis aligné milieu.
.Un peu dans le profil de Malo Gusto finalement ?
Exactement ! Justement, à l’entretien que j’ai eu avec le formateur qui m’a annoncé ça, on m’a parlé de lui. On m’a dit qu’il avait pas sauté de joie au départ et aujourd’hui il performe à ce poste et il a sa place en pro ! Et il aurait peut-être pas percé s’il était resté numéro 8 parce qu’au milieu de terrain il y a beaucoup de concurrence, de joueurs de qualité, et tellement qui ne réussissent jamais…
En parlant de réussite, l’OL est en demie de Gambardella cette année, les aînés montrent l’exemple ?
Toujours ! C’est un groupe très uni, qui peut aller loin dans la compétition. C’est beau ! On les côtoie au quotidien et au centre il y a cette ambition de faire de grandes performances. Atteindre les demies en Gambardella, c’est l’accomplissement d’un travail de fond, c’est la partie émergée de l’iceberg qu’est l’académie.
.Justement, il y a une critique de plus en plus vive en France à l’égard des centres de formation parfois dépeints comme des usines, c’est le cas à Lyon ?
Non je ne parlerais pas « d’usine » parce qu’on est des groupes assez restreints et qu’on a des séances avec à 17 joueurs, en comptant les redescentes. Même s’il y a des très peu de joueurs qui percent au final, la formation lyonnaise est très complète. Ils nous donnent toutes les cartes en main pour exploiter tout notre potentiel et réussir.
.On parle souvent d’un accompagnement extra-sportif à l’OL également, tu nous en dirais deux mots ?
On nous aide beaucoup sur le plan mental notamment avec des séances de yoga, des entretiens avec une cellule spécialisée… L’académie essaye de former des jeunes complets, et c’est pour ça qu’on a des sorties théâtre régulièrement. Ça nous permet de sortir un peu du cadre footballistique et de souder le groupe. Après tout dépend des cas particuliers, certains préfèrent rester focus uniquement sur le terrain. Moi je ne suis pas comme ça. J’ai besoin d’un équilibre avec le lycée, de rencontrer des gens, découvrir d’autres domaines, d’autres matières. Ça me paraît important parce que ça me permet de penser à autre chose qu’au football et quand j’arrive sur le terrain, je suis concentré et je sais ce que j’ai à faire.
Tu es originaire de Villefranche-sur-Saône, tu as commencé le foot là-bas ?
J’ai fait mes débuts au club de Savigneux, un petit village à côté de Villefranche. J’ai rapidement été surclassé et j’ai joué avec mon frère qui a deux ans de plus. Et l’OL m’a repéré à Villefranche.
.Le mix ruralité-football, tu le gères comment ?
Justement, depuis que je suis à l’OL, je suis à l’internat. J’ai passé trois ans à l’internat du collège et aujourd’hui je suis hébergé au centre de formation. Le club gère bien notre confort : on a des taxis à disposition pour aller au lycée et rentrer à l’entraînement. Le timing est serré mais on arrive à tout faire grâce à leur organisation.
.Les horaires sont aménagés mais tu arrives quand même à dégager un peu de temps libre ?
C’est dur, franchement. Du lundi au vendredi, le programme c’est lycée-entraînement et on ne voit personne d’autre en dehors. Le weekend, on a match généralement. Mais j’ai besoin de voir mes amis donc le weekend j’essaie de prendre au moins une après-midi. C’est une question d’équilibre mais ce double projet est très chronophage et il requiert un investissement particulier.
On m’a également dit que tu avais une passion peu commune pour un jeune footballeur : la littérature. Tu nous en dirais quelques mots ?
C’est une passion que j’ai découverte en troisième, avec mon prof de français. Il m’a permis de sortir d’un cadre un peu scolaire et m’a ouvert à d’autres pans de la littérature francophone. Il m’a prêté des livres, je les lisais et ensuite on en discutait. Aujourd’hui, j’essaie de lire le plus possible parce que justement cela permet cette évasion. En dehors des cours et des entraînements, j’apprends encore plus par la lecture. Je voyage ; ce sont des moments à moi. Il n’y a rien de plus beau que de se créer son propre univers avec des mots.
.Quelques auteurs qui t’ont marqué ?
Stefan Zweig, c’est celui que j’ai le plus lu avec Jack London. Et récemment j’aurais tendance à dire John Fante pour Demande à la poussière. Son écriture est atypique et le roman m’a vraiment impacté.
.J’ai souvenir de Jean-Alain Boumsong qui se faisait appeler « l’intello » à l’OL parce qu’il allait à des concerts de musique classique. Tu ressens la même chose ?
C’est pas une passion très partagée mais je suis pas mis de côté. Quand je suis à l’académie, je suis un joueur de l’OL et je mets de côté ce profil un peu renfermé, un peu littéraire. Je suis pas persuadé d’en avoir tellement parlé avec mes coéquipiers. Je fais la part des choses entre ma vie privée et mon avenir professionnel.
.Il y a un auteur italien, Pier-Paolo Pasolini, qui a beaucoup écrit sur les liens entre le football et la littérature et qui décrit le foot comme un moyen d’expression pour le poète qui transmet ses émotions au lecteur. Tu en penses quoi ?
Ce ne sont pas les mêmes émotions mais je partage sa réflexion. Le terrain, c’est la créativité, c’est l’imprévisible. Il y a un lien évident. Mais ce sont des émotions différentes parce que sur un terrain, ta tête se vide, alors que quand tu te plonges dans un livre, un univers se crée.
On m’a également parlé d’une passion pour la pêche, c’était pour plaire à Génésio ?
Non (rires), non ! D’ailleurs, cette après-midi je vais aller pêcher avec mon frère et des potes ! Ça me permet aussi de m’évader. Je pêche depuis toujours mais je me suis vraiment investi depuis 2-3 ans et j’ai aussi trouvé un lien direct avec le foot. A la pêche, comme dans le football, on gagne à être patient et que tout finira par arriver si l’on sait attendre et faire les choses bien. Il faut travailler, donner son maximum et notre tour finit toujours par arriver. Et c’est là qu’il faut savoir saisir sa chance et ne pas rater l’occasion d’atteindre ses objectifs.
.Pour conclure cet entretien, un mot sur tes ambitions ?
Je suis un amoureux de Manchester City et du FC Barcelone. Du coup j’ai envie de me rapprocher du niveau de leurs milieux de terrain et de leurs latéraux. J’essaie de regarder leur manière de jouer et de m’en inspirer. C’est mon plus grand rêve que de jouer là-bas.
.Un tropisme pour Pep Guardiola donc ?
Oui clairement. Son époque au Barça… J’aime les coachs créatifs, qui apportent de nouvelles choses et je trouve que Guardiola est une bénédiction pour ses joueurs.
Propos recueillis par Jules Grange Gastinel.