Une délicieuse odeur de Scudetto plane sur Giuseppe Meazza. Magistral depuis l’entame de cette édition 2019-2020 de la Serie A TIM, l’Inter d’Antonio Conte fait office de grandissime challenger de la Juventus pour le titre. Avec 37 points en 14 journée, soit une moyenne de 2.65 points par match, les intéristes pratiquent un football reluisant basé sur un 3-5-2 symptomatique des équipes de l’ancien technicien bianconero. Pourtant, en face, se dresse une dangereuse formation romaine entraînée par Paulo Fonseca qui a su redonner confiance à ses joueurs et les porter jusqu’à la 4e place du classement. Avec 9 victoires sur les 5 dernières journées, ces deux cadors cumulent une forme éblouissante qui laisse augurer un véritable choc prémonitoire du tant attendu Juve-Lazio. L’inter peut réussir l’échappée, la Roma peut rebattre les cartes européennes, l’Italie retient son souffle. Un week-end charnière dans la saison est sur le point de débuter…
Un premier acte parfaitement préparé par Paulo Fonseca
Alors que le coup d’envoi d’une rencontre qui s’annonce décisive dans une saison où le suspens est au rendez-vous en Serie A, les deux techniciens choisissent d’opter pour la prudence dans leur 11 respectifs. Conte aligne ainsi son tradtionnel 3-5-2 devenu légion avec une charnière centrale Godin-Skriniar-De Vrij qui fait trembler les plus grandes écuries européennes, et un paire d’attaquants Lautaro-Lukaku dont la complémentarité ne souffre plus d’aucune contestation. De son côté, Fonseca innove avec une animation offensive amputée du buteur bosniaque Edin Dzeko et opte pour un 4-2-3-1 alternatif. Le jeune Zaniolo est aligné en 9 sur le papier mais son rôle sera clairement plus celui d’un attaquant qui dézone pour perturber la ligne défensive adverse. Derrière lui, Pellegrini sera le 10 chargé d’orienter le jeu offensif romain vers des longues séquences de possession haute, tandis que Mkhitaryan et Perotti jouiront d’une liberté de mouvement quasi totale dans leurs appels dans le dos des pistons intéristes.
Deux équipes en confiance et une entame de match électrique ? Que nenni ! L’enjeu supplante le jeu car reléguer la Juve à 4 points et recoller dans la lutte à la Champions League sont des objectifs aussi ambitieux qu’intéressants au niveau comptable pour ces deux formations. Le jeu de possession intériste est en effet amputé de Barella, Sensi et Gagliardini dans l’entrejeu, ce qui pose question quant au recrutement de Vidal à l’intersaison pour renforcer le milieu de terrain de Conte. L’Inter joue bas, avec un bloc relativement compact, qui s’oppose à une Roma qui presse haut sans toutefois se laisser aspirer et offrir des situations de relances longues aux défenseurs adverses. On cherche ainsi à ressortir proprement des deux côtés en ajustant parallèlement la hauteur du bloc équipe vers le haut du terrain. La défense romaine fait d’ailleurs preuve d’une discipline sans faille dans cette entame, en usant à bon escient du hors-jeu, de lignes très resserrées et d’un bloc particulièrement compact en phase sans ballon, ce qui n’empêche pas Paulo Fonseca de passer proche de l’AVC lorsque Veretout se manque complètement dans sa transmission pour Smalling et offre une balle de 1-0 à Lukaku, qui s’empresse de buter sur un solide Mirante. Le portier italien remplace en effet Pau Lopez ce soir, blessé dans la journée lors de la préparation de la rencontre.
Le jeu romain manque toutefois d’une véritable pointe et l’absence d’un 9 se fait sentir tant la domination des visiteurs est stérile dans le premier quart d’heure. L’Inter souffre quant à lui de l’imprécision de ses défenseurs dans leurs relances et met le match sur un faux rythme en pratiquant un football inhabituellement peu organisé et reflétant un manque de confiance étonnant. Les 2 équipes sont bien trop disciplinées défensivement et trop craintives des attaquants adverses pour que le match s’emballe ce qui ne peut que décevoir le spectateur neutre venu assister à ce qui devait être un choc stylistique majeur du championnat. On notera tout de même que Valero est nettement plus handicapant qu’utile dans le jeu pour l’Inter tant son besoin d’une canne pour jouer se fait sentir au fil de ce premier acte. La charnière intériste n’est d’ailleurs pas en reste dans cette liste des abonnés absents, en particulier lorsqu’il s’agit de compter le nombre d’interventions peu assurées voire fébriles dans la rencontre, couplées à un Zaniolo qui se veut de plus en plus remuant sur le front de l’attaque de la Louve. Le cruel manque de lucidité dans les 18 mètres des romains fait alors office de petit miracle pour les Nerazzuri qui ne doivent leur Salut qu’aux lacunes de cette attaque expérimentale.
Avec non moins de 63% de possession au terme de la première demi-heure, la formation entraînée par Fonseca contraint l’Inter à subir le jeu, et ne pas être acteur de son propre match. Surpassé dans l’engagement, le milieu intériste est trop haut et fantomatique pour espérer reprendre le contrôle du jeu, tandis que la charnière est trop hésitante dans ses relances courtes comme longues. La Roma peut ainsi naturellement maîtriser sa construction pragmatique ballon au pied. Opportunistes cependant, les hommes de Conte bénéficient d’une belle situation à la 33′ par l’intermédiaire de l’inévitable Lautaro Martinez sur une remise de Valero. Si l’argentin manque le cadre, les romains sont prévenus et leurs largesses défensives de la fin de période sont proches d’offrir l’ouverture du score aux intéristes sur un coup franc obtenu par Lukaku dans un duel avec Samlling à la 35′. Duel qui n’est pas sans rappeler la Une honteuse de la Gazzetta dello Sport, qui interroge une nouvelle fois sur le racisme ambiant dans le football italien. Le belge aurait d’ailleurs mérité une petite passe décisive, juste avant la mi-temps, suite à une relance incompréhensible de Mirante et un ballon sublimement glissé dans la profondeur à Brozovic qui trouve le moyen de manquer la cadre à 3 mètres. En somme, les deux équipes rentrent aux vestiaires avec du travail pour préparer une seconde période décisive.
Un dénouement logique ?
Dzeko à l’échauffement, les 22 acteurs sur-motivés qui reviennent sur le terrain, ce deuxième acte s’annonce nettement plus reluisant. Vecino bute presque immédiatement sur Mirante dont l’arrêt réflexe n’est pas sans rappeler les nombreuses prouesses que le gardien italien a réalisé tout au long de sa majestueuse carrière. Remobilisés à la pause par un Antonio Conte qui a visiblement su trouver les mots justes, les Nerazzuri reprennent le bon fil dans une rencontre encore aussi ouverte qu’indécise. Très en jambes, l’international belge Romelu Lukaku pose problème à cette ligne défensive romaine lorsqu’il arrive lancé, ce qui n’empêche pas les meneurs de jeu reculés de produire un jeu risqué basé sur des remontées de balle propres et ouvertes vers la largeur, couplées à une pression intense à l’approche de la surface intériste.
Cohérente, l’AS Roma ralentit la progression des Nerazzuri sur le terrain pour bloquer les redoublements de passes traditionnellement promus par la philosophie du technicien italien. La Louve semble consciente d’affronter le leader de la Serie A ce soir, et adapte donc son approche tactique de la rencontre à son adversaire en justifiant ces choix par un jeu de possession qui fait déjouer l’Inter. Lukaku et Martinez ne se trouvent pas, Vecino et Brozovic ne sont que l’ombre d’eux-mêmes, et les pistons Biraghi et Lazzaro n’apportent pas suffisamment offensivement sur les ailes. La Roma tient bon, l’Inter s’agace, le match va s’emballer… En attendant Dzeko, la foule retient son souffle ; le messi est-il sur le point d’entrer pour offrir la victoire à la louve ?
Dans une fin de match particulièrement tendue, le score peut basculer d’un côté comme de l’autre au point d’en accentuer la pression qui pèse sur chaque acteur. A 10 minutes du terme, les changements des deux tacticiens ont opérés leurs effets sur le jeu, devenu nettement plus direct et allongé en direction de la profondeur, afin de surprendre des charnières épuisées à l’issu de leurs efforts incessants au long des 80 minutes passées. Usant et abusant des centres dans le jeu, les Nerazzuri capitalisent sur une tête opportuniste de Lautaro ou Lukaku tandis que la Roma profite de l’entrée du Bosniaque pour provoquer les milieux reculés à l’approche de la surface. Les Giallorossi bénéficient en effet d’une fin de match où la tension joue en leur faveur dans la mesure où le leader ferait une contre performance en ne gagnant pas ce soir.
Décisif à la 87e minute de jeu, le jeune italien Roberto Mancini devance l’attaquant argentin dans un retour miraculeux qui évite à la Roma un dénouement aussi cruel qu’immérité. Pourtant rapidement averti, le central giallorosso aura de nouveau démontré qu’il est parfaitement apte à gérer la pression de ce genre de grand rendez-vous. Le moment opportun de marquer des points à l’approche d’une compétition européenne de grande ampleur… Smalling tient également une belle part de responsabilité dans l’absence de but dans ce match qui se termine sur un triste score de 0-0 au terme d’une rencontre passionnante. La patte Fonseca aura ainsi pris le dessus sur la patte Conte, ce qui marque seulement le deuxième échec majeur des Nerazzuri cette saison. Un Inter-Roma dont le résultat final est aussi décevant que ses conséquences sont lourdes en Serie A.
Les enseignements de la rencontre
Un leader fragile – C’est officiel, la Juve peut reprendre le flambeau en Italie. La domination des bianconeri est nettement moins importante en cette année de transition pour le club mais seul le rival intériste semble en mesure de concurrencer la Vielle Dame actuellement. Enfin, le sera-t-il à long terme ? Muni d’un effectif assez court, Antonio Conte aura de grandes difficultés à maintenir la cadence du début de saison en championnat tant la dépendance à son duo d’attaque est grande et l’enchaînement des matches ruine le jeu collectif de sa formation. Les retours de Sensi et Barella dans l’entrejeu seront tout de même primordiaux, car la rencontre de ce soir a encore démontré que les Valero et Vecino ont fait leur temps. Laissez place à la jeunesse de la Nazionale bon sang !
Une Roma cohérente – Impressionnante dans les grands rendez-vous, à l’instar de son match nul face à la Lazio ou de sa victoire face au Napoli d’Ancelotti, cette AS Roma peut voir grand cette année. Paulo Fonseca est un technicien ambitieux, conscient des forces et faiblesses de son effectif et dont le plan de jeu est parfaitement cohérent avec la rencontre qui attend son équipe. La Louve souhaite en effet retrouver la Ligue des champions dès l’an prochain en accrochant la 3e place du championnat, directement qualificative pour les phases de poules de l’édition 2020-2021 de la compétition. Pourtant, la récente forme du rival historique laziano, et la cadence infernale du duo de tête semblent compromettants pour les ambitions du club de la capitale à long terme…
Un choc qui n’a pas tenu toutes ses promesses ? A l’approche du tant attendu Juve-Lazio de demain soir, cette rencontre devait faire office d’amuse bouche, mais aussi de véritable duel tactique entre deux formations en confiance qui luttent pour les meilleurs places du championnat. Pour ce qui est du duel tactique, Conte et Fonseca nous ont régalé, comme prévu. En revanche, pas de spectacle ou même de but au rendez-vous. Un argument pour les détracteurs d’une Serie A jugée trop fermée ?
Jules Grange-Gastinel