Attraction de l’Euro et adversaire du Pays-de-Galles en huitième de finale ce soir, le Danemark enchante par son football. Le sélectionneur Kasper Hjulmand a imposé son style à l’équipe A. La sélection a tronqué son traditionnel bloc bas compact pour un jeu protagoniste et un pressing haut. Les équipes de jeunes (U17,U19 et U21) n’ont pas échappé à cette révolution mise en place par la fédération.
17 juin 2021, douce fin d’après-midi au Parken Stadium de Copenhague. Acculée, repliée dans son camp, avec très peu de solutions, la Belgique souffre comme elle le fait rarement. Face au Danemark, notamment en première période (1,01xG danois contre 0,06xG belge, selon la science parfois inexacte des expected goals), les Belges subissent des vagues rouges déferlant à vitesse grand V lors de ce deuxième match de la phase de poule de l’Euro 2021. Quand ils ont le ballon, ils sont pris d’assaut par le pressing haut des joueurs de Kasper Hjulmand. Quand ils ne l’ont pas, l’ouragan danois submerge la défense avec une intensité folle. Le Danemark s’incline finalement 2-1, mais sa performance reste gravée dans les esprits. Comme celle de 2018, lors du troisième match de groupe face à la France, mais dans un style bien différent. De cette rencontre de Coupe du monde reste un ennui immense et une sieste au côté de Pione Sisto. Lors de cet Euro, la peine a disparu et le Danemark ravit ses supporters et tous les suiveurs du ballon rond. Fini le bloc bas compact, place à un jeu protagoniste à tous les étages.
Un Cruyffiste chez les Espoirs danois
Les premières fondations de cette nouvelle ère sont posées en août 2019. Albert Capellas, biberonné au jeu du FC Barcelone et fanatique de Johan Cruyff, prend les rênes de l’équipe U21 danoise. Il la dirige jusqu’au 25 juin 2021 et un retour à la Masia. Le Catalan était connu de la fédération après un passage comme adjoint à Brondby (1e division danoise) en 2014-2015. “Je connaissais déjà des membres de la fédération danoise parce que j’ai collaboré avec eux sur certaines thématiques par le passé“, détaille Capellas dans une interview pour La Grinta. “Quand ils m’ont présenté la possibilité d’entraîner les U21, je n’y ai pas réfléchi deux fois. Premièrement, parce que c’était le début d’un projet avec une bonne génération de footballeurs. Et puis ce n’était pas comme arriver dans une fédération et un pays où je ne connaissais personne.”
Les demandes de la fédération sont claires : implanter un style de football offensif, créatif et dynamique avec un pressing haut et développer cette philosophie dans les sélections inférieures. Le Danemark adopte le jeu de position. “Il est basé sur les trois p“, expose Capellas. “Possession de balle qui est d’essayer d’avoir le ballon. Position qui est d’être très bien positionné sur le terrain, pour mieux attaquer et pour réaliser une transition défensive agressive avec un pressing vers l’avant. Et enfin, de pressing.” Le sélectionneur U21 résume ce changement d’idée sur Radio Marca : “la fédération voulait révolutionner son jeu pour être plus moderne”.
Changement pour les U17 et U19
Un an après l’arrivée de Capellas, le Danemark change ses sélectionneurs chez les jeunes. Jens Olsen, 44 ans, est le nouvel entraîneur U18/U19, tandis que Kenneth Weber, 50 ans, prend les commandes des U16/U17. Pour leur présentation sur le site de la fédération, les deux coaches soulignent, unanimes, que les équipes nationales de jeunes doivent pratiquer un football tourné vers l’avant, en ayant confiance en leurs propres capacités, même contre les meilleures nations. “Avec les équipes U17, U19, nous travaillons beaucoup en équipe et les connaissances sont partagées et discutées”, explique Albert Capellas à Nordisk football en mars 2021. “Elles vont de haut en bas et de bas en haut pour que tous les entraîneurs puissent en bénéficier.”
Le sélectionneur des U21 échange également régulièrement avec le nouveau coach des A, Kasper Hjulmand, nommé en août 2020, alors que l’Euro vient d’être reporté d’un an. “Je le connais très bien et depuis longtemps. Il est venu à Barcelone à plusieurs reprises et a visité l’académie. Nous avons souvent parlé de football”, se rappelle Capellas pour Radio Marca. “Notre collaboration avec Kasper a été très simple. Nous avons la même philosophie de jeu, nous aimons le jeu de position. Nous sommes donc très proches sur la manière de comprendre le jeu et la manière de jouer.”
Hjulmand veut “créer du jeu”
Kasper Hjulmand a toujours souhaité que ses équipes soient protagonistes. Dès sa première année comme coach principal en 2011-2012, avec le FC Nordsjælland, il est sacré champion du Danemark et reconnu pour son style de jeu. “Il a une philosophie claire”, souligne Mathias Jacobsen, journaliste de sport à DR (la radio publique danoise). “Il l’a eu à Nordsjælland, mais aussi à Mayence.” En Allemagne, où il ne reste que six mois, Sami Allagui, attaquant du club, se souvient, pour le journal L’Avenir, d’un coach qui veut “ créer du jeu”.
La fédération l’a donc logiquement choisi pour être la figure de proue de cette révolution par le jeu. “Elle voulait que l’équipe passe à l’étage supérieur”, énonce Mathias Jacobsen, “et elle pensait que l’ancien coach, Hareide, ne pouvait pas le faire. Au début, les Danois étaient furieux et voulaient justice pour Hareide, mais maintenant, tout le pays applaudit Hjulmand pour son travail. Il faut remonter à la fin des années 80 pour trouver ce genre d’optimisme lors d’un Euro.” En France, également, les suiveurs attentifs du football danois sont ravis. Anthony est l’un d’eux : “c’est beaucoup plus agréable de regarder des matchs de la sélection aujourd’hui qu’avant le changement de coach. Il y a une génération d’écarts entre les deux sélectionneurs. Hareide faisait partie de l’ancienne école. Il proposait peu de jeu et se reposait sur une solidité défensive. Hjulmand est plus jeune et s’est inspiré d’entraîneur de l’époque actuelle, Guardiola notamment.”
“On dit parfois que c’est un football romantique et naïf, mais le style de jeu de Kasper Hjulmand peut être retranscrit au plus haut niveau”, souligne Morten Olsen, sélectionneur du Danemark de 2000 à 2015, dans le livre «Fodbolddrømmer», de Morten Glinvad. “La majorité des grandes équipes cherchent à être dominantes et avoir le ballon.” Le Danemark est peut-être en train de les rejoindre. Sur le site de la FIFA, Morten Wieghorst, sélectionneur adjoint des rouges et blancs, conclut : “L’équipe a le sentiment de faire le jeu, et c’est bon pour son moral.” Pour l’instant, les résultats suivent. La révolution est en marche.
Louis Lesueur