C’est l’histoire de deux voisins qui cohabitent depuis plus d’un siècle. Deux voisins qui partagent une ville et un fleuve, mais c’est à peu près tout. Les couleurs diffèrent que l’on soit du côté de Goodison Park ou d’Anfield Road. Le bleu d’Everton face au rouge du Liverpool FC. Deux clubs aux stades distants d’à peine un kilomètre mais aux antipodes l’un de l’autre en termes de dimension, de palmarès et de dynamique.
Derby de la Mersey, acte 234. Liverpool et Everton se retrouvent mercredi pour la première fois de la saison, neuf mois après leur dernière confrontation. Une affiche historique du football anglais car même si la ville n’a plus célébré de titre depuis 1990, les deux clubs ont remporté 27 championnats à eux deux, plus que Manchester (26) et Londres (21). Au palmarès comme dans leurs face-à-face cependant, le bilan reste nettement favorable aux pensionnaires d’Anfield.
Everton dans l’ombre d’un géant
18 titres de champion d’Angleterre, 7 victoires en FA Cup, 8 en League Cup : le Liverpool Football Club se dresse en géant sur la scène nationale. Il l’est aussi en Europe du haut de ses 13 trophées continentaux – Ligue des champions (6), Ligue Europa (3) et Supercoupe d’Europe (4). Malgré un palmarès très honorable, Everton fait figure de poids plume face à son voisin. Les pensionnaires de Goodison Park comptent 9 titres de champion d’Angleterre et une Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, remportée en 1985. Ils ont également soulevé la FA Cup à cinq reprises.
Au rayon des confrontations directes, Liverpool mène la danse avec 93 victoires pour 74 nuls et 66 défaites. La dynamique actuelle penche là encore du côté des hommes de Jürgen Klopp, qui n’ont plus perdu depuis 19 matchs face à leur voisin. Une série au cours de laquelle il ont infligé quelques revers cinglants aux Toffees, à l’image de la démonstration 4-0 de Luis Suarez and co à Anfield en janvier 2014. Même score en faveur des Reds en avril 2016, avec des buts de Sturridge, Origi, Sakho et Coutinho ce jour-là.
Parmi l’effectif des champions d’Europe, aucun joueur n’a connu le goût amer d’une défaite dans un derby. Et pour ne rien arranger aux affaires des coéquipiers de Lucas Digne, le 234e épisode de cette rivalité aura lieu à Anfield, enceinte qui leur est particulièrement hostile. Si le club d’Everton, fondé en 1878, jouait encore à domicile sur la pelouse d’Anfield jusqu’en 1892 (voir ci-dessous), les Toffees ne sont désormais plus les maîtres des lieux. Ils y restent en effet sur 21 matchs sans succès, eux qui ne sont plus repartis de l’antre des Reds en vainqueurs depuis septembre 1999. Ajoutons qu’il faut remonter à la saison 2012-2013 pour voir Everton finir devant son rival au moment de tirer le rideau de la Premier League. Une performance réalisée seulement trois fois sur les 30 dernières années, en 2012-2013 donc, mais également en 2011-2012 et 2004-2005.
Un désaccord entre le board d’Everton et John Houlding, président du club et propriétaire d’Anfield, conduit les Toffees à s’installer à Goodison Park en 1892. Houlding riposte alors en créant le Liverpool Football Club, qui prend ses quartiers à Anfield.
Une rivalité qui ne les empêche pas de se tenir côte à côte quand la situation l’impose. Impossible d’oublier l’entrée de deux enfants, l’un portant le maillot des Toffees et l’autre celui des Reds, sur la pelouse de Goodison Park en 2012 pour commémorer le drame d’Hillsborough. En février 2015, Everton dévoilait une plaque en hommage aux 96 victimes de ce tristement célèbre 15 avril 1989. Deux mois plus tard, à l’occasion du 26e anniversaire de la tragédie, les capitaines des deux clubs, Steven Gerrard et Phil Jagielka, lâchaient ensemble 96 ballons en mémoire des disparus, parmi lesquels figuraient l’un des cousins de Gerrard. Liverpool et Everton font également cause commune dès lors qu’il s’agit de venir en aide aux habitants de la ville. En marge du derby disputé à Anfield en décembre 2018, plus de deux tonnes de nourriture et de produits d’hygiène avaient été récoltées au profit de la North Liverpool Foodbank, qui vient en aide aux plus démunis. Rivaux sur le terrain, solidaires en dehors.
Les Reds au sommet de la vague, les Toffees dans le dur
Les hommes de Jürgen Klopp partent favoris pour le nouvel épisode de cette rivalité. Un statut désormais ordinaire pour les champions d’Europe dès que sonne l’heure du derby. La situation des deux clubs avant ce 234e derby symbolise le décalage entre leur histoire. Lancé dans la course au titre, Liverpool caracole en tête du classement avec 13 victoires en 14 journées. Actuellement sur une série d’invincibilité de 31 matchs, les Reds n’ont plus connu la défaite en championnat depuis le 3 janvier dernier à l’Etihad Stadium contre Manchester City. Seuls les Invincibles d’Arsenal (49 matchs entre mai 2003 et octobre 2004) et le Chelsea de José Mourinho (40 matchs entre octobre 2004 et novembre 2005) font mieux dans l’histoire de la Premier League.
31 – Liverpool 🔴 est invaincu lors de ses 31 derniers matches de Premier League, égalant la plus longue série de son histoire dans l’élite (31 entre mai 1987 et mars 1988). Bulldozer.#LIVBHA pic.twitter.com/X2jCeV588a
— OptaJean (@OptaJean) November 30, 2019
De l’autre côté, Everton a un besoin urgent de points. Les hommes de Marco Silva pointent à une inquiétante 17e place après 14 journées, deux points seulement au-dessus de la zone rouge. Malgré Richarlison (4 buts et 2 passes décisives), les Toffees pataugent. Lucas Digne et ses coéquipiers restent sur deux défaites, contre Norwich (0-2) et Leicester (1-2). Everton n’a remporté qu’un seul de ses 7 matchs de championnat disputés à l’extérieur cette saison, loin d’être idéal avant de se rendre à Anfield, où les hommes de Jürgen Klopp sont invaincus depuis 47 matchs de Premier League… Pour ne rien arranger à ses affaires, Marco Silva sera privé d’Andre Gomes, Fabian Delph ou encore Seamus Coleman pour ce Merseyside derby.
Outre une bataille pour l’honneur et la suprématie locale, cette rencontre recouvrira une importance sportive capitale. Attention toutefois, l’issue d’un derby peut toujours révéler une surprise. Le calendrier des Reds a des allures de marathon – déjà 23 matchs cette saison soit 6 de plus que les Toffees – et Jürgen Klopp devra faire sans Alisson, ni Matip, ni Fabinho pour cette rencontre. Everton est d’ailleurs parvenu à accrocher Liverpool à trois reprises lors de leurs cinq dernières confrontations. Ce qui fait tout le sel d’un derby.
Quentin Ballue