C’est la nouvelle « choc » qui secoue le monde du ballon rond féminin : la non-sélection d’Amandine Henry pour le prochain rassemblement des Bleues. Motif : « pas au niveau ». Depuis, la fronde contre la sélectionneuse de l’Équipe de France s’organise, en particulier depuis les terres lyonnaises : patrie d’Amandine. Le torchon brûle et n’est pas prêt d’arrêter sa combustion.
Retour sur un désamour grandissant entre sélectionnées et sélectionneuse.
Le messie devenue antéchrist
Une femme à la tête des Bleues, voilà comment résonne la nomination de Corinne Diacre en août 2017 ; une promesse de progrès, un changement de vision footballistique et l’espoir de décrocher mieux qu’une quatrième place dans une compétition majeure.
La nouvelle sélectionneuse est loin d’être une néophyte pour que l’on en attende autant de sa part. Première femme détentrice du Brevet d’entraîneur de football professionnel en 2014; première femme à officier en tant qu’entraîneur sur le banc d’une équipe de Ligue 2 avec le Clermont Foot (la première femme entraîneur en France étant Héléna Costa, nommée avant Corinne Diacre par le même club mais qui, sous la pression du milieu, n’a jamais dirigé un match de son équipe). Les épaules sont donc solides pour la nouvelle recrue qui peut en plus ajouter à son CV ses 121 apparitions sous le maillot tricolore au cours de sa carrière professionnelle, ainsi que sa pige d’adjointe pendant l’ère Bini entre 2007 et 2013.
Les débuts sont encourageants, très encourageants même en vue de la future édition de la Coupe du monde qui se déroulera, ô grâce, sur le sol hexagonal à l’été 2019. Pourtant, au cours de ce semblant d’idylle, apparaît le premier couac : le retrait du capitanat à Wendie Renard au profit de sa coéquipière Amandine Henry. Si l’affaire avait été peu retentissante à l’époque, elle laissait déjà entrevoir une reprise sèche et personnelle de l’équipe, ainsi qu’une perpétuelle remise en cause des cadres qui semblaient jusque-là intouchables.
Le ciel de la sélection commence à s’assombrir aux yeux de la sphère publique lors de la Coupe du monde 2019. Un résultat décevant puisque rimant avec élimination en quarts-de-finale, certes contre les États-Unis championnes en titre et futures vainqueurs, mais laissant un goût amer dans les bouches françaises. Amer face à l’écart de niveau entre les deux nations, le travail encore à fournir et l’impression grandissante que Diacre n’est pas la meilleure personne pour la progression du groupe.
Équipe déjà fortement mise en difficulté lors du tour précédent face au Brésil de Marta, la coach française semblait réticente aux critiques envers ses choix tactiques pourtant ô combien discutables. Le positionnement d’Eugénie Le Sommer à gauche de l’attaque tricolore et les critiques de sa sélectionneuse dans les médias en raison de ses contre-performances; le passage à un 4-4-2 encore jamais utilisé sous ses ordres et qui avait grandement déstabilisé l’ensemble de l’équipe alignée. Tous ces exemples n’en sont pourtant qu’une infime partie parmi tant d’autres.
Fracture peu à peu palpable entre les taulières de l’équipe et leur sélectionneuse qui va, néanmoins, continuer à suivre son idéologie propre : personne n’est intouchable et tout le monde peut avoir sa chance. Cependant, le malaise naissant ne va faire que s’accentuer au fil du temps.
Une coach contestée et contestable
Les déclarations au sujet de l’absence de la capitaine sur la liste ne se sont pas faites attendre. Tour à tour Wendie Renard, Amel Majri et Reynald Peydros se sont succédés dans les médias pour dresser un tableau franchement inquiétant de l’atmosphère régnant en rassemblement.
La dystopie décrite par les différents protagonistes tient à chaque fois pour responsable la gestion cynique de l’effectif par Corinne Diacre. Gestion contestée dès son arrivée en 2017 avec l’épisode du retrait de capitanat. Sentiment exacerbé au moment de la Coupe du monde et à l’occasion des déclarations assassines à l’encontre d’Eugénie Le Sommer pour son mondial qualifié de « raté » ; le repositionnement de Majri en arrière gauche somme toute peu concluant : conséquence logique pour une joueuse de couloir plus portée vers l’offensive ; la titularisation ininterrompue de Marion Torrent pourtant fortement contestée et victime sur les deux buts états-uniens de son placement beaucoup trop approximatif face à de telles adversaires. Plus récemment donc, la mise en retrait encore inexpliquée de Sarah Bouhaddi, qui souhaite s‘éloigner de la sélection nationale jusqu’à nouvel ordre (officieusement la gestion de Diacre n’y serait pas étrangère) et maintenant l’absence d’Amandine Henry justifiée par son manque de niveau suite à son retour de blessure. Pilule qui a du mal à passer puisque ses comparses : Grace Geyoro et Amel Majri n’ont pas joué, ou alors que très peu, depuis leur remise sur pied et sont, quant à elles, retenues dans le groupe.
La liste des actes et des choix discutables n’est bien sûr pas exhaustive, difficile de ne pas mentionner la non-sélection de la Barcelonaise Hamraoui, sortant pourtant d’un Final 8 exceptionnel lors du dernier rassemblement, pour parer les défaillances dans le secteur de l’entrejeu au vu des nombreuses blessées. La sélectionneuse avait justifié ce choix par la volonté de revoir jouer Maeva Clémaron. Clémaron qui aura disputé en tout et pour tout lors de ces rencontres : sept minutes… Les dramaturges de l’absurde eux-mêmes n’auraient pu rêver meilleure scène.
« Et maintenant, que vais-je faire ? »
Avec un contrat courant jusqu’en juillet 2021, Corinne Diacre devait normalement se tenir sur le banc de la sélection lors du prochain Euro. Oui mais la COVID étant passée par là, les cartes ont été rebattues et l’Euro décalé à l’été 2022, alors que va-t-il se passer ?
Prolongée en secret par le président Noël Le Graët, selon RMC sport, au cours de l’été jusqu’en 2022, l’actuelle cheffe des Bleues devraient donc être toujours présente pour le prochain Euro sur le banc de l’EDF, même si le communiqué officiel de la FFF se fait toujours attendre. Fortement contestée, en particulier dans les rangs lyonnais, il est légitime de s’interroger sur le visage que va montrer l’Équipe de France lors des prochaines échéances. Tout joueur de football sait qu’en cas de désunion entre un entraîneur et son vestiaire, l’intérêt collectif et le potentiel espoir de décrocher un sacre commun est quasiment réduit au néant. Les chances d’un exploit français en 2022 se réduisent donc comme pot de chagrin et le risque de voir des cadres refuser de venir en sélection n’est pas exclu, à l’image des déclarations de Reynald Pedros au sujet d’Amandine Henry.
Des jours sombrent attendent la sélection, même si l’éclaircie peut toujours être espérée comme le dit si bien Dumbledore dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban : « Mais vous savez, on peut trouver le bonheur même dans les moments les plus sombres… Il suffit de se souvenir, d’allumer la lumière ». Espérons que joueuses comme staff technique sauront comment appuyer sur l’interrupteur pour faire revenir la paix au sein du vestiaire tricolore.
Le mot de la fin est pour Tony D’Amato (interprété par Al Pacino) dans L’Enfer du dimanche : « Tout se joue aujourd’hui. Soit nous guérissons en tant qu’équipe, soit nous nous écroulons, centimètre après centimètre, jeu après jeu, jusqu’à la fin… Nous sommes en enfer messieurs (à remplacer par mesdames pour le contexte). Croyez-moi. Nous pouvons y rester, nous faire massacrer… Ou nous pouvons nous battre et revenir dans la lumière. Nous pouvons remonter de l’enfer centimètre par centimètre […] Ça fait partie de la vie. Mais on n’apprend ça que quand on commence à perdre des choses. On apprend que la vie se joue centimètre par centimètre. Le football aussi. »