Mercredi 27 juillet, jour de demi-finale de l’Euro 2022. 40 ans après la tragédie de Séville, la France affronte l’Allemagne.Comme nombre de français.e.s, Léna et Lisa s’apprêtent nerveusement à regarder la rencontre. Et elles sont dans le doute : quelle composition pour la France de Corinne Diacre ? Allons-nous encaisser un triplé d’Alexandra Popp ? Les kebabs vont-ils arriver à l’heure ?
20h00 : H-1, la pression d’avant-match monte doucement. Journalistes, chroniqueurs et ex joueur.se.s se pressent sur les plateaux des différentes émissions consacrées au match du soir. Un France-Allemagne des grands soirs, le match s’annonce titanesque.
20h15 : Les kebabs sont commandés et les bières d’après-match sont au frais. Le onze de départ est le même des deux côtés. Salade, tomate, oignon, sauce blanche et un coca zéro ; l’autre partie reste sur la même composition mais trébuche au moment du choix de la boisson pour partir sur un Orangina. Les habitudes sont les mêmes, pas de petit détail pour venir enrayer le cycle de la routine, auquel cas il aurait été un parfait coupable si défaite il devait y avoir à l’issue du match.
20h21 : Dilemme en approche. Mettre ou ne pas mettre le maillot tricolore ? Ou bien porter le maillot allemand pour détourner la malédiction ? Il paraît que porter le maillot de l’équipe soutenue lorsqu’on est pas au stade porte l’œil, et que malgré nos talents intrinsèques, le commentateur ne nous fera pas plus entrer en jeu. Débat interne et intense auquel s’ajoute celui en plateau portant sur la titulaire en défense centrale : Aissatou Tounkara ou Griedge Mbock ? Le choix est vite vu, Griedge Mbock pour la charnière, le maillot de la Coupe du monde 2018 comme tenue vestimentaire.
20h30 : Léna commence à s’impatienter : pas de composition d’équipe, pas de kebab à disposition et toujours pas de Lisa à l’horizon.
20h35 : Les compos viennent de tomber. Comme pour les kebabs, aucune surprise ni positive, ni négative. Du grand classique chez nos Bleues : Peyraud-Magnin dans les buts ; Karchaoui et Perisset sur les ailes, une charnière 100% Lyonnaise avec Renard associée à Mbock, la ligne Maginot devrait cette fois s’avérer utile ; le milieu fétiche : Bilbault, Geyoro et Toletti ; sur le front de l’attaque : Malard en pointe, accompagnée de Kadi Diani et de Delphine Cascarino. Solide quoi. Côté Mannschaft, peu de place pour la fantaisie. L’indéboulonnable Frohms garde les buts ; une défense composée de Gwinn, Hendrich, Hegering et Rauch ; classique de chez classique au milieu de terrain Magull et Dabritz associées à Oberdorf, la Bundeswehr n’a pas à s’inquiéter, le pays est bien gardé. En attaque, le Covid 19 a eu raison de la titularisation de Klara Buhl, la millennial Nicole Anyomi la remplace. Pour le reste Huth et Popp tenteront à nouveau d’annexer l’Alsace et la Lorraine en cas de victoire.
20h40 : Denis Brogniart en direct du plateau de TF1, entre deux saisons de Koh Lanta, ne manque pas de féliciter Corinne Diacre pour son renouvellement de contrat, tout en soulignant les choix forts de son mandat.
20h45 : Le téléphone sonne. Un livreur UberEats ? Non c’est pour la mise à jour du compte personnel de formation de Mme Bernard.
20h55 : Ce qui devait arriver arriva, les kebabs en même temps que les hymnes.
21h02 : Après avoir posé genou à terre, le coup de sifflet retentit enfin. Espérons que Cheryl Foster aura une meilleure vue que Charles Corver quarante ans plus tôt et que Merle Frohms n’essaiera pas d’attenter à la vie d’Eve Perisset.
21h03 : Charlotte Bilbault Sacquet touche son premier ballon, Lisa hurle de douleur. Son tort ? Ne pas être Amandine Henry.
21h05 : Première frappe et premier frisson chez les supporters français, heureusement Alexandra Popp a confondu football et rugby. Le ballon s’envole bien au-dessus de la transversale ; pénalité : trois points. Wendie harangue les troupes, il faut resserrer les rangs.
21h18 : Pressing et gegenpressing sont les maîtres mots de ce début de partie. Françaises et Allemandes se neutralisent au milieu de terrain, personne ne parvient à prendre l’ascendant durant ce premier quart d’heure, malgré quelques vaines tentatives de part et d’autre.
21h25 : Première incursion bleue dans la surface allemande. Diani pour Malard qui lui remet, le jeu en triangle c’est super, c’est magnifique ! Sauf que la frappe passe à côté. “Je te promets que même moi je l’aurais cadré”. “Léna, t’as mis autant de buts dans toute ta carrière footballistique que Beth Mead contre la Norvège, et pourtant t’es avant-centre”.
21h28 : “RENDEZ AMANDINE HENRY”, Lisa sort de sa torpeur après que la numéro 14 tricolore ait malencontreusement perdu un ballon dans l’entrejeu. Magull tente de lancer en profondeur les forces offensives d’outre Rhin, mais Peyraud-Magnin surgit et capte le ballon. Les Ardennes tiennent toujours.
21h47 : Deux minutes de temps additionnel et pas grand chose de plaisant pour le moment. Physique partout, technique nulle part.
21h50 : Fin de la première mi-temps sur un score (très) nul et vierge. Première fois de la compétition que les Allemandes reviennent aux vestiaires sans avoir pris l’avantage à la marque. Sur les plateaux télés, on vante (à juste titre) la solidarité défensive de nos Bleues, la rigueur tactique mise en place par Coco et le bon pressing qui empêche la progression allemande. Laure Boulleau intervient pour ajouter qu’elle est d’accord avec Habib, qui n’est pas en plateau ce soir.
22h05 : Retour des 22 protagonistes sur la pelouse. Pas de nouvelles des vestiaires, on ne change pas une équipe qui fait match nul. Reste plus qu’à espérer que la partie s’ouvre un peu. Une prière plus qu’un espoir.
22h10 : Les Françaises ont apparemment eu une révélation à la pause. Coup Franc aux 25 mètres, légèrement excentré mais à parfaite distance. Delphine Cascarino s’élance et brosse parfaitement la balle qui vient se loger dans la lucaaaaa….NON ! Frohms s’interpose et d’une claquette magistrale détourne le ballon en corner. Coup de chaud sur la défense allemande.
22h20 : La peur vient de changer de camp. Après un quart d’heure de possession française et un véritable temps fort, à l’instant où l’on pense qu’enfin les Bleues peuvent ouvrir la marque, l’inévitable Alexandra Popp surgit. Une diagonale de Toletti mal ajustée, immédiatement récupérée par Dabritz qui lance en profondeur Huth, cassant la ligne défensive française. Huth d’un centre millimétré dépose un caviar sur la tête de Popp qui ne se fait pas prier pour propulser le ballon au fond des filets français. La ligne Maginot se fissure. Le coup de massue est terrible, sur la seule occasion allemande de ce début de seconde période, les Françaises se retrouvent menées. 1-0.
22h22 : Les remplaçantes tricolores accélèrent leur échauffement.
22h25 : La quatrième arbitre prépare son tableau lumineux. Ce n’est pas un, ce n’est pas deux, mais bien trois changements côté bleu ! Signe d’un léger doute pour Corinne Diacre ? Marion Torrent, Clara Matéo et Selma Bacha sauront-elles être les femmes providentielles ? A la vue de l’entrée de Marion Torrent, Léna manque de s’évanouir, une chute de tension parait-il.
22h30 : Toujours pas de changement côté allemand, la confiance règne.
22h40 : Les minutes s’égrènent, les Allemandes jouent la montre depuis déjà 20 minutes au lieu de se mettre à l’abri. Corinne ne cesse de s’agiter et de contester chaque décision arbitrale en défaveur de ses joueuses.
22h43 : Impossible n’est pas français ne cesse de se répéter le staff français et jette ses dernières forces dans la bataille. Kenza Dali entre à la place de Charlotte Bilbault. Lisa respire enfin.
22h44 : VOILAAAAAAAA C’EST COMME CA QU’ON FAIT LES CHOSES !!! On ne sait plus si c’est Corinne Diacre ou Aya Nakamura qui exulte sur le banc de touche des Bleues. Sous nos yeux ébahis, voici le premier centre réussi de Marion Torrent dans toute sa carrière. Qui se trouvait à la réception? Qui croyait jusqu’au bout en cette égalisation ? Qui a traversé tout le terrain pour être au bon endroit, au bon moment ? Notre capitaine déchue, puis revenue, Wendie Renard. On a sauvé le soldat Wendie qui n’avait pas encore marqué de la compétition ! Wendie Ballon d’or ! Wendie qui répond à la tête d’Alexandra Popp ! On ne sait pas qui hurle le plus entre nous ou les voisins (peut être pas pour la même raison d’ailleurs) ou les commentateurs. 89ème minute, le match est relancé.
22h45 : La sentence est tombée, le panneau lumineux annonce 5 minutes de temps additionnel. C’est long, suffisamment pour en marquer un mais aussi pour en prendre un. Ce n’est plus un combat physique, c’est une lutte psychologique.
22h46 : Les Allemandes souffrent et semblent perdues sur le rectangle vert, Martina Voss-Tecklenburg fait les cent pas dans sa zone technique. Elle se décide enfin à effectuer quelques changements. Trop tard ? Seul l’avenir le dira.
22h49 : SELMAAAA BACHAAAAAAAA !!! “Retenez bien ce nom, elle sera ballon d’or”, Léna 26/11/2021. “Oui comme Marco Asensio devait être le nouveau Raul espagnol, on les connait tes avis”. Huit mois plus tard, d’une frappe limpide, en véritable taulière, la toute jeune lyonnaise vient placer son ballon dans la lucarne gauche de la portière allemande. Masquée au départ, Frohms est restée figée sur sa ligne. Grégoire Margotton se prenant pour Victor Hugo Morales hurle dans son micro “C’est le nouveaaaau cerf-volant cosmique messieurs dames !!! France 2 – Allemagne 1”. Ça crie et ça hurle dans l’appart’, on est à deux doigts de le célébrer comme étant le nôtre ce but.
22h50 : Les Allemandes engagent, reviennent vers leur camp, font trois passes, puis le coup de sifflet final. On y est, ça y est LA FRANCE EST EN FINALE POUR LA PREMIÈRE FOIS DE SON HISTOIRE.
L’histoire vous retiendra mesdames. Pour une fois, à la fin c’est la France qui gagne.
Léna BERNARD et Lisa DAMIANO