Fabrice Herrault : « Une montée en Ligue 1 serait déterminante pour les finances du club »
En à peine plus d’un an, le football professionnel français a dû faire face aux huis-clos et au scandale Mediapro. Deux crises qui ont bousculé en profondeur son business-model. Fabrice Herrault, directeur général délégué du Paris FC, fait le point sur cette situation économique inédite.
Q : Pas de chance pour le foot français, la crise sanitaire et l’imbroglio Mediapro sont tombés la même année… Pour un dirigeant de club professionnel, comment jugez-vous la situation économique actuelle ?
C’est une situation extrêmement difficile pour l’ensemble des acteurs du football français, une crise sans précédent. Avec la situation sanitaire et le séisme relatif aux droits TV, les recettes sont revues à la baisse pour tout le monde. Il faut noter une chose : les clubs de Ligue 1 sont proportionnellement les plus impactés. Pour la billetterie, tout le monde est sur un pied d’égalité avec le huis-clos mais les clubs de L1 y perdent proportionnellement plus. En temps normal, ils ont une affluence plus importante dans les stades. En Ligue 2, on s’en sort peut-être un peu moins mal car les affluences sont plus faibles et les impacts donc moins élevés. Cela reste, dans tous les cas, une perte sèche de revenus très dommageable pour tous les clubs, Ligue 1 et Ligue 2 confondus.
.Q : Et au niveau des droits TV, quelles pertes cela a-t-il causé pour votre club ?
En moyenne, en Ligue 2, cela tourne autour des 2 millions. Cela dépend vraiment du classement final de la saison, de 1,5 à 3,5 millions. Cette année, les revenus liés à ces droits ont baissé de plus de 40% pour tout le monde. Du côté du Paris FC, le montant des droits TV n’a cessé d’augmenter ces dernières années avec la montée en Ligue 2 en 2017 et de belles places en championnat. Cela représente entre 30 et 40% des revenus du club. Maintenant il faut attendre la fin de saison pour voir si la montée en Ligue 1 est possible. Cela serait déterminant pour le club et pour les finances.
Q: En l’absence de billetterie, vous avez été dans l’obligation de gérer différemment vos comptes…
On essaye de maximiser les revenus par rapport à ce qui est possible. Le plus dur, c’est que toutes nos sources de revenus sont touchées. La billetterie…les stades sont fermés donc il n’y en a pas. Les sponsors gèrent leur propre crise et pensent d’abord à la sauvegarde ou au redémarrage de leur entreprise avant de faire du sponsoring. Le Paris FC a tout de même deux avantages durant cette crise. L’arrivée du Bahreïn comme actionnaire, mais aussi comme sponsor principal du club. Depuis 2019, le club a aussi opté pour un plan de développement sur le merchandising. On a augmenté le catalogue de la boutique, et multiplié les opérations de promotion. Par exemple, on a un t-shirt vintage du Paris FC qui est parti en quelques semaines. Ce sont des revenus qui ont augmenté en partie à cause du Covid, avec la multiplication des commandes en ligne au détriment des ventes au stade par exemple.
Q: Et au niveau des dépenses, comment cela se passe ?
Comme beaucoup de clubs, on essaie d’économiser le plus possible sur l’ensemble des dépenses. C’est le premier réflexe. On a décalé des investissements prévus à l’année prochaine. On a fait appel au chômage partiel comme de nombreux clubs, mais nous n’avons pas mené d’actions correctives sur les salaires pour la saison 2020/2021. Pour le marché des transferts, on mesurera les effets à la fin de cette saison. On n’a pas encore identifié avec précision l’atterrissage du montant des transferts. Le club n’a pas réalisé de transferts de joueurs au mercato hivernal par exemple.
.Q: Dans cette situation, quelles perspectives le Paris FC peut-il avoir pour la saison à venir ?
D’un point de vue économique, on va présenter un budget à la baisse, comme probablement tous les clubs. Cela m’étonnerait qu’une équipe soit capable d’avoir un budget sur la saison 2021-2022 supérieur au budget de cette précédente saison. Après cela reste possible, on ne sait jamais dans le football. Des investisseurs peuvent arriver dans un club et apporter des moyens supplémentaires pour son développement à tout moment. Enormément de budgets vont quand même aller à la baisse. Il suffit de regarder toutes les négociations salariales à Nantes, à Lens, à Lorient ou Reims. Ces mesures s’inscrivent dans une tendance de baisse des budgets pour la saison prochaine.
.Q: La crise des droits TV a amplifié les effets de la crise sanitaire. Pour les saisons à venir, les négociations n’ont pas encore eu lieu. Le gré à gré pour chaque année jusqu’en 2024 vous fait-il peur ?
Les prochaines négociations des droits TV seront menées par la nouvelle équipe dirigeante de la LFP. La démarche et la méthode seront prochainement connues en tenant compte de l’historique et du contexte économique. Les clubs ont besoin de visibilité : il est donc préférable de s’engager sur plusieurs années. Cela permet à tout le monde de s’organiser et d’anticiper. C’est vraiment dans l’intérêt des deux partis. Du côté du diffuseur, il y a également des investissements matériels et en ressources humaines. Canal+, BeIn Sport ou tout autre diffuseur ne peut pas s’engager uniquement sur une seule année.
Q: La Ligue Professionnelle de Football a été pointé du doigt sur sa gestion lors des enchères avec Mediapro. Et si la LFP n’avait pas vraiment appris de ses erreurs…
Il y a eu un gros dysfonctionnement. Il faut voir les choses en face. C’est évident qu’un moment ou un autre, il faudra faire la lumière sur cette affaire. Pourquoi ça n’a pas fonctionné ? On n’a pas de réponses détaillées pour l’instant. Avec tout ce qu’il s’est passé ces derniers temps, l’énergie des ressources humaines a été concentrée sur la poursuite d’activité plutôt qu’à faire le clair sur cette affaire. Il y aura un temps pour ça.
Propos recueillis par Victor Cousin
Illustration : Matisse Mazeau-Roy