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Faim de règne

La quinzaine olympique vient tout juste de se terminer et il est temps de donner au tournoi de football féminin la place médiatique qu’il mérite. Équivalent d’une Coupe du monde, ces JO semblent faire entrer le football de sélection dans une nouvelle distribution.


Fin de cycle pour les unes, nouvelle ère et évolution constante pour les autres ; cette olympiade aura été riche en rebondissement. Caviar a décidé de proposer un focus sur les États-Unis, grand favori de la compétition après avoir passé 43 matchs sans perdre, le Canada vainqueur surprise et la Suède, l’équipe européenne désormais la plus en vue qui échoue une nouvelle fois en finale.

Le début de la fin ?

Jamais dans l’histoire récente du football féminin on avait connu une équipe des États-Unis si fébrile. Malmenées en phase de groupe (défaite 3-0 contre la Suède en match d’ouverture, une victoire logique 6-1 contre la Nouvelle-Zélande et un triste 0-0 face à l’Australie), même leur éclatante victoire face aux néo-zélandaises n’est pas exempte de tout reproche surtout sur le plan défensif. Les compagnes d’armes de Megan Rapinoe ne se sont sorties du piège Oranje que par la grâce d’un penalty raté de la barcelonaise Lieke Martens en seconde période du temps réglementaire et d’une séance de tirs aux buts rondement menée. Le coup de grâce sera porté par leurs voisines nord-américaines, à l’issue d’une partie moribonde où le premier tir cadré du match n’interviendra qu’à la 64ème minute.

Si la logique footballistique aurait voulu que les Américaines soient éliminées par les Hollandaises compte tenu du contenu de leur match, leur élimination par le Canada relève plus du hold-up que d’un véritable coup de force tactique et technique de la bande à Sinclair. Le Canada n’a que trop peu proposé offensivement et sur leur seule incursion ( a priori anodine) dans la surface adverse, Deanne Rose obtient un penalty transformé habilement par Jessie Fleming, nouvelle tireuse attitrée des Canadiennes après l’échec de Christine Sinclair face au Brésil, lors du tour précédent. Le Canada ouvre le score contre le cours du jeu et les Américaines ne parviendront plus à faire la différence pour inscrire le but égalisateur face au repli en bloc bas des Canadiennes.

Même si la qualité de jeu proposé est largement en-deçà du niveau habituel des Américaines, une inquiétude est en train de poindre outre-Atlantique à propos du renouvellement d’effectif. En effet, le nouveau sélectionneur Vlatko Andonovski avait fait le choix de laisser sur le banc Megan Rapinoe et Carli Lloyd à chaque match (sauf pour la petite finale et le quart de finale pour Lloyd) afin d’en faire des super-subs lors de leurs entrées en jeu, sauf qu’il s’est avéré qu’elles étaient toujours les deux meilleures joueuses de l’effectif à respectivement 36 et 39 ans. Malheureusement pour les Stars and Stripes elles ne seront pas éternelles et leur retraite internationale approche à grands pas, sans parler des autres taulières à l’instar des Becky Sauerbrunn, Alex Morgan ou Tobin Heath à qui ils restent probablement encore quelques années à jouer mais dont le niveau commence à décliner.

Megan Rapinoe et Carli Lloyd au cours d’un match de Shebelieves Cup (source : Gregg Newton / AFP)

Les USA se trouvent donc au carrefour de leur histoire : des taulières toujours présentes mais dont les jours en équipe nationale sont comptés et une nouvelle génération qui peine à éclore. L’écart avec les autres grandes nations du football féminin se resserre à vue d’œil.

Les Américaines qu’on n’attendait pas

Pour la première fois, l’élève a dépassé le maître : jamais les Canadiennes n’avaient gagné contre leurs si proches et si lointaines voisines États-uniennes. Au terme d’un match terne et relativement fermé, les Canadiennes obtiennent le sésame pour accéder à leur première finale olympique grâce au penalty habilement transformé par Jessie Fleming.

Le casse du siècle (source : AP Photo/Fernando Vergara)

Seule équipe invaincue du tournoi, personne pourtant ne les attendait sur la première marche du podium. Éliminées en huitièmes de finale de la dernière Coupe du monde mais troisième des Olympiades de Londres et Rio ; c’est une équipe attendue à minima quarts de finaliste voire dans le dernier carré d’une compétition, mais d’autres nations semblent encore supérieures. Après une phase de poule solide mais pas transcendante ( 1-1 face au Japon, 2-1 contre le Chili et 1-1 contre la Grande Bretagne), le pays de l’érable sort deuxième de son groupe. Pour la suite de la compétition, c’est une histoire de penalty : une séance de tirs aux buts victorieux pour éliminer le Brésil de Marta , une victoire par la plus petite des marges contre les USA grâce à un penalty transformé par Jessie Fleming , puis un retour inespéré en finale face à des Suédoises timorées par l’entremise de l’inévitable Fleming, une nouvelle fois sur penalty et d’une séance de tirs aux buts qui ne restera pas dans les annales, si ce n’est pour la décision finale qui voit les Canucks ravir la couronne olympique aux Scandinaves.

Les plus sceptiques pourront y voir un vainqueur en demi-teinte, incapable de faire la décision par le jeu et suspendu aux interventions de notre chère VAR, pourtant il n’en est rien. Réduire au silence la meilleure joueuse de l’histoire qu’est Marta puis l’armada offensive des États-Unis n’est pas donné à toutes les équipes, tout comme venir à bout de la Suède en n’encaissant qu’un seul but au point de frustrer l’attaquante vedette des trois couronnes Stina Blackstenius. Le Canada mérite amplement son sacre, même si une nouvelle fois le pragmatisme et le réalisme froid prennent le pas sur un style de jeu plus léché, la performance collective et défensive des Canadiennes est à mettre en exergue.

Beau malheur

L’adage italien « Chi va piano va sano e va lontano » (que l’on pourrait traduire en français par « Rien ne sert de courir, il faut partir à point », ndlr) colle parfaitement à cette sélection féminine suédoise. Adepte des derniers carrés des compétitions les plus prestigieuses, fossoyeuse des États-Unis lors du tournoi olympique de Rio, elle ne compte toutefois qu’un seul trophée majeur dans son palmarès : l’Euro 1984.

Cette année plus que jamais pourtant, le titre semblait leur tendre les bras. Portées par une ligne d’attaque en ébullition, composée des anciennes montpelliéraines Stina Blackstenius et Sofia Jakobsson ; le trident offensif est complété par Fridolina Rolfo. Vient s’ajouter à cette joyeuse ribambelle, selon le schéma tactique retenu par Peter Gerhardsson, la deuxième merengue de l’effectif : Kosovare Asllani. Véritable rouleau compresseur, la Suède a écrasé sa poule pourtant considérée comme le fameux « groupe de la mort » avec comme autres prétendantes à la première place l’Australie et les États-Unis. La Suède a froissé ses concurrentes directes et a fini première de son groupe : 3-0 face aux USA, 4-2 contre l’Australie et 2-0 contre la Nouvelle-Zélande. Des résultats sur le papier sans appel mais laissant entrevoir une petite inquiétude : la maladresse devant le but et dans le dernier geste.

Le quart de finale contre le Japon se révèle être une promenade de santé (3-1) pour les Scandinaves, mais le manque d’efficacité de l’attaque suédoise va se révéler bien plus à risque lors de la demi-finale contre l’Australie, mais surtout face au Canada. Lors de la demi-finale, les partenaires de Stina Blackstenius sont acculées tout au long d’une première mi-temps âpre et hachée par les fautes à répétition de part et d’autre, Samantha Kerr l’attaquante star des Matildas croit même avoir ouvert la marque pour l’Australie à la 42ème minute avant d’être signalée hors-jeu. C’est pourtant les Suédoises qui, au retour des vestiaires parviennent à prendre l’avantage après un énorme cafouillage dans la défense australienne. Le coup sur la tête est tel que les Australiennes ne réussiront jamais à réagir. Pire la stratégie consistera certes à avoir un jeu plus direct pour lancer Kerr dans la profondeur, mais trop souvent esseulée et toujours cadrée par deux suédoises, elle ne parviendra jamais à être dangereuse. La Suède se qualifie donc pour sa deuxième finale olympique consécutive par la plus petite des marges, même si elle aurait pu au cours de la seconde période alourdir le score et se mettre définitivement à l’abri.

La finale sera le condensé du pire et du meilleur des Suédoises au cours de ce tournoi olympique : une domination outrageuse sur le match avec comme point d’orgue le but de l’inévitable Stina Blackstenius à la 34 ème minute, mais un manque d’efficacité criant à l’image de l’occasion ratée Rolfo à la 78 ème minute ou la frappe d’Asllani à la 87 ème. Une impossibilité de se mettre à l’abri, ce qui laisse de l’espoir au Canada et qu’un penalty chanceux maintiendra dans la course jusqu’au bout. Une fois revenues, les partenaires de Christine Sinclair ont tout fait pour préserver le score, repoussant sans cesse les assauts des Blackstenius et consorts jusqu’aux confins de la prolongation où les débats furent équilibrés : une grosse occasion pour chaque équipe (Hurtig à la 110 ème et Huitema à la 112 ème). Le titre olympique sera donc décerné après une séance de tirs aux buts et à ce petit jeu c’est les Canadiennes qui sont les mieux armées. C’est donc logiquement ces dernières qui s’imposent 3 à 2. Les Suédoises pourront nourrir beaucoup de regrets sur la physionomie d’un match qu’il semblait impossible de laisser échapper.


La 32ème édition des Jeux Olympiques de l’ère moderne vient donc de s’achever et le tournoi de football féminin avec lui. Il fut riche d’enseignements et de promesses : les États-Unis ne sont plus invincibles, les Canadiennes sont très bonnes aux penaltys, la Suède est une candidate au titre pour le prochain Euro qui se déroulera en Angleterre et le jeu pragmatique a encore de beaux jours devant lui. Rendez-vous en juin 2022 à Londres !

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