Khvicha Kvaratskhelia durant un match entre la Georgie et la Suede en novembre 2021. (Photo by Vano SHLAMOV / AFP) (Photo by VANO SHLAMOV/AFP via Getty Images)
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Géorgie, terres de football (4/4) : L’indépendance et la renaissance

Après l’éclatement du bloc soviétique en 1991, naissent en Géorgie une équipe nationale, et un championnat national. Après être tombé progressivement dans l’oubli aux dépends du rugby, le football reprend ses droits dans le sud du Caucase grâce à l’ascension fulgurante d’un talent fou : Khvicha Kvaratskhelia. Dernier volet en compagnie de David Jishkariani, historien géorgien et professeur à la Georgian American University de Tbilissi.

Le neuf avril 1991, la Géorgie déclare officiellement son indépendance en parallèle de la chute de l’URSS. Plus d’un an auparavant, le 27 mai 1990, l’équipe nationale de Géorgie de football joue déjà son premier match, non-officiel, face à la Lituanie. Une nouvelle fois, le football est un élément précurseur pour l’identité géorgienne, l’équipe de football se déclarant avant l’indépendance officielle du pays. Il faudra attendre 1992 pour que le premier match post indépendance ait lieu, face à la Moldavie.

L’identité géorgienne consolidée par l’indépendance du pays, l’équipe nationale de football pouvait enfin s’exprimer et se poser comme symbole de tout un peuple. Dès 1992, la fédération géorgienne de football rejoint conjointement l’UEFA et la FIFA, ce qui lui permet de jouer son premier match officiel, une nouvelle fois face à la Moldavie, dans le cadre des qualifications pour l’Euro 1996. Malgré une défaite 1-0, ce match reste un symbole de transition pour les géorgiens, désormais intégrés au sein des institutions garantes du football.

Démarrage compliqué

Cependant, les résultats sont très mitigés pour la sélection nationale lors des premières années. L’équipe a du mal à franchir le pallier qui la sépare des meilleures sélections européennes, et aucun joueur ne semble se démarquer réellement sur la scène européenne. Dès les années 2000, la fédération change de stratégie en faisant appel à des sélectionneurs venant de l’étranger, avec notamment Alain Giresse qui dirigea la sélection entre 2004 et 2005, ou encore l’argentin Hector Cuper entre 2008 et 2009. Sans pour autant davantage de succès.

Passionnés de football, les Géorgiens rongent leur frein et attendent toujours un résultat majeur de leur équipe nationale. Les foules se dirigent de plus en plus vers le rugby, où les internationaux font la fierté du pays caucasiens à travers l’Europe, le Top 14 français en premier lieu. C’est toutefois l’explosion d’une génération pétrie de talent qui va redonner au peuple géorgien le goût du football.

Les fans géorgiens lors d’un match de qualification au Mondial 2022 contre l’Espagne, le 28 mars 2021 (Photo by Kirill KUDRYAVTSEV / AFP) (Photo by KIRILL KUDRYAVTSEV/AFP via Getty Images)

Kvara à la reconquête de son peuple

David Jishkariani se remémore un élément déclencheur : « Si vous me demandiez cela il y cinq ans, avant l’apparition de Kvara, je pense que j’aurai dit que la Géorgie est un pays de rugby, dans la rue, les affiches étaient dédiées aux joueurs de rugby. Mais à partir du moment où Kvara est apparu, je me souviens que les personnes comme moi, fans de football, on a tous commencé à suivre les comptes du Rubin Kazan, on regardait même les matchs amicaux ! ». La Géorgie a donc trouvé son messie, et il s’appelle Khvicha Kvaratskhelia. Arrivé l’été dernier au Napoli pour environ 10 millions d’euros, le natif de Tbilissi affole les compteurs depuis ses débuts en Serie A, et impressionne l’Europe par sa facilité et son élégance balle aux pieds. Il est l’un des symboles du renouveau de Naples, seul leader du championnat italien, et qualifiés pour les huitièmes de finales de la Ligue des Champions.

Et si Kvara a tout d’un futur grand, il est aussi le symbole d’une nouvelle génération de joueurs géorgiens qui s’installent en Europe. Giorgi Mamardashvili dans les buts du FC Valence, Georges Mikautadze à la pointe de l’attaque messine, ou encore Zuriko Davitashvili sur l’aile gauche des Girondins de Bordeaux, ils sont plusieurs joueurs géorgiens à faire belle figure après cette première partie de saison. Nés entre 2000 et 2001, ils symbolisent également le renouveau de l’équipe nationale géorgienne, sous les ordres de Willy Sagnol depuis presque deux ans maintenant. Après deux montées en Ligue des Nations et une future accession à la Ligue B, Sagnol et son groupe rêvent désormais d’une première qualification pour un compétition internationale majeure.

Le goal du Valence CF Giorgi Mamardashvili of Valencia CF avant un match contre le Real Valladolid, le 29 Janvier 2023. (Photo by Angel Martinez/Getty Images)

“Parfois quand le Napoli joue, il n’y a pas une voiture dans les rues, tout le monde regarde !”

David Jishkariani, historien Géorgien.

En attendant, le peuple géorgien célèbre tous les weekends les exploits de son chouchou, comme nous l’affirme David Jishkariani : « Dès qu’il est arrivé au Napoli, et après ce qu’il a fait au bout de six mois, la « Reconquista » et les anciennes sensations du football étaient de retour ! Parfois quand le Napoli joue, il n’y a pas une voiture dans les rues [de Tbilissi], tout le monde regarde ! »

Un retour en grâce donc pour le football géorgien, et pour son peuple qui l’attendais depuis longtemps. L’historien conclut ainsi : « Si cela arrivait dans un pays sans tradition footballistique, personne ne regarderait les matchs. C’est parce que le pays possède une vraie tradition footballistique que je peux directement dire que la Géorgie est un pays de football, et non de rugby ; le rugby est le deuxième sport le plus populaire, mais le football est toujours à la première place ».

Hugo Laulan

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