Footballeur professionnel, tout récemment prêté à Falkenbergs FF (D1 suédoise) par le Fortuna Sittard (D1 Pays bas), Grégoire Amiot nous parle d’écologie et de son désir de voir le monde devenir plus vert. Le défenseur central de 25 ans, formé au Toulouse FC et passé notamment par le Stade de Reims et les équipes de France de jeunes, est un des rares joueurs professionnels à s’engager publiquement sur la question environnementale.
Vous avez rejoint récemment le réseau de Football écologie France, pourquoi souhaitez-vous vous engager pour l’écologie ?
Je suis plutôt sensible à la question, je pense que c’est un sujet très important. Dans mon club, nous avons un partenariat avec l’association WWF. Je me suis alors dit que ça pourrait être intéressant de participer à plusieurs actions sur le sujet de l’environnement. Je me suis donc rapproché de mon club et nous sommes actuellement en discussion pour faire des actions avec cet organisme. Mon but est de faire des actions de terrain à titre bénévole et privé. Il faut que je discute avec mon club afin d’être en phase sur la manière de faire.
J’ai été également mis en contact avec le président de Football Ecologie France pour voir quelles actions étaient possibles. Je suis très loin d’être un exemple en matière d’écologie dans ma vie quotidienne, mais le fait d’aborder la question et dire que c’est important est indispensable au monde du foot. Toutes les industries vont essayer d’aller vers une production plus écologique alors que dans le foot, ça reste très calme. Les joueurs, nous avons une voix qui est intéressante à porter.
.D’où provient votre sensibilité écologique ?
De base, c’est une démarche personnelle. J’avais vraiment envie de faire quelque chose. J’aime bien les sports de nature, me balader, etc. Et comme beaucoup de gens aujourd’hui, je me pose la question de notre impact écologique. Donc, je me suis dit que je pouvais agir à mon niveau. Le contact entre WWF et le club a facilité le rapprochement.
.Sur quelles actions concrètes souhaiterez-vous vous engager ?
Mon but au départ était d’intégrer une association qui lutte contre le plastique dans les océans. J’ai vu qu’il n’y avait pas d’association dans ce genre aux Sables d’Olonnes, d’où je viens. Comment soutenir ? Je pourrais le faire financièrement mais l’important est d’être sur le terrain pour initier des actions. Maintenant que je suis aux Pays-Bas, c’est compliqué, donc il fallait que je trouve une association aux Pays-Bas. Ce qui me parle le plus est le plastique dans les océans, mais je suis prêt à m’engager sur autre chose si les sujets sont intéressants et simples à mettre en place. Même si je ne suis pas un exemple, j’essaie chaque jour dans mon quotidien de faire des petites choses pour essayer de réduire mon impact environnemental.
L’éducation à l’environnement est une des clés de réussite de la transition écologique. Existe-t-il une sensibilisation auprès des jeunes dans les centres de formation français ?
Franchement, pas du tout. Je parle pour mon cas personnel et j’ai fait mon centre de formation il y a déjà près de 10 ans à Toulouse. Maintenant, ça a changé. Je sais que Toulouse a des accords avec Football Ecologie France et développe des actions de sensibilisation avec le centre de formation. A mon époque, ce n’était pas le cas. Et dans mon club actuel, il n’y a pas véritablement de politique environnementale auprès des jeunes. Ce qui serait intéressant dans les centres de formation, c’est d’avoir une vraie politique de formation et de sensibilisation qui permettrait de faire évoluer les joueurs et leurs mentalités.
.Comment rendre le football écolo selon vous ? Que changeriez-vous dans le football actuel, dans le fonctionnement des clubs, des matchs, des compétitions pour limiter l’impact environnemental ?
Rien que dans mon club, nous avons tous les jours des dizaines, voire des centaines de bouteilles en plastique pour les joueurs. Cela peut être changé assez facilement. Aux Pays-Bas, tous les déplacements sont en bus vu la taille du pays, mais cela peut changer de manière générale. Pour l’accès des supporters au stade, nous pouvons organiser des transports en commun. Il y a pleins de choses faisables. Je ne suis pas dirigeant de club, mais je pense qu’il y a pleins de choses à changer. Il y aura des choses plus longues à mettre en place que d’autres mais des petits détails peuvent facilement modifiés. Ces détails permettraient d’enclencher une prise de conscience globale.
Malgré tout, comme dans la société en général, il y en a toujours qui n’en ont rien à cirer. Le problème du football reste que l’aspect financier prime et que l’aspect écologique vient largement après. D’où l’intérêt de mettre de lois avec des systèmes de bonus écologique ou sur ce genre de choses cela peut être intéressant. Les lois peuvent contraindre les clubs et les fédérations à réduire leur empreinte et leur donner la marche à suivre.
.En matière d’écologie, le football professionnel, alors qu’il semble totalement désincarné des réalités sociales et économiques, peut-il vraiment devenir exemplaire ?
Exemplaire, je ne sais pas. Avec de l’envie et des incitations financières, il peut sûrement changer les choses. Après, le football n’est pas au même niveau que l’industrie pétrolière et pétrochimique. On peut changer l’accès au stade, les prestations proposés, les types d’arrosage des pelouses, etc. Ce ne sera jamais une industrie exemplaire, ce ne sera jamais non plus la plus polluante, mais le fait que ce soit un sport populaire peut impulser des consciences et des changements pour les gens qui participent à ce système.
.Lorsque l’on voit l’organisation de la Coupe du monde au Qatar, en plein désert, on ne perd pas espoir dans la capacité au football à se transformer alors que les enjeux financiers surpassent les enjeux écologiques ?
Oui et non. D’un côté, c’est un peu désolant. Mais d’un autre côté, beaucoup de gens prennent conscience que c’est n’importe quoi ce qui est en train de passer. Quand on va arriver à la Coupe du monde et que l’on va arriver dans des stades climatisés, on va se rendre à quel point tout cela est incohérent et ça peut déclencher une véritable prise de conscience. Cela montre qu’il y a quelque chose à changer. La question du Qatar me dépasse en termes d’écologie et de droits humains.
.Les footballeurs professionnels ont l’image de personnes déconnectées des problématiques sociales et économiques comme le dérèglement climatique. Est-ce un cliché ou une réalité ? Les joueurs de football, notamment les grandes stars, peuvent-ils être des ambassadeurs de la transition écologique ?
Il y en a qui sont totalement désintéressés, comme partout dans la société. Ce n’est pas parce que tu es footballeur que tu es une personne qui s’en fout. C’est un problème général de société. Certains sont plus sensibles à la question que d’autres. Ce n’est pas mon cas, mais des joueurs très populaires et suivis dans le monde entier peuvent être des ambassadeurs et des influenceurs sur la question écologique. Ils pourraient avoir une voix qui porte et ce serait intéressant qu’ils s’engagent sur la question. Malgré tout, on ne peut pas forcer les gens non plus. Il faut que ce soit une démarche sincère et réfléchie.
.La crise sanitaire, l’arrêt des championnats, le confinement des populations, l’arrêt de l’activité humaine qui a laissé un répit à la nature, cela vous a-t-il fait réfléchir sur le poids environnemental du football ?
Ma réflexion était déjà présente avant le confinement. Cette crise sanitaire a conforté ma position, mais pas forcément influé sur ce que je pense et ce que j’ai envie de faire.
.Caviar a consacré son deuxième numéro au football des campagnes. Pensez-vous que le football rural et amateur a également des progrès à faire en matière d’impact environnemental ?
Il y a des progrès à faire à tous les niveaux. Dans les petits clubs, cela peut se développer beaucoup plus vite Les actions écologiques peuvent se faire plus facilement. L’activité est moins polluante parce qu’il y a moins de déplacements de supporters. J’ai un ami qui s’occupe d’un club amateur. Il me dit que son club fait de plus en plus d’actions écolo et que les gens sont très sensibles à ce qu’ils font, comme des stages d’été plus verts avec des ateliers de sensibilisation. Les petits clubs, avec les acteurs locaux, peuvent plus facilement prendre des décisions pour œuvrer d’un point de vue écologique. Ils peuvent aussi être vecteurs de changement.
Propos recueillis par Guillaume Vincent.