Tactique

L’art du marquage selon Ji-sung Park

Le marquage dans le football consiste à suivre (voire traquer) un adversaire sur le terrain afin de l’empêcher de contrôler le cuir. Dans le cas où il parvient à le récupérer, le but est de diminuer ses options balle au pied. Et s’il y a un joueur qui maîtrise cet art à la perfection, c’est bien Ji-sung Park. Artisan de l’ombre du succès de Manchester United, contenir ses adversaires plutôt que de les défier, telle est la philosophie qui a animé le passage du sud-Coréen à Old Trafford.


L’une des caractéristiques qui fait de Ji-sung Park un joueur de grande classe est définitivement sa qualité de marquage. Ce dernier a la capacité d’exercer un marquage intensif et rigoureux sur des joueurs de gros calibres. Une qualité d’ailleurs reconnue par ses coéquipiers.

« Savez-vous qui était le pire ? Park Ji-sung. C’était un cauchemar ! Il était incroyable ».

Paul Scholes, évoquant ses partenaires d’entraînement.

Le Sud-Coréen s’est ainsi vu attribuer le surnom « Three-Lungs Park ». Tout simplement car il n’a jamais été avare en quantité de courses à produire durant un match. Ses efforts sur le terrain ont, à plusieurs reprises, été la source de situation clé lors de matchs importants. L’ensemble de sa prestation face à l’AC Milan constitue une preuve de sa qualité de marquage intensif. Andrea Pirlo s’en souvient encore…

Ji-sung Park vs Andrea Pirlo (AC Milan – Manchester United, Ligue des Champions, huitièmes de finale, 2010). [© Neal Simpson, EMPICS Sport]

Lors de cette confrontation, le rôle de Ji-sung Park était simple. Faire en sorte que Pirlo ne puisse développer son jeu en le traquant tout au long du match. De cette manière, Sir Alex Ferguson entend atrophier une partie des options offensives de l’AC Milan.

Anticiper, puis harceler dès la prise de balle

Dès les premières minutes de la rencontre, Park annonce la couleur. Le joueur de Manchester United montre bien qu’il ne compte pas laisser Pirlo respirer lors de ses prises de balle. Cette performance requiert un travail d’anticipation, donc de concentration impliquant la bonne vision de jeu du joueur.

Le sud coréen applique les consignes de Sir Alex Ferguson en faisant bien attention au positionnement de Pirlo sur le terrain. De cette façon, il prévient une éventuelle offensive partant de ses pieds.
En anticipant le jeu, ce dernier est apte à exercer un marquage optimal. Pirlo a été en mesure de redistribuer son ballon correctement dans chaque situation de ce type. Pourtant, le marquage de Park a été essentiel pour réduire son efficacité sur le terrain.

Isoler le danger de ses alliés

Ce rôle de “traqueur” s’avère payant sur le plan défensif mais également offensif. Cela permet à Park d’isoler Pirlo de ses coéquipiers, réduisant leurs options de passe. Mais cela offre aussi des séquences de contre intéressantes pour les Mancuniens.

Park démontre l’étendue de son apport défensif en s’incrustant entre les lignes quand ces derniers veulent combiner avec Pirlo, ce qui demande un certain effort physique.
Par la suite, Park permet à son équipe de récupérer la possession du ballon. Son apport défensif se convertit alors en apport offensif, et il enclenche une nouvelle phase d’attaque pour Manchester United.

« Ferguson a déchaîné Park Ji-sung pour me traquer sur le terrain. Il devait surement être le premier Sud-Coréen à avoir l’arme nucléaire dans l’histoire, dans le sens où il se déplaçait sur le terrain à la vitesse d’un électron ».

Andrea Pirlo évoquant son duel avec Ji-sung Park dans son autobiographie.

Cette belle performance, considérée comme sa meilleure par beaucoup de fans de Manchester United, deviendra encore plus mémorable lorsque Park inscrit finalement le but du 3-0.

Le facteur X

Après avoir éliminé l’Olympique de Marseille, Chelsea et Schalke 04, Manchester United retrouve le FC Barcelone de Pep Guardiola à Wembley. C’est la finale de Ligue des Champions (28 mai 2011). Et Messi propose un match à la hauteur de son immense talent, c’est-à-dire stratosphérique.

Ji-sung Park vs Lionel Messi (2011). Sean Dempsey, PA Images].

Cette fois, les interventions de Park n’auront pas suffi à contenir l’Argentin. Ce dernier a baladé les Red Devils en seconde mi-temps, notamment sur son festival aux abords de leur surface avant de laisser David Villa faire le break (69e). Piégé par la physionomie des dix dernières minutes de la première mi-temps, Sir Alex Ferguson confiera quelques années plus tard : « Si j’avais joué avec Ji-sung Park au marquage de Messi, je pense que nous les aurions battus. Je le pense vraiment ».

Le technicien écossais paye les conséquences de cette erreur dès les dix premières minutes de la seconde période.

Ji-sung Park lit bien la trajectoire du ballon, mais arrive bien trop en retard pour espérer l’intercepter. C’est l’une des seules fois du match où il ne parviendra pas à isoler Messi du reste de son équipe.
Cette maladresse permet à l’Argentin de punir le laxisme des joueurs mancuniens, en allumant les cages d’Edwin van der Sar.

L’issue de ce match, dans une configuration similaire que celui contre l’AC Milan, témoigne de l’importance du joueur sud-Coréen au sein de l’effectif mancunien. Sans la présence de son travail de l’ombre, le chemin menant à la victoire devient beaucoup plus complexe, voire inaccessible.


Le football moderne a évolué d’une manière qui privilégie la défense en zone plutôt que le marquage individuel strict. Cependant, l’apprentissage de ce travail reste capital lors de la construction tactique du joueur. Ji-sung Park nous montre bien qu’exceller dans cette discipline, c’est tout d’abord garantir le développement d’une vision de jeu optimale. Mais, cela marque surtout le développement d’une capacité d’anticipation essentielle à un joueur de football, peu importe le poste occupé.

Abdoulaye Dramé.

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