Le Cav' se met au vert

Le synthétique est-il l’avenir du football ?

Plébiscité mais critiqué, encouragé mais décrié ; le terrain synthétique est au carrefour de son histoire. Surface présentée comme beaucoup plus écologique que sa consœur naturelle, les voix dissidentes restent nombreuses voire même accusatrices à son encontre. Pourtant, dans un monde où le greenwashing fait fureur, le sport et en particulier le football roi n’échappe pas à la règle. Clivage à la fois politique, environnemental et sanitaire ; le synthétique plaît autant qu’il divise. Face à la croissance exponentielle de son utilisation, Caviar est donc parti à la rencontre d’Italgreen : une entreprise italienne spécialisée dans la production de gazon synthétique.


Un impact écologique non négligeable

Moins coûteux en eau et en personnel d’entretien : voici la promesse de la pelouse synthétique. Plus écologique certes, mais le terrain synthétique possède de nombreux autres atouts. L’avantage d’une pelouse artificielle demeure la jouabilité par n’importe quel temps et température, avantage non négligeable pour des pays aux conditions climatiques extrêmes. Nicola Ceresoli, responsable du département d’exportation chez Italgreen confirme cet argument : « Le terrain synthétique est exploitable pendant toute la saison sportive : dans les pays où le climat est un fauteur de troubles, le gazon synthétique, permet d’allonger la saison d’exploitation du terrain  » . Concernant les pays plus tempérés, l’utilisation de surface artificielle permet de garder une pelouse intacte contrairement à certaines pelouses naturelles (personne n’a oublié le désastre oculaire que fut la pelouse du stade Pierre Mauroy pendant l’Euro 2016), ce qui réduit les coûts d’entretien et de personnel pour les clubs : économique en plus d’être écologique.

Nicola Ceresoli nous explique également en quoi le terrain synthétique est plus écoresponsable qu’une pelouse naturelle : « les terrains synthétiques possèdent certains avantages : un gazon toujours vert tout au long de l’année, un entretien plus léger et une exploitation possible tout au long de la saison. Ensuite, l’entretien : le travail est plus léger que pour une pelouse naturelle car il ne nécessite qu’un entretien ordinaire ; notamment dans les pays où les conditions climatiques sont extrêmes, tant pour les températures que pour le temps, il est difficile de tenir le gazon en bonne forme car le produit est beaucoup plus résistant que l’herbe naturelle. »

source : Belrobotics

Le coût écologique des terrains synthétiques est indéniable et permet de développer la pratique du sport avec de meilleures infrastructures dans de nombreux pays qui en étaient jusqu’ici exclu. Cependant, nombreux sont ceux qui dénoncent le coût écologique relatif, ainsi que les dangers potentiels de ces terrains.

Le revers de la médaille

Le synthétique est écologique certes, mais à quel prix ? So Foot lance un pavé dans la mare en 2017, lors de son enquête choc sur la potentielle dangerosité des terrains synthétiques. L’enquête met en lumière le rôle méconnu du caoutchouc présent dans les billes noires qui jonchent le synthétique, billes qui servent à remplir le sol pour que les sensations de jeu et d’amorti soient meilleures pour le joueur. Ce n’est toutefois pas de son rôle principal que vient la discorde mais bien de son origine et des composantes qu’il comporte.

Les granulats de la colère

Le problème de ce caoutchouc est en fait double puisqu’il est en réalité issu de la filière du recyclage du pneu. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), en 2016 le recyclage de pneus usagés en granulat pour remplir les terrains synthétiques représentaient 90 000 tonnes de pneus, soit environ 40 à 50 % de la filière de traitement des pneus usagés. Et les terrains comportant des granulats en caoutchouc usagé représentaient en tout 10 % des terrains synthétiques.

Comme le rappelle Nicola Ceresoli, un bouleversement des techniques de remplissage des terrains artificiels pourrait donc mettre à mal toute la filière, même si d’autres alternatives ont déjà été développé : « aujourd’hui, l’industrie du gazon synthétique pourrait être secouée parce que les organisations internationales pourraient décider de retirer complètement le microplastique des terrains synthétiques, mais Italgreen est prêt depuis plusieurs années à effectuer ce changement grâce à l’innovation dans les techniques de remplissage comme notre technique Geofill® composée de liège et de fibre de noix de coco».

Malgré l’aspect écologique de ces pneus usagers, le risque sanitaire demeure important. Comme l’expliquait l’émission Envoyé spécial nommée « Gazon suspect » (France 2, 22/02/2018), les pneus transformés ensuite en granulat comportent des composantes dangereuses et cancérigènes pour l’homme. En Europe l’utilisation de ces composants sont strictement contrôlées et encadrées. Ceci étant, le problème est tout autre, cet encadrement et les taux recommandés ne sont valables que pour les pneus utilisés sur la route, aucune étude épidémiologique n’a été menée pour connaître la dangerosité de ces doses lorsque les pneus usagés se retrouvent en contact beaucoup plus direct et répété avec le corps humain. L’ANSES a toutefois rendu un rapport en 2018 sur ce sujet indiquant que les données analysées montraient un risque peu préoccupant pour la santé.

L’autre problème du terrain synthétique demeure le risque de blessure. Tout footballeur peut en témoigner, tacler ou tomber sur un terrain synthétique ça fait mal et ça brûle. Lorsque Lorient et Nancy avaient innové en passant à une pelouse synthétique pour leur terrain principal, l’UNFP (principal syndicat des footballeurs professionnels) s’était tout de suite emparé du combat. Face à cette fronde, la Ligue de Football Professionnelle avait alors décidé d’interdire sur ce motif les terrains synthétiques des stades de Ligue 1 et de Ligue 2.

Face au tollé provoqué par les différentes enquêtes sur la potentielle dangerosité des granulats en caoutchouc, le marché du granulat a décidé de contre-attaquer en diversifiant son offre. Deux composantes sont aujourd’hui mises en valeur : le caoutchouc naturel et les fibres végétales. Mais comme tout succès comporte son lot de désagréments, le prix de ces composantes demeurent actuellement cinq fois plus élevé que pour des granulats classiques.

Terrains hybrides : le consensus ultime

Le terrain hybride est aujourd’hui la surface la plus prometteuse, aussi bien en terme écologique qu’en terme sanitaire. De plus en plus de clubs optent pour cette solution qui offre les avantages sans les inconvénients majeurs des deux types de pelouse. Le terrain hybride s’adapte parfaitement aux variations climatiques mais nécessite un peu plus d’entretien qu’un terrain synthétique classique. Le problème majeur de ce type d’infrastructure reste son prix : environ 20 à 25 fois plus élevé que lors de l’installation d’une pelouse naturelle.

« Les clubs professionnels préfèrent le Powergrass : un système hybride révolutionnaire qui mélange le meilleur des deux mondes. Sa structure spéciale permet à l’herbe naturelle de pousser à l’intérieur de la pelouse synthétique. Ce faisant, nous renforçons la structure naturelle du gazon, en créant une surface avec des performances de gazon synthétique qui recrée le sentiment de jouer sur une pelouse naturelle. »

Selon Italgreen

La pelouse hybride a ce mérite d’allier le coût écologique d’un terrain synthétique et la jouabilité d’une surface naturelle. Il répond également aux attentes en matière sanitaire puisque le caoutchouc issu de pneus usés disparaît au profit de gazon naturel et permet de réduire drastiquement l’utilisation de microplastique tant controversé.


Le terrain synthétique possède donc l’avantage de ses inconvénients, à la fois symbole du sport accessible partout et pour tous mais en même temps potentiel danger sanitaire, le terrain synthétique construit dans l’imaginaire collectif semble donc être une idée dépassée du football de demain. Plus écologique, plus digne de confiance, le terrain hybride séduit d’avantage, en ne proposant pas une révolution complète mais en alliant l’ancien au progrès technologique. Désormais, le monde du football conjugue à tous les temps le « en même temps » macroniste, déjà le présent d’un certain nombre de stade de football, la pelouse hybride plus que jamais semble être le futur du beautiful game.

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