La semaine dernière, Toulouse a officialisé le rachat du club par un fonds d’investissement américain. Cette opération vient marquer un changement de cap alors que le TFC évoluera en Ligue 2 la saison prochaine. Les supporters espèrent que cette arrivée de nouveaux investisseurs permettra à leur club de retrouver des ambitions.
Redémarrage en deuxième division
Un nouveau cycle démarre. En 2001, lorsqu’Olivier Sadran reprend Toulouse, le club est au plus mal, rétrogradé administrativement en National. Pendant 19 ans, le président toulousain a permis au TFC de remonter en Ligue 2 puis en Ligue 1 et de connaître l’Europe dont la Ligue des Champions. Mais cette relégation, qui pendait au nez des Toulousains depuis plusieurs saisons déjà, a eu raison de la volonté d’Olivier Sadran de poursuivre à la présidence du club alors que des rumeurs de rachat avaient déjà fleuri les bords de la Garonne ces dernières années. Il conserve néanmoins 15% des parts du TFC.
Jean-Baptiste Jammes est le créateur et le responsable du site LesViolets.com. Il garde un très bon souvenir d’Olivier Sadran. “Je pense à la qualification en Ligue des Champions, au maintien en 2016. Même si un maintien ce n’est jamais très positif, on a vécu de belles émotions. Il y a eu du travail fait au niveau de la formation, il y a eu une stabilité économique, il y a eu aussi une stabilité en Ligue 1 là où, avant lui, on descendait souvent en Ligue 2. On ne peut pas nier tout le travail qu’a fait Olivier Sadran et pour ça je le remercie”. Néanmoins, il admet que le dirigeant a choisi le bon moment pour partir. “Les cinq dernières années, c’était catastrophique tant au niveau sportif qu’au niveau de la relation avec les supporters. Rien n’allait au club. Donc je lui dis merci pour ce qu’il a pu apporter au club mais je lui dis aussi merci de passer la main. Il était temps”.
Le départ de Sadran ne semble donc pas surprenant mais le passage sous pavillon américain peut représenter un changement étonnant. Ce rachat sert néanmoins de tremplin pour un nouveau challenge. En négociations exclusives avec Sadran depuis le mois de mai, le fonds d’investissement américain RedBird Capital Partners possède désormais 85% des parts du club et la situation sportive du TFC lui permet d’échapper à une médiatisation trop intense. Il apparaît même sans doute bénéfique pour ces nouveaux investisseurs de redémarrer à un échelon inférieur, de manière plus sereine, sans voir leur nouvelle équipe encore étiquetée comme candidat à la lutte pour le maintien pour une énième saison. Néanmoins, si la reprise par Sadran en 2001 garantissait une part belle au local, ce rachat américain s’inscrit dans cette tendance voyant l’arrivée de nouveaux investisseurs étrangers en France (Toulouse est le onzième club professionnel français détenu par des investisseurs étrangers, le quatrième par des Américains). De là à craindre une perte d’identité ? “Le TFC a une identité, une identité de formation, de terroir, il y a des supporters qui sont très attachés à ce club et qui sont membres actifs comme les Ultras et même nous à LesViolets.com. Les supporters, les suiveurs du club, tout ce qui se rattache à l’environnement du club, il ne faudrait pas se les mettre à dos car on a vu ce qu’il s’est passé avec Sadran et Soucasse, c’était intenable. Au bout d’un moment, on est allé dans le mur avec eux, je vois pas les Américains refaire la même erreur”, nous confie Jean-Baptiste Jammes. Mais le cas toulousain peut laisser dubitatif, d’autant plus lorsque l’on voit les problèmes rencontrés par le rival bordelais.
Un Bordeaux bis ?
L’avenir nous dira si la reprise du TFC est une réussite. Mais nous pouvons déjà déceler des différences avec la présence américaine à Bordeaux, une comparaison profitant plutôt à Toulouse pour l’instant. L’avantage de RedBird Capital Partners est d’être seul actionnaire majoritaire du club, là où King Street devait gérer les Girondins de Bordeaux en harmonie avec GACP durant quinze mois, conduisant à des rapports tendus. Encore aujourd’hui, l’impact négatif de la gestion désastreuse de GACP se fait ressentir. Ensuite, RedBird a déjà un pied dans le milieu du sport. Aux Etats-Unis, ce fonds d’investissement possède des partenariats avec les Yankees de New-York (baseball) et les Cowboys de Dallas (football) notamment mais aussi avec des athlètes de haut niveau dans le domaine de la gestion d’images. “Les premières informations, les premières interviews sont plutôt rassurantes, voire j’ai même envie de dire que c’est plutôt kiffant, on a hâte de voir”, se réjouit Jean-Baptiste Jammes. “Il y a quand même des choses qui ont été annoncées, on sent que c’est un projet qui est réfléchi, qui a de l’allure, où il y a un peu d’argent et c’est le nerf de la guerre. On sent qu’il y a quelque chose qui peut se passer au sein du club, qu’il va y avoir de nombreux changements et on en a cruellement besoin”.
Président des Girondins de Bordeaux lorsque GACP était actionnaire du club, Joe DaGrosa connaissait alors sa première expérience dans le monde du sport. Son successeur, Frédéric Longuépée, ne disposait pas non plus d’une grande expérience dans le domaine sportif. S’il avait été directeur général adjoint chargé des activités commerciales au PSG (2012-2018), il était très éloigné des terrains, là où le poste de PDG l’amène à avoir un pied dans le champ footballistique. Correspondant parfaitement au projet de GACP puis de King Street de développer une marque autour de Bordeaux et donc de générer des revenus, il est en revanche plus en difficulté sur le plan sportif. Son nouvel homologue toulousain, Damien Comolli, connaît très bien le monde du football. Un avantage pour le TFC, un choix cohérent de la part de RedBird. Le CV de Comolli a de quoi rassurer. Directeur sportif à Saint-Etienne (2004-2005 et 2008-2010), Liverpool (2010-2012) ou encore Fenerbahçe (2018-2020), il a également été manager général de Tottenham pendant trois saisons (2005-2008). Cette expérience dans le domaine sportif et footballistique devrait offrir une stabilité de base à Toulouse pour opérer la transition dans ce changement de cap. Présent ce mercredi lors de la première conférence de presse de Damien Comolli, le maire de la Ville rose, Jean-Luc Moudenc, a apporté son soutien aux nouveaux investisseurs américains. Il s’est aussi montré confiant quant au risque d’un scénario catastrophique comme à Bordeaux, déclarant que RedBird ne débarquait pas à Toulouse pour un projet uniquement “capitalistique”. Jean-Baptiste Jammes estime même que l’exemple des Girondins peut s’avérer utile. “Je pense que ce qu’il se passe du côté de notre voisin bordelais peut finalement nous aider pour ne pas refaire les mêmes erreurs”.
Une remontée express ?
Les supporters toulousains rêvent bien évidemment de retrouver l’élite rapidement et de ne pas connaître le sort d’Auxerre ou Sochaux, également rachetés par des capitaux étrangers mais englués en Ligue 2 depuis plusieurs saisons. “C’est une obligation de remonter très vite en Ligue 1 et ce dès la première saison, parce qu’après si tu continues en Ligue 2, tu peux y rester plusieurs années. Regardez Lens, regardez Lorient, ils ont mis trois ans pour remonter. Ce n’est pas une catastrophe que de tomber en deuxième division, mais le bourbier de la Ligue 2 n’est pas facile. Ce n’est pas forcément parce que t’es le plus riche que tu vas monter. C’est un monde différent de celui de la Ligue 1”, reconnaît Jean-Baptiste Jammes. Après l’arrivée de Sadran, le TFC n’avait eu besoin que de deux saisons pour passer du National à la Ligue 1. En juin, Patrice Garande a déjà été nommé entraîneur, de quoi anticiper l’officialisation du rachat. Déjà familier de ce genre de situation, il avait rejoint le banc de Caen en 2012 juste après la relégation du club normand avant de le faire remonter en 2014. De 2014 à 2018, avec des moyens limités, Garande parvient à maintenir le club en Ligue 1 puis le quitte à cause de différends avec la direction caennaise. Comme Comolli, le nouvel entraîneur toulousain fait figure de profil adéquat dans le projet de transition prudent opéré par RedBird. “Après, attention, il va y avoir des erreurs de faites”, prévient Jean-Baptiste Jammes. “Il ne faut pas penser que, parce que Comolli et Garande sont arrivés avec RedBird, on est champions de Ligue 2 l’année prochaine et que dans deux ans on est champions de Ligue 1. Le projet va se mettre en place petit à petit, ça va se faire sur des années et par ailleurs ils l’ont bien dit, ils ont parlé de dix ans. Il ne faut pas se presser, le mercato qui va se passer cet été est tellement atypique, avec la Covid, avec le changement au sein du club, que ce sera juste un aperçu de ce que pourra faire RedBird. Il va falloir les juger sur le moyen et le long terme”.
Comolli : “Nous aurons le budget le plus important de L2, c’est clair et net” https://t.co/vFJt6Q2IY0 via @LesVioletsCom
— LesViolets.Com (@LesVioletsCom) July 22, 2020
Prudence est mère de sûreté. L’adage parfait pour décrire la situation actuelle dans la Ville rose. Mais ce changement de cap inédit est pour l’instant très bien mené. Raillé pour sa saison catastrophique ayant amené sa relégation, le TFC agit depuis avec calme. L’opération de rachat n’a pas connu de problèmes, les noms de Comolli et Garande sont venus apporter des garanties sportives, reste à savoir si l’effectif sera compétitif. Lors de sa première conférence de presse ce mercredi, le nouveau président du club a affiché des ambitions élevées. En plus d’une remontée immédiate en Ligue 1, il espère également une stabilisation du club dans le top 10 de l’élite. “Entre le 1er et le 8ème, il y a de la place. Il faut être en rapport avec la taille de la ville de Toulouse, qui est la 4ème ville de France”, a-t-il dit. Au niveau du mercato, le grand chamboulement a déjà démarré. Le but est de repartir sur de nouvelles bases. Trois cadres sont déjà assurés de rester en Ligue 1: Quentin Boisgard a quitté Toulouse pour Lorient (2M) tandis que Baptiste Reynet est parti pour Nîmes (500k) et que Corentin Jean a rejoint Lens (1,2M). Néanmoins, “le message qu’a fait passer Comolli, c’est qu’il n’y a pas besoin de vendre”, nous dit Jean-Baptiste Jammes. “On n’est pas à l’abri qu’il y ait des joueurs annoncés sur le départ qui restent, Koulouris et Saïd en tête. Je pense qu’il faudra s’entourer de joueurs cadres de Ligue 2 car c’est ce qui manque. Oui, forcément qu’il y aura des jeunes comme Amine Adli, Anthony Rouault, Bafodé Diakité qui seront amenés à rester et à former le nouveau TFC mais il leur faudra mettre des joueurs rompus aux joutes de la Ligue 2, expérimentés. Tout cela va faire partie du recrutement et puis il faut essayer de faire un ou deux coups”.
Le capitaine Max-Alain Gradel dispose également d’un bon de sortie, preuve que le TFC veut tirer un trait sur sa saison compliquée afin de reprendre en Ligue 2 avec un effectif compétitif, capable de représenter le nouveau visage de ce changement de cap dans la Ville rose.
Nicolas Mudry