“Peu importe combien d’argent vous mettez sur la table, ça n’est pas une raison valable pour ne pas faire ce qui est juste, c’est-à-dire réduire vos émissions et ne pas ouvrir de nouvelles mines de charbon”. C’est en ces termes que c’est exprimé Enele Sopoaga, homme politique des îles Tuvalu, vis à vis de l’Australie et du récent versement exceptionnelle de 300 millions de dollars accordé aux îles du Pacifique. Alors que la montée des eaux met plus que jamais en péril l’existence même de ces territoires insulaires souvent oubliées, les Tuvalu misent sur le sport et le football pour lancer l’alerte.
Car les îles Tuvalu c’est avant tout un petit archipel situé dans l’ouest de l’Océan Pacifique sud, à quelques centaines de kilomètres des îles Fidji et des îles Kiribati. Peuplé de seulement 12 000 habitants, les 8 atolls que compte le pays, « Tu valu » signifie d’ailleurs en tuvaluan « huit ensemble », ont la particularité d’être à la fois l’un des plus petits territoires au monde (26 km2) mais aussi l’un des plus étroits. En effet, l’endroit le plus large, soit 400 mètres, est situé non loin de la piste de l’aéroport international.
Ces contraintes géographiques n’ont toutefois pas empêché l’ancienne colonie britannique de devenir indépendante en 1978. Mais très vite la question de la souveraineté économique s’est posée. Ne disposant pas de ressources naturelles propres, comme cela a pu être le cas par exemple pour l’Etat insulaire océanien de Nauru avec le phosphate, le petit pays a dû se tourner vers la pêche et le tourisme pour s’émanciper et être reconnu comme un pays à part entière. C’est d’ailleurs chose faites puisque le pays du Pacifique a été admis à l’Organisation des Nations Unies en 2001.
Une reconnaissance internationale en grande partie dû à … Internet. En effet, l’une des principales sources de revenus des Tuvalu découlent du nom de domaine national de premier niveau, le fameux .tv. Un nom de domaine très populaire, TV étant l’abréviation de télévision dans plusieurs langues, qui rapporte des millions de dollars par an au petit archipel.
Le sport comme lanceur d’alerte sur la situation climatique des Tuvalu
Toutefois cette manne financière méconnue ne met pas en avant le territoire insulaire, et le dessert même car ce domaine est souvent utilisé par des sites pornographiques. Car outre être un petit Etat limité économiquement et géographiquement, l’archipel a besoin de visibilité à l’international pour survivre. Le réchauffement climatique et la montée du niveau de la mer mettent en péril l’intégrité du pays. Le point le plus élevé des îles s’élève en effet à cinq mètres au-dessus du niveau de la mer et le risque est grand de les voir disparaître dans moins de cinquante ans selon certains scientifiques.
Pour se développer, et investir dans des infrastructures permettant de retarder l’échéance, les Tuvalu doivent donc se révéler aux yeux du monde. Et quoi de mieux que le sport pour faire flotter son drapeau et être vu par des milliers de personnes lors d’un grand événement sportif international. C’est en tout cas chose faite depuis 2008 pour l’une des compétitions les plus suivies au monde, les Jeux Olympiques. Depuis l’édition de Pékin, Tuvalu envoie à chaque olympiade une petite délégation allant d’un à trois athlètes.
Mais c’est par le football que l’Etat insulaire cherche à se rendre visible. Le ballon rond est un sport populaire dans ce pays et un an après son indépendance, en 1979, son équipe nationale de football participera aux Jeux du Pacifique Sud et affrontera Tahiti pour son premier match officiel (qui se soldera par une sévère défaite 18-0 !).
Toutefois l’archipel océanien ne fait pas partie encore de la grande famille de la FIFA. Il faut dire que l’organisation mondiale de football a durcit les conditions d’année en année pour être adhérent de sa structure, tant au niveau des questions de reconnaissance internationale qu’au niveau des infrastructures sportives. C’est ce dernier point qui fait défaut aux Tuvalu. Sans adhésion, pas de participation aux compétitions de la FIFA et donc aux éliminatoires de la plus prestigieuse de ses compétitions, la Coupe du Monde.
Rejoindre la FIFA, objectif prioritaire pour faire connaître Tuvalu
Il est vrai que même si l’archipel avaient la possibilité d’y participer, le chemin serait encore long pour entendre l’hymne du pays (Tuvalu mo te Atua) lors d’un Mondial de football. Depuis que l’Australie a rejoint la Confédération asiatique de football, c’est la grande Nouvelle-Zélande qui est la grande nation du ballon rond océanien, collectionnant les tickets pour accéder aux barrages de la Coupe du Monde ainsi que les titres de Champions d’Océanie. Mais il existe quelques surprises. Tahiti en 2013 avait pu participer à la Coupe des Confédérations de la FIFA après avoir remporté la Coupe d’Océanie. Une compétition certes moins suivie que la Coupe du Monde mais qui a permis à ce petit territoire d’être visible et d’affronter les meilleures nations mondiales.
Alors les Tuvalu mettent le paquet depuis le début des années 2010 pour atteindre cet objectif. Tout d’abord les insulaires n’ont pas perdu espoir d’intégrer la FIFA, demande qu’ils réitèrent depuis 1987. Le stade du Tuvalu Sports Ground situé dans la capitale Funafuti est notamment le principal frein, le terrain argileux et cabossé étant sur une base de corail sans herbe. Les Tuvalu n’ont donc pour l’instant jamais joué de match à domicile. Pourtant une solution semble toute trouvée avec leurs voisins, puisque les îles Fidji mettent à disposition leur stade et leur centre d’entraînement à la Fédération tuvalienne. Une solution temporaire loin d’être suffisante aux yeux de la FIFA.
Malgré cet obstacle, cela n’empêche pas l’équipe de football de ce petit territoire d’affronter les autres pays du Pacifique. Tuvalu a même entre guillemets « fraudé » et participer aux éliminatoires de la Coupe du Monde 2010 ! Une telle situation a été rendue possible car la Confédération de football d’Océanie a utilisé les Jeux du Pacifique Sud 2007 comme première étape du tournoi de qualification au Mondial. Les résultats les plus notables des tuvaliens sont d’ailleurs lors de ces Jeux. En 2007 ils ne perdent qu’un à zéro contre la Nouvelle-Calédonie et obtienne le nul contre Tahiti.
Lors de ces même Jeux en 2011 les Tuvalu commencent fort avec une victoire 3-0 contre les Samoa et 4-0 contre les Samoa américaines. Bien que l’équipe s’écroule par la suite, ces résultats peuvent être mis sur le compte des partenariats que met en place l’archipel depuis une décennie. C’est notamment en 2009, avec le projet de coopération Dutch Support, qui a permis aux Tuvalu d’avoir comme coach en 2011 Foppe de Haan, actuel entraîneur des jeunes du club néerlandais de Heerenveen et sélectionneur des Pays-Bas U-21. En 2013, Tuvalu a même participé à une tournée de trois mois aux Pays-Bas pour y affronter des équipes locales amateurs.
Kiribati – Tuvalu : même combat
Au niveau international plus global, les Tuvalu ont pu affronter d’autres équipes que ses voisins océaniens : Matabeland, Padanie, Îlam Tamoul, Îles Chagos… Toutes ces rencontres ont été possibles depuis que l’archipel a rejoint la Confédération des associations indépendantes de football (CONIFA) en 2016. Cette instance du football permet, à des régions du monde contestées ou non reconnues internationalement en tant qu’Etat, de mettre en avant leur drapeau à travers des rencontres de football.
Les Tuvalu ont d’ailleurs participé à la Coupe du Monde CONIFA 2018 à Londres. Bien que les insulaires aient perdu l’ensemble de leur match, l’intérêt était ailleurs. Les tuvaliens ont pu jouer une compétition internationale, malgré les contraintes financières qu’impliquent un tel déplacement, et ont pu mettre en avant leur culture, leur drapeau et leur identité.
Comme son voisin des îles Kiribati, soumis aux même préoccupations, les îles Tuvalu vont continuer utiliser le levier du sport pour faire sortir ses huit atolls de l’anonymat. Bien que de récentes études montrent que l’archipel gagne du terrain, le sport reste aujourd’hui le meilleur atout des Tuvaluans pour faire connaître la situation de leur petite nation et ainsi alerter sur la question des réfugiés climatiques pour sauver, ce qui peut l’être encore, de la biodiversité de notre planète.
*Source des citations : https://footballoceania.com/2017/04/23/tuvalu-footballing-recognition/