La signature de Farès Balhouli au FC Metal Kharkiv le 9 mars dernier, club de troisième division ukrainienne, a suscité un emballement inattendu chez les supporters lyonnais. De l’initiative de @Jean_Fion, un des pionniers de la communauté OL sur twitter, de commander des maillots floqués au nom de l’ex crack rhodanien au transport par la sélection ukrainienne, jusqu’à leur livraison, cette folle histoire symbolise l’attachement des Gones au vivier régional. Dans ce qu’il y a de plus passionnel, et parfois immodéré.
Caviar a discuté avec @helinhz, des Cahiers du football, chargé de la distribution de ces maillots et membre du gang des lyonnais pour qu’il nous décrypte cette culture autour du centre de formation.
Cette histoire autour de Farès Bahlouli est incroyable, comment tu expliques l’engouement ?
Farès c’était un grand espoir de l’Olympique Lyonnais. J’allais voir les matchs de la CFA (nationale 1) donc je m’en souviens très bien. Il y a eu une « hype » autour de lui à ce moment-là avec une chanson et puis la compilation connue de « Fares Vesoul ». Mais au final c’est un joueur avec seulement 50 matchs de Ligue 1 tout au plus. Je ne suis pas sûr qu’avec un shop en ligne à Lyon-la-Duchère l’année dernière, il y aurait eu autant de demandes.
Pour le coup, le fait que @Jean_Fion écrive au président du club pour pouvoir acheter un maillot, et qu’il demande ensuite aux twittos si quelqu’un veut une tenue de D3 Ukrainienne avec écrit en cyrillique « Balhouli » il y a quelque chose de marrant. Et je suis même certain qu’il n’y a pas que des « Bahloulistes » là-dedans !
.Le « Bahloulisme » justement, c’est ce qui a développé la communauté OL sur les réseaux ?
Cela correspond au début des réseaux sociaux mais le lien de causalité est pas aussi évident. En arrivant sur Twitter en 2011, je suivais déjà tous les comptes de supporters de l’OL. Je pense que cela a permis de développer quelque chose parce que c’était l’une des premières fois où l’on ne passait pas par les médias. Des supporters allaient voir les matchs de la réserve. Lorsqu’il y avait un joueur impressionnant, ils en parlaient à tout le monde parce qu’il n’y a jamais eu une tonne d’articles sur ce genre de rencontres.
Et rapidement, ceux qui n’aimaient pas les influenceurs l’ont identifié comme « un joueur réseau social ». Aujourd’hui, il représente cela, presque contre lui-même. Les journalistes sont assez réfractaires, parce qu’ils réalisent eux-mêmes des analyses, mais un supporter peut tout aussi bien le faire, s’il est bon connaisseur.
.Depuis il y a eu d’autres poulains : Nabil Fekir, Houssem Aouar, Maxence Caqueret, Melvin Bard… C’est une ode au centre de formation qui s’est développée ?
Dans les années de titres, ce n’était pas autant développé. L’effectif était déjà énorme donc on ne testait pas forcément les jeunes. Mais l’identité du club s’est créée au moment où l’Olympique Lyonnais investissait moins avec la construction du stade.
En 2014-2015 des recrutements comme Gaël Danic ou encore Arnold Mvuemba ne faisaient pas rêver grand monde, donc les gens se sont penchés un peu plus sur le centre de formation. Ils se sont rendus compte que les jeunes aussi pouvaient avoir leur place dans l’équipe première.
Laquelle de ces deux délégations nous a ramené des maillots de Bahlouli ? Je demande juste, sans volonté d'influencer qui vous supporterez. https://t.co/o8iCO0s9C8
— Hugo Hélin (@helinhz) March 24, 2021
Pourtant, sur les réseaux, beaucoup d’observateurs trouvent que vous en faites trop autour des joueurs du cru …
Dans tous les clubs, il y a des gens qui se disent : « ceux qui travaillent en interne savent mieux que nous donc on peut leurs faire confiance s’ils préfèrent De Sciglio à Bard … »
Et puis d’autres essaient de se faire leur propre avis.
Par exemple d’un point de vue comptable, il y a des choix que je ne comprends pas trop à l’OL. Plutôt que de recruter De Sicglio, cinquième salaire du club, pourquoi ne pas te dire que ton latéral remplaçant sera Melvin Bard et espérer une bonne surprise ? Cela me semble bien plus bénéfique d’avoir des mecs du centre de formation sur le banc. Cela te permet aussi d’investir plus amplement sur ton onze de départ. Et puis si cela ne marche pas, tu pourras tout de même le revendre quelques années plus tard parce qu’il aura joué plusieurs dizaines de matchs en ligue 1.
C’est pour cette raison que Rudi Garcia est autant décrié ?
Les supporters sont un peu les garants de l’identité du club. Mais avec Rudi Garcia il n’y a pas seulement des débats autour de la gestion des jeunes. Au moment de son arrivée, j’avais vraiment sous-estimé à quel point les supporters lui en voulaient. Le club a cru que ça allait passer facilement, mais il ne représentait pas du tout l’identité à laquelle on est attachée.
Il y avait même des journalistes qui parlaient de son passage à Saint-Etienne, mais les gens ont oublié ça. Il n’a pas l’étiquette Saint-Etienne, il arrivait de Marseille, tout était trop frais.
Aujourd’hui les résultats sont meilleurs, Juninho est arrivé avec une projet sportif ambitieux mais les analyses les plus sévères subsistent encore sur l’équipe, pourquoi ?
J’ai l’impression que le club nous voit encore comme des ennemis par moment, des mecs jamais contents. Pourtant la ligne directrice du club s’est rapprochée de ce que nous imaginons. Mais j’ai pas l’impression qu’ils se disent : « ils ont raison d’être exigeants, nous aussi cela doit nous pousser. »
On va encore passer pour des enfants gâtés mais on fait partie des 20 clubs les plus puissants d’Europe, donc on ne peut pas se satisfaire d’une quatrième place.
Nous, on a envie de voir l’OL gagner. Le Final 8, cet été, c’est un souvenir incroyable. Quand les choses vont bien, on sait le dire aussi. D’octobre à décembre, le club cartonnait, en jouant un beau football, des supporters se sont mis à rêver de la place des Terreaux le 23 mai prochain.
Et puis depuis la reprise en 2021, on nous a encore dit que l’on était trop exigeants. Mais la plupart des observateurs le soulignent. Les choses qui marchaient avant, ne fonctionnent plus.
A choisir, ça serait la montée du FC Métal Kharkiv ou le titre de champion de France pour l’OL ?
Le titre de champion évidemment. (rires) Mais pour Farès on peut espérer qu’il fasse six bons mois et qu’il puisse enfin enchainer pour revenir à un meilleur niveau. Les matchs sont disponibles sur youtube, on continuera de le suivre !