À la veille du lancement de la chaîne Téléfoot par Mediapro, le 17 août 2020, les interrogations se multiplient autour du groupe espagnol. Son entrée fracassante sur le marché des droits télévisés en mai 2018 avait déjà divisé concernant la viabilité de son modèle économique. Nous avons interrogé Pierre Rondeau, économiste du sport, et Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique, pour revenir en profondeur sur la stratégie de Mediapro en France.
2018 : Année zéro
Le 29 mai 2018, un coup de tonnerre retentit dans le football français – Mediapro vient de rafler les droits télévisés de la Ligue 1 entre 2020 et 2024 au détriment de Canal +, diffuseur historique depuis 1984. Didier Quillot, le directeur exécutif de la Ligue de Football Professionnel (LFP), accompagné de Nathalie Boy de la Tour et de Mathieu Ficot, dévoile fièrement le nouveau montant annuel des droits audiovisuels de la Ligue 1 : 1,153 milliard d’euros par an – un record. Entre 2016 et 2020, la Ligue 1 se situait derrière les quatre autres grands championnats avec une somme de 748,5 millions d’euros par an, qui n’avait été jamais atteinte jusqu’alors. Aujourd’hui, elle devance la Liga (1,14 milliard par an entre 2019 et 2022) et la Serie A (973 millions par an entre 2018 et 2021).
Le nouvel acteur espagnol a largement contribué à l’augmentation des droits TV en proposant 780 millions d’euros par an pour s’octroyer les meilleurs lots proposés par la LFP (lots 1, 2 et 4). Pour 320 millions d’euros par saison, BeIN Sports récupère l’opposition du samedi à 21h avec le magazine du soir – où les images des rencontres peuvent être exploitées – et celle du dimanche à 17h (lot 3). La dernière partie prenante est Free qui pour 50 millions d’euros par an a acquis le lot 6 qui lui offre les droits de diffusion d’extraits en quasi-direct sur tous les matchs de Ligue 1 et les droits des magazines en vidéo à la demande. Canal + fut donc le grand perdant, surpris par le nouvel entrant sur le marché.
Les lots 5 et 7 n’avaient initialement pas trouvé preneur lors de l’appel d’offre. Ils furent finalement attribués à Mediapro en décembre 2019 par la LFP. Ces paquets comprennent les droits audiovisuels du Trophée des Champions, des journées de multiplex (19e, 37e et 38e journées) et l’ensemble des magazines de la Ligue 1 du lundi au jeudi. Le marché audiovisuel sportif français change radicalement avec ce nouvel entrant.
Un appel d’offre plutôt spécial
L’une des particularités de cet appel d’offre « est la possibilité de pouvoir revendre ses droits sous licence. Une fois qu’une chaine s’est appropriée les droits 2020-2024, ici Mediapro et BeInSports, elle a le droit de les revendre à d’autres chaînes avec l’autorisation de la Ligue a posteriori » selon Pierre Rondeau. C’est ce qu’a fait BeInSports, qui en décembre 2019 a vendu l’intégralité de ses droits en Ligue 1 à Canal + pour 330 millions d’euros. D’ailleurs, en 2018, les principales craintes envers Mediapro étaient que le groupe ne crée finalement aucune chaîne, devienne un courtier et écoule au prix fort les droits qu’il a acquis aux autres chaînes. Cette hypothèse a été infirmée à la suite de la création de la chaîne « Téléfoot », née d’un accord entre l’entreprise espagnole et TF1 ayant abouti en juin 2020 – deux mois avant son lancement.
L’autre spécificité de l’appel à candidature est qu’il a été effectué plus tôt que d’habitude. « Il y a eu un appel d’offre […] qui a été avancé car les présidents voulaient profiter de l’aubaine de la présence de Neymar en Ligue 1 pour augmenter la valeur des droits pour la session 2020-2024 en 2018. Deux ans d’avance, c’est assez tôt, généralement c’est six mois ou un an avant » explique Pierre Rondeau. Les différents acteurs ont su mettre à profit ce temps imparti. L’économiste avance que « ces deux ans ont permis aux acteurs de revendre leurs droits. Il y a une forme de réadaptation en ayant le temps de voir passer les choses : se refaire une santé pour les perdants et se préparer pour les gagnants ». Et ajoute : « en deux ans, Mediapro a pu étudier le marché ».
Qu’est-ce que Mediapro ?
Si l’arrivée de Mediapro sur le marché des droits télévisées en a surpris plus d’un, il n’est pas un total inconnu, ni un néophyte. Ce groupe audiovisuel espagnol est créé par Jaume Roures en 1994 à Barcelone. L’entreprise est surtout connue pour être le principal diffuseur de la Liga en Espagne. Et ce, même si elle a perdu les plus grandes affiches du championnat en juin 2018, au profit de l’opérateur Telefonica pour les saisons 2019-2022. Malgré ce contretemps, la firme garde un capital solide : elle détient encore les droits audiovisuels exclusifs de la Liga pour sa commercialisation sur les marchés internationaux, ce qui génère bien plus de profits que sur le marché national. Le nombre d’habitants y étant mécaniquement plus limité.
En outre, le groupe barcelonais était déjà connu des parties prenantes françaises puisque qu’il a entrenu des relations financières avec BeInSports et le Qatar. Il aurait notamment aidé la chaîne qatarie, nouvellement créée, à se structurer ou encore a mis en place le studio télé de Franceinfo en 2016 selon nos confrères des Echos. Le groupe espagnol semble donc connaître les arcanes des marchés des droits télévisés et savoir gérer ces retransmissions sportives. De même, son objectif ne semble pas être la conquête des droits TV des pays voisins tels que la France. Néanmoins, un événement intervenu au début de l’année 2018 a changé la donne.
Le 16 février 2018, soit deux mois avant le lancement de l’appel d’offre par la LFP, le fonds d’investissement chinois Orient Hontai Capital devient l’actionnaire majoritaire d’Imagina, le groupe détenant Mediapro, en achetant pour un milliard d’euros 53,5% de l’entreprise. Selon le journaliste Romain Molina, le fonds serait proche des sphères politiques chinoises, en particulier la mairie de Shanghai. Cette prise du capital d’Imagina ferait partie intégrante de la stratégie chinoise d’investissements dans les entreprises étrangères. Cela expliquerait en partie la tentative de Mediapro d’obtenir les droits de la Serie A, qui lui seront finalement refusés, puis ceux de la Ligue 1. Ce nouveau propriétaire a également fait émerger diverses questions quant à la viabilité de son modèle économique, à l’origine de ses capitaux mais également aux objectifs géostratégiques du gouvernement chinois.
L’inflation exponentielle des droits TV, un modèle voué à l’échec ?
Le système de vente de droits audiovisuels par la LFP favorise les spéculations. « La ligue a mis en place un système de vente qui n’est pas un système vente aux enchères-type, là c’est un système de vente par asymétrie d’information où chaque candidat prononcé à l’achat des droits devait proposer un montant sans connaître celui proposé par la concurrence » d’après Pierre Rondeau. Un nouvel entrant voulant acquérir de grandes parts de marché semble alors obligé de soumettre un montant élevé afin de maximiser ses chances d’acquisition.
En proposant 780 millions d’euros par an à la LFP pour s’arroger la majorité des rencontres du championnat français, Mediapro a contribué à l’inflation exponentielle de 59,9% des droits télévisés du football en France. Or cette hausse n’est aucunement liée à celle du niveau de jeu de la Ligue 1. On pourrait l’expliquer par la présence de stars internationales telles que Neymar ou Mbappé ou aux audiences accrues. Mais elle est essentiellement due à la concurrence entre les opérateurs. Chaque revalorisation des droits TV a eu lieu lorsqu’un nouvel entrant arrivait sur le marché français : TPS Star au début des années 2000, BeInSports puis Altice dans les années 2010, et Mediapro aujourd’hui. « La Ligue a un but de lucrativité et veut à tout prix augmenter le prix de ses droits, sans prendre en considération le bien-être ou le portefeuille du consommateur. Ce qui compte, c’est d’augmenter année après année la valeur des droits » met en avant l’économiste du sport. On peut se poser la question de l’aspect spéculatif de cette manière de procéder, l’inflation ne s’arrêtant plus. Au point où les canaux traditionnels de diffusion n’auraient plus les moyens de retransmettre les matchs de football du championnat national. Car le modèle économique n’est plus du tout rentable pour les chaînes. C’était déjà le cas lorsque BeInSport est entré sur le marché français. Mais la chaîne qatarie n’est pas un acteur rationnel sur le marché, soutenue par Al Jazeera et l’Etat du Qatar.
Canal a décidé de se retirer car le jeu n’en valait plus la chandelle, au risque de mettre définitivement la clé sous la porte. L’économiste souligne que « Canal a eu une stratégie, assez critiquable a posteriori, qui est “espérons un accord entre toutes les chaines candidates aux droits en mettant le prix le plus faible possible”. Car s’il y a un prix qui n’est pas atteint, un prix de réserve à 500 millions d’euros fixé par la Ligue, les droits sont remis en vente sans asymétrie d’information mais avec une vente aux enchères type ». Il ajoute : « en l’occurrence Canal avait fait un chèque de 40 millions d’euros, ce qui est risible sur le marché des droits. Mécaniquement, Canal n’a rien obtenu ».
En toute logique, plus le prix d’achat des droits TV est élevé, plus la chaîne doit avoir d’abonnés ou bien élever le montant de son abonnement. En témoigne la stratégie commerciale de Mediapro, qui a fixé ses prix à 25,90€/mois et à 29,90€/mois, avec un engagement sur un an. L’utilisateur aura accès à la Ligue 1, la Ligue 2, la Champions League et l’Europa League sur tous les écrans en 4K et en HDR, ainsi qu’à Netflix avec la deuxième offre. Bien plus élevé que la concurrence, le coût de l’abonnement a fait grincer les dents de nombreux fans de football. Ce modèle pourrait faire basculer plusieurs consommateurs vers des moyens illégaux de diffusions de matchs de football. « Toute la question sera de savoir au-delà de quel montant un acteur diffusera les matchs » expose Pierre Rondeau. « La voie du changement passe mécaniquement par les consommateurs. Si le prix est trop cher, ils ne regardent plus de football, soit ils s’y intéressent via des contournements illégaux comme IPTV ou le piratage » déplore-t-il. « De fait les chaînes perdent de l’argent, donc il y aura une nécessité de rééquilibrer le marché par le prisme de la demande. L’offre ne fait que s’adapter à la potentialité de consommation des spectateurs ».
Un fait dommageable pour le groupe espagnol étant donné que Jaume Roures a estimé qu’il leur fallait 4 millions d’abonnés pour rentabiliser leur investissement. Chose d’autant plus difficile quand on crée une chaîne de télévision ex nihilo.
La mise en place difficile de Téléfoot
Téléfoot, la nouvelle chaîne de Mediapro va être lancée ce lundi 17 août. Cependant, seuls les plus initiés semblent au courant ce qui laisse transparaître une communication loin d’être irréprochable. Et pour cause, selon une étude de l’institut Harris publiée par le cabinet NPA conseil le 21 juillet 2020, 68,7% des Français n’ont jamais entendu parler de la chaîne Téléfoot. Une situation délicate pour la société espagnole, qui cherche à rallier au moins 4 millions d’abonnés. D’autant plus que le groupe barcelonais table sur un recrutement massif pour faire face au manque de contenu. « Leur deal avec Téléfoot est intelligent parce qu’ils ont une marque mais ça ne veut pas dire qu’ils ont les équipes qui vont avec » indique Jean-Baptiste Guégan. Il enchérit : « Il y encore trois semaines Mediapro était en négociation, il n’avait pas de rédaction. Ils ont 15 jours pour en construire une. Il n’y a rien, ils sont juste en train d’aménager les bureaux. Les émissions ne sont pas prêtes, les habillages ne sont pas faits, ils vont travailler comme des bêtes. En plus, ils vont sur-recruter volontairement, ce qui va accentuer les coûts ».
La chaîne a depuis recruté des journalistes de renom tels que Anne-Laure Bonnet ou Grégoire Margotton, ainsi qu’un grand nombre de consultants comme Bixente Lizarazu, Christophe Jallet ou Nicolas Douchez dernièrement.
Mis à part son manque de publicité, Téléfoot doit créer des programmes en dehors des droits acquis dans le football. « Mediapro a besoin de combler sa grille de programme qu’ils n’ont pas. Ils ne vont pas aller chercher du volley, ça n’intéressera personne. Les sports pour avoir des abonnés c’est le cyclisme, mais il y a déjà Eurosport sur le coup, le rugby mais c’est Canal, la NBA c’est BeIn » souligne l’enseignant en géopolitique. Pierre Rondeau fait le même constat dans la mesure où « le football c’est sur 38 journées, le week-end, le mardi ou le mercredi soir. Qu’est-ce qu’ils mettent le reste du temps ? Pendant le confinement des chaînes comme BeIn ou RMC Sports ont perdu énormément d’abonnés parce que, malheureusement pour eux, ils n’avaient rien à proposer ».
Une victoire à la Pyrrhus de Mediapro ?
Il se pourrait que l’acquisition des droits audiovisuels de la Ligue 1 par Mediapro soit en réalité une victoire à la Pyrrhus. La viabilité de son modèle économique demeure pour l’instant une question en suspens, dont les doutes ont été renforcés après la crise du Covid-19. En dénote le changement de stratégie du groupe qui au départ refusait catégoriquement toute négociation avec Canal +. C’est ce que constate Jean-Baptiste Guégan : « Mediapro avait intérêt au début à montrer les crocs en disant qu’ils ne voulaient pas négocier, mais ils se rendent compte qu’au final financièrement ça allait être compliqué. Le Covid a simplement accéléré la donne. Après des négociations tendues, ça a obligé tout le monde à se découvrir. Canal est alors en position de force et a très bien manœuvré. Ils vont tous se partager le gâteau au final. ». Même son de cloche du côté de Pierre Rondeau : « Ils ont bien compris que le Ligue 1 n’était pas assez pourvoyeuse de consommateurs. En s’appelant Téléfoot, ça serait assez mal venu de proposer autre chose que du football, mais pourquoi pas. Ils ont dû se rendre compte avec une étude de marché qu’il n’y a pas assez de fans consommateurs de football français ». Les plus cyniques diront que la tentative de rapprochement avec Canal par Mediapro est effectuée uniquement dans l’objectif d’obtenir la diffusion la Ligue des Champions pour les saisons 2021-2024.
De ce fait, le potentiel manque de rentabilité du modèle économique proposé a obligé Mediapro à négocier avec d’autres diffuseurs ou opérateurs. Le 27 juillet dernier, un accord entre Altice – propriétaire de SFR, BFM, RMC et RMC Sports – et Mediapro est annoncé dans un communiqué de presse. Ce dernier rachète la moitié des droits d’Altice, 175 millions d’euros, afin de co-diffuser la Ligue des Champions et la Ligue Europa pour la saison 2020-2021. Cet accord permet au groupe espagnol de gagner en visibilité en inscrivant sa chaîne Téléfoot dans le bouquet des abonnés SFR. Le 14 août, un accord avec Bouygues a également été annoncé. De son côté Altice, ce partage des coûts soulage ses finances et obtient la co-diffusion de la Ligue 1 et 2. Jean-Baptiste Guégan insiste sur ce point : « A chaque fois qu’il y a eu des négociations de droits en France, il y a un groupe qui disparaissait. A priori il devrait y avoir un mort normalement : RMC Sport va fermer. Ils vont garder la radio RMC mais la chaîne disparaît ». « BeIn est en difficulté mais le Qatar restera. Mais ils se serrent la ceinture : ils ne prennent plus aucun pigiste, ils ne font plus appel aux intermittents. C’est pas gagné. »
Mediapro a également entamé la discussion avec des acteurs moins conventionnels comme les géants américains du numérique. Fin juillet, son accord avec Netflix avait fait grand bruit. Cela ne veut pas dire que la Ligue 1 sera retransmise sur la plateforme comme certains ont pu le dire. Il s’agit en réalité d’un pack de 29,90€/mois dans lequel sont compris Téléfoot et Netflix. Cela vaudrait dire que le prix standard de l’abonnement au groupe américain serait de 4€/mois au lieu de 11,99€. De même, cette offre compensera le manque de contenus sur la nouvelle chaîne de l’entreprise barcelonaise. « Le partenariat avec Netflix est très malin car ça permet de combler les programmes dont on ne dispose pas le reste de la journée. Car le problème, c’est qu’ils n’ont pas tant de droits que ça. BeIn a encore la NBA, une partie du tennis. Canal s’est reporté sur le rugby » nous déclare Jean-Baptiste Guégan. L’avenir de la diffusion du football, et plus largement du sport, passerait donc par l’agrégation de contenus plutôt que par l’exclusivité. Pierre Rondeau compare cette évolution à celle dans l’industrie vidéoludique où l’exclusivité n’est plus la norme car « les marchés s’ouvrent à l’international ».
Le groupe semble réajuster sa stratégie afin d’être rentable même si les inquiétudes demeurent. « Une victoire à la Pyrrhus, on ne le dira qu’à la fin de la rencontre, pour l’instant, ils n’ont rien perdu » indique Pierre Rondeau. « Si les consommateurs s’abonnent en octobre ou novembre pour la Ligue des Champions et qu’il y a un engagement d’un an, cela veut dire qu’ils seront abonnés jusqu’en octobre-novembre 2021. Donc même si Mediapro arrête de diffuser au bout d’un an, les comptes continueront de payer les trois ou quatre mois de différence jusqu’à fin octobre » déclare-t-il.
Vers une nouvelle façon de consommer le football
Au final, le grand gagnant de l’appel d’offre serait plutôt Free qui a déboursé 53 millions d’euros pour obtenir la retransmission en quasi-direct des extraits de tous les matchs de Ligue 1. Pierre Rondeau va dans ce sens : « il y a une nouvelle génération qui consomme le sport de manière exponentielle à travers l’usage du téléphone, des réseaux sociaux et des applications de paris en ligne. Ils parient énormément. Mais ils ne vont pas s’intéresser aux matchs en eux-mêmes mais aux résultats ». « Pendant le confinement, les gens se sont intéressés au championnat biélorusse mais ce n’est pas le match en lui-même qui les intéressent mais les actions ou les résultats. On commence à observer ces comportements induits par les sites de paris sportifs “j’ai parié sur un but de la tête d’untel”, mais c’est la traduction d’une nouvelle façon de consommer où on démultiplie les écrans qui permettra à Free de capter une nouvelle part d’audience qui tendent à augmenter. Les Américains sont d’ailleurs précurseurs en vendant par exemple des fins de matchs » précise-t-il.
Jean-Baptiste Guégan le souligne également : « Xavier Niel (fondateur de Free) a toujours été dans une position de rupture par rapport au marché. Soit sur les prix, soit sur l’offre. Les premiers forfaits avec des SMS illimités par exemple. Après avoir révolutionner les box internet, c’est la même chose avec la Ligue 1 ». Il ajoute : « Et puis il a un modèle avec le NBA League Pass, il a compris qu’il y avait un marché aujourd’hui pour aller voir soit les highlights, soit les 5 premières ou dernières minutes du match, soit un bout des matchs ». « Les jeunes générations ne regardent plus les matchs de 90 minutes. La tranche des 15-25 ans trouve que c’est trop long. Mais tu ne peux pas saucissonner le foot, c’est le seul sport avec le rugby en Europe que tu ne peux pas entrecouper par des publicités. Et puis, certains matchs de Ligue 1 sont plutôt ennuyeux » continue-t-il.
La fragmentation et la personnalisation de l’offre footballistique seraient ainsi un modèle économique plus adapté à la demande des consommateurs, proposé à un prix plus faible que l’actuel. L’enseignant en géopolitique étaye sur ce point : « C’est la prochaine étape du marché, c’est que l’on fasse ce que fait la NBA, qui est vraiment précurseur sur la construction des offres. C’est que tu puisses choisir ton club. Le problème de Mediapro, c’est qu’ils n’ont pas tous les matchs de ton club préféré. Si tu fractionnes ton marché comme ça, tu as une chance de payer moins cher et tu personnalises ton programme. Ces données peuvent être utilisées par les clubs qui peuvent alors adapter leur modèle commercial et générer du revenu autrement. Plus y a de personnalisation, plus on renforce la communauté. Cela permet aussi d’adapter les publicités à son audience ».
Mediapro a peut-être appris des propositions commerciales faites outre-Atlantique – obligé de réagir face à la gronde populaire – puisqu’une nouvelle offre a été annoncée le mercredi 12 août 2020, appelée « pass mobile only » à 14,90€ sans engagement. Elle donne la possibilité aux consommateurs de voir uniquement la L1 et la L2 sur leurs tablettes et smartphones. La proposition n’est pas une personnalisation aussi poussée que le NBA League Pass mais demeure une avancée par rapport aux premières prévisions.
L’offre de Mediapro commence ainsi à prendre forme et semble donner toutes les garanties demandées par la LFP et les clubs professionnels. La société espagnole a également compris qu’il fallait diversifier ses abonnements et négocier avec les différents opérateurs pour toucher une plus large audience. Reste à voir si les consommateurs vont suivre face aux prix proposés, ce qui va déterminer toute la viabilité de leur modèle économique. Seul l’avenir le dira, d’autant plus que des interrogations persistent quant au lien qui existe en Mediapro et Orient Hontai Capital, un fonds d’investissement s’inscrivant dans la politique du pouvoir central chinois. À suivre…
Guillaume Orveillon