Bon, c’est vrai, « Bande organisée » a été pris et repris depuis cet été. Pour le meilleur, la délivrance contre le PSG. Pour le pire, le piteux record de défaites consécutives en Ligue des champions. Ce titre garde néanmoins sa pertinence pour présenter la stratégie digitale du club phocéen, ici commentée par son “Chief Marketing & Media Officer” (titre dont seul l’OM version McCourt a le secret) : Hervé Philippe.
Une fois n’est pas coutume, le président de l’OM a eu, à ses dépens, une parole publique détonante. Cette fois dans le cadre d’une conférence organisée par Le Shack, un espace de « cool-working », le 8 décembre dernier. S’il a évoqué les regrettables problèmes de productivité posés par les « fans in a suit », Jacques-Henri Eyraud est également revenu sans détour sur le sort de l’ancienne chaine du club OMtv (« C’est le XIXème des médias, c’est le petit journal. C’est n’importe quoi »). Sans doute vrai, mais à vrai dire peu élégant à l’égard des anciens salariés de la chaine.
Si cette prise de position de JHE a une nouvelle fois défrayé la chronique, il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain. L’arrivée de cette ancienne figure des médias a marqué un tournant dans la stratégie digitale du club. De fait, la présence sur les réseaux sociaux et la pertinence des contenus publiés est un facteur d’attractivité indéniable pour les revenus sponsoring des clubs. Si les ligues de référence (NFL, NBA, Premier League, Liga) ne se voient plus seulement comme des organisateurs d’évènements sportifs mais également comme des médias et des fournisseurs et producteurs de contenus, certains clubs de Ligue 1 ne semblent pas avoir suffisamment pris la mesure de ce tournant.
L’OM fait partie des élèves attentifs selon Hervé Philippe, qui nous vient d’une antenne TF1, au sein de laquelle il s’occupait de l’exploitation digitale des évènements sportifs de la chaine. Un ancien de TF1, comme l’ancien président Dassier, qui officie avec une équipe d’une trentaine de personnes, inspirée tantôt du terreau phocéen, tantôt des « clubs et franchises américains (NFL, NBA) qui peuvent être précurseurs ». Les ressources humaines sont l’annonce de plan d’une digitalisation réussie.
Un plan en trois parties, trois sous-parties
Trois sujets accaparent le temps de la cellule digitale du club : l’institution OM et sa marque (I), l’audience à fidéliser et à élargir (II), et la définition d’une ligne éditoriale sur les différents réseaux (III). Son travail est aisé par l’emplacement de ses bureaux au cœur de la Commanderie ; alors qu’en Angleterre, ces mêmes pôles sont parfois à une vingtaine de kilomètres du centre d’entrainement. Les joueurs sont reçus tous les jours dans la Social room. Même les relatifs boomers de 30/35 ans se prennent au jeu et semblent plutôt au fait des rouages des new media.
À défaut de pouvoir exclusivement compter sur l’influence de ses joueurs sur les réseaux sociaux, comme le PSG qui compte des mastodontes digitaux comme Neymar et Mbappé, l’OM se déploie via une image de marque soigneusement construite et affinée. Notamment par l’imbrication de l’image de club avec celle de la ville, les deux se nourrissant mutuellement. L’impact social de l’OM Fondation est par exemple très largement relayé sur les réseaux, à l’instar de la récente mise à disposition de l’Orange Vélodrome pendant le confinement pour une distribution de repas avec la banque alimentaire.
Du côté des supporters, ou fans, Hervé Philippe travaille pour trois catégories d’Olympiens souhaitant suivre au plus près l’actualité et les coulisses du club : les régionaux qui ont l’occasion d’aller régulièrement au stade (A), ceux du reste de la France allant au stade occasionnellement (B) et les étrangers qui ne verront sans doute jamais l’Orange Vélodrome (C). On passera les deux derniers groupes au détecteur anti-footix une prochaine fois.
La relation sur les réseaux sociaux n’est cependant pas unilatérale. L’engagement et le suivi des supporters entrainent de nombreuses interactions, voire des créations graphiques. « Les fans eux-mêmes contribuent, on relaie parfois », souligne Hervé Philippe, qui peut choisir de s’appuyer sur l’User Generated Content (« contenu généré par les utilisateurs »). Cette relation était d’autant plus précieuse lorsque le ballon ne roulait plus sur les pelouses, les réseaux sociaux étant alors les derniers liants avec les supporters. Si l’OM a d’abord participé à la campagne de « sensibilisation au virus au début du confinement, le club a ensuite proposé plus de divertissements pendant la suite du confinement (images de matchs de légende) ».
Vers l’international et au-delà
L’OM est l’un des premiers clubs français à avoir rejoint TikTok en proposant des « formats verticaux très courts ». Au niveau du contenu, Hervé Philippe constate toutefois « une uniformisation des plateformes par rapport à quelques années », que cela soit par les stories ou les lives désormais présents sur Facebook, Twitter ou Instagram.
À cet égard, l’application OM est intéressante puisqu’elle offre « une expérience spécifique » par la « gamification de la consommation de contenus » qui lui permet de ne pas être la simple vitrine du site. Mais n’oublions pas Twitch, réseau social où ont été diffusés les matchs amicaux de l’OM de cet été (« top 5 des audiences annuelles de la plateforme »), et avec lequel le club a noué un partenariat sur la diffusion des conférences de presse, des avant-matchs et des rencontres des minots, qui espèrent un destin à la Bouba Kamara.
La notoriété digitale de l’OM a un impact sur la notoriété globale de la ligue des talents, donc son attractivité pour les sponsors. Si ceux des écuries de Premier League sont souvent des marques internationales (Chevrolet, Fly Emirates, Axa…), les clubs français se contentent bien souvent de PME et d’ETI locales, qui n’ont cependant pas la puissance de frappe économique de leurs homologues allemands. Sur ce point, l’OM travaille en étroite collaboration avec le service international de la LFP, notamment sur l’Asie et l’Afrique. En interne, le club concrétise sa forte présence digitale en Afrique (Maroc, Sénégal, Côte d’Ivoire, Algérie…) par des « ouvertures d’école, d’académies, des fans zones, pourquoi pas des matchs amicaux », alors que la « présence de l’OM n’était pas forcément physique il y a encore quelques années ».
Enfin, cet abattage digital permet-il aux clubs de mieux contrôler l’information sur le club et de devenir plus indépendants des médias traditionnels ? Outre la permanence des taupes, Hervé Philippe ne perçoit pas « une concurrence directe entre médias traditionnels et médias de clubs », considérant « qu’il y a de la place pour les deux ». L’exception qui confirme la règle du darwinisme informationnel sévissant sur les réseaux sociaux ?