Journaliste référence du rap français, amoureux des joueurs de foot élégants, rappeur et DJ à ses heures perdues. Pour notre 13ème édition « Le Bon Tempo » (disponible partout en France), Mehdi Maïzi nous a reçu dans son studio d’Apple Music et nous a accordé une très belle interview sur les liens entre foot et musique.
Comme le double D en pleine Coupe du monde, on a aussi sélectionné ensemble le XI-type du double M. Retrouvez ici la version longue de son XI-type !
Apoula Edel
Ah purée… (rires) J’imagine que tu en parles parce que j’y fais référence dans mon classique, on peut le dire ! J’en parle parce que pour moi c’est un peu le symbole d’un PSG qui galérait. Je ne vais pas non plus me faire passer pour le supporter hardcore du PSG mais c’est un club que je suis depuis les années 90. J’ai pu voir tout ce par quoi le PSG est passé sur les 25 dernières années. C’était une époque compliquée, beaucoup de bourdes mais ça représentait le PSG de l’époque, avec des recrutements bizarres…
À l’époque je travaillais où chez OKLM, un truc m’avait marqué à Miami. Il y avait un événement PSG x Nike avec des gamins de Miami, américains, qui portaient des maillots PSG. Il n’y avait même pas encore Mbappé : c’était Zlatan. Les gens étaient fanatiques de ce club-là. C’est fou de voir que 10 ans avant, c’était la cata.
Achraf Hakimi
Qui a sorti la « frappe comme Hakimi » récemment ? Je ne sais plus… Mais c’est un mec très cité dans le rap français, je pense que c’est parce qu’il joue au PSG et qu’il est d’origine marocaine, comme beaucoup de rappeurs finalement. C’est un mec à la fois très fort et qui a l’air assez discret, il a une attitude qui fait que les gens l’aiment bien.
D’ailleurs, j’ai fait mon premier défilé il n’y a pas longtemps, c’était celui de Balmain et il était là. Je l’ai trouvé très beau et élégant (rires). Il était avec Neymar. C’est marrant, car le Brésilien avait une veste très pailletée et Hakimi était full black, très sobre. Très différents.
Mathieu Bodmer
Ah mais je suis fan de Bodmer, tu sais ? J’adorais le joueur et j’aime beaucoup le consultant. C’est typiquement le genre de gars où tu te dis pendant toute sa carrière qu’il pourrait faire mieux, mais lui à l’air très à l’aise avec la carrière et les choix qu’il a fait. Je pense que techniquement il aurait pu aller plus haut mais qu’il avait pas envie de faire trop de sacrifices. Ça me rappelle Gascogne et d’autres joueurs des années 90 : très forts techniquement, qui ont toujours fait du yoyo avec leur poids, pas toujours irréprochables.
Quand Bodmer jouait contre le Milan AC, c’était fou et incroyable. Il doit y avoir des compil’ genre « Bodmer vs Milan AC » ! Un jeu à l’ancienne, un peu lent, avec une vision de jeu folle. Pour moi, il fait partie des mecs surdoués de fait mais qui n’avait pas envie de faire tous les efforts pour jouer en équipe de France…
David Alaba
Pour moi, c’est juste le sosie de Tyler, The Creator (rires). Essentiellement. Et très bon joueur aussi, bien sûr.
Presnel Kimpembe
Je n’ai jamais été un grand fan car j’ai l’impression qu’à tout moment il peut faire une cagade et nous mettre dedans. C’est un peu instable. En revanche, grosse appétence avec la musique qui nous intéresse. On sait qu’il écoute énormément de rap. L’enceinte de Kimpembe est vraiment devenue mythique ! J’ai commencé le foot avec la génération 98, voire un peu avant, et je me souviens que dans les Yeux dans les Bleus, les footballeurs écoutent de la musique de darons à 26 ans ! Même dans l’attitude. Ils avaient des dégaines de darons. Zizou écoute les Enfoirés… Et maintenant c’est drôle car ils écoutent presque tous du rap : de Naza à Koba la D. Kimpembe, c’est le symbole d’une nouvelle génération qui est plus proche du rap. Les ponts sont beaucoup plus présents qu’il y a 30 ans.
Claude Makélélé
Pour moi c’est une légende. Quand je le découvre… enfin découvre… on dirait que je suis Jean-Claude Suaudeau (rires)… c’est pendant la saison 94/95, quand Nantes est champion de France avec une équipe de fou. Makélélé joue ailier droit, un joueur offensif. Ça semble très bizarre, maintenant qu’on l’a vu en équipe de France, au Réal et à Chelsea, où c’était le pilier des équipes ! D’ailleurs tu vois que les Galactics ont arrêté de briller quand il est parti à Chelsea, car il était super important.
J’aime bien ces histoires-là : quand des joueurs comprennent qu’ils ne peuvent plus faire certaines choses et qu’ils partent bosser leurs points forts. Il se passe parfois un peu la même chose dans le rap, si l’on veut comparer des choses peu comparable. À un moment, Fonky Flav s’est dit « je ne vais pas être rappeur mais patron de label, je suis plus fort là-dedans ». Ce n’est pas une décision forcément évidente à prendre mais qui s’est avérée judicieuse dans les deux cas.
Ronaldinho
Je me sens chanceux d’avoir vu jouer Ronaldinho en vrai. Sans faire le vieux con, car les gamins qui grandissent avec Haaland ont de la chance aussi ! Le seul regret que j’ai, c’est qu’à l’époque on n’avait pas autant accès au foot qu’aujourd’hui. Si tu n’avais pas Canal, tu ne voyais pas tous les matchs. Donc je n’ai pas vu tous les matchs de Ronaldinho, forcément. Maintenant, si tu veux voir un match de D2 mexicaine, tu peux. Mais on peut se dire que c’est ce qui fait entrer un joueur encore plus dans la légende, avec les « on dit », etc. Si tu remontes encore plus dans les années 70 et 80, il y a plein de légendes qui se créent sur des histoires. Genre Pelé, t’as des images. Mais qui a déjà vu un match de Pelé de nos jours ?
Ronaldinho, c’est une carrière d’une longévité extraordinaire mais récemment, Edouard Cissé disait qu’après la Coupe du monde 2006, le Brésilien était moins flamboyant. Mais vu qu’il avait finalement tout gagné (Ballon d’Or, Coupe du monde, Ligue des Champions), son foot passait dans une autre dimension : celle du kiff ! Et je comprends, car le foot est tellement stressant, avec des stats sur tout et n’importe quoi. Bon, même si avant, un mec mettait 25 buts dans la saison et c’était le meilleur buteur du championnat – aujourd’hui ça ne suffit plus (rires).
Sinon, dans les refs musicales, il y en a trop pour le coup. J’ai l’impression que tous les rappeurs français le citent… Mais je pense qu’avec Zidane et R9, il fait partie des plus cités. Maradona aussi, pour ce qu’il incarne. Mais la vie de Ronnie… il est iconique, c’est le Brésil et ce qu’il incarne : la fête !
Zinédine Zidane
Des fois j’ai l’impression de souler les gens avec lui. Il y a des gens dont je parle tout le temps et j’ai l’impression que depuis que je suis adulte et que j’ai un micro, que je passe mon temps à parler des mecs que j’ai aimé quand j’étais enfant (rires) : Dany Dan, Zidane, De Niro…
Je me souviens que quand Zidane arrive à Bordeaux, ou à Cannes je ne sais plus, mon père m’en parlait beaucoup. Je ne sais pas s’il a eu une vision ou si c’est parce qu’il était Algérien. Peut-être un peu des deux (rires). Il me disait : « c’est lui le meilleur joueur ». Donc au foot, je parlais tout le temps de Zidane alors que la star c’était Djorkaeff. Moi, je répétais juste ce que disais mon père.
Depuis que je suis adulte et que j’ai un micro, que je passe mon temps à parler des mecs que j’ai aimé quand j’étais enfant : Dany Dan, Zidane, De Niro…
C’est intéressant car la carrière de Zizou est lé-gen-daire mais, en vrai, il part à 24 ans à la Juve, après l’Euro. Ça paraît tard, aujourd’hui. Il devient une star en 98, à 26 ans, même s’il était déjà un très bon joueur avant. Maintenant, les joueurs percent de plus en plus jeunes, comme dans le rap. Les mecs sortent des albums alors qu’ils sont hyper jeunes : NeS vient de faire son Grünt, et il n’a que 19 piges. Et le foot c’est pareil : on a l’impression que si t’as pas de Ballon d’Or à 23 ans, c’est fini.
Bref, Zidane est très important. Sans parler du joueur, regarder un match de foot de l’équipe de France avec Zidane, c’était un rendez-vous. Quand il revient après sa « retraite internationale » contre la Côte d’Ivoire, ma mère se remet à regarder le foot. Et quand il s’arrête après 2006, elle s’arrête aussi. C’était une fête. Il n’y avait pas 36 000 matchs à regarder, alors quand match commenté par Thierry Roland et Jean-Michel Larqué passait à la télé, c’était un truc familial. En 1998, on a vécu avec cette victoire pendant longtemps, ça nous habitait. 2018… c’est une autre ère. On est champions du monde mais on l’a quasiment oublié alors qu’en 2002 on arrivait en mode : « ON EST FRANÇAIS, ON VA TOUT GAGNER !!! » (rires). La ferveur autour du foot était beaucoup moins présente avant cette Coupe du monde, et moi je suis en plein dedans à ce moment-là. Je suis de cette génération qui s’intéresse au foot depuis 4 ans, et je vois la folie des footballeurs qui deviennent des stars. Barthez qui sort Linda Evangelista, un mannequin, c’est un événement ! Maintenant, un footballeur qui sort avec un mannequin, pff… genre c’est normal ! Ce qui va être bizarre c’est un mec qui est en couple avec une femme depuis qu’ils sont jeunes. Messi c’est une exception, par exemple.
Bon, là je me suis éloigné de Zidane… mais pas complètement en fait. À la fin des années 90, on le voit partout, dans 10 000 pubs… limite un peu trop. Pendant la Coupe du monde de rugby en 99, il y a plein de pubs avec Zidane. Il est associé à la ferveur française, aux évènements sportifs. Tout se markette mieux avec lui. Mais voilà, beaucoup d’amour pour Zizou… mais comme tout le monde finalement.
Roberto Baggio
Ohlala… Déjà, dans le rap, on a le morceau de JeanJass avec Youssoupha, qui est excellent. Il tue.
Je découvre le foot avec la Coupe du monde 94 et la finale Brésil-Italie notamment. Ce n’est pas un très beau match, il est assez chiant mais quand même iconique avec l’espèce de rivalité Romario-Baggio. Mon cousin était fan de Baggio, moi je disais que j’étais fan de Romario, juste parce qu’ils ont gagné. Tu vois, quand t’es petit, t’es avec les gagnants. Mais mine de rien, quand je commence à m’intéresser au foot, on rentre dans une période un peu moins cool pour Baggio : il quitte la Juve, il va au Milan… ce n’est pas sa plus belle période, même s’il est Ballon d’Or. Mais il avait tout : la vision de jeu, l’élégance, le style, l’attitude… c’est important. Avec sa petite queue de cheval… c’était une dégaine ! Je le trouvais trop stylé balle au pied, et en dehors j’aimais bcp ce qu’il incarnait. Comme on le disait aussi avant, parfois tu as des légendes que tu ne vois pas forcément jouer. Je pense qu’on était beaucoup à se dire « c’est une star » mais on ne regardait pas les matchs de la Juve. On savait juste que c’était l’Italien super fort. Évidemment, les entraîneurs et les joueurs le connaissaient mais nous… c’était différent. Baggio, la grande classe.
Nicolas Anelka
C’est mon adolescence. J’étais FAN, et je suis toujours fan. Très déçu en revanche du docu Netflix sur lui, je pensais que ça allait être EXTRAORDINAIRE mais c’est de la propagande (rires). Quand t’es amoureux de ces mecs-là tu passes par bcp de frustration. On ne le dit pas assez, mais il a fait une très belle carrière. C’était un super joueur de foot. Après une Ligue des champions, il revient à Chelsea et ressort meilleur buteur de Premier League, en 2009/2010 je crois. Quand il joue à Liverpool et que Steven Gerrard dit que c’est l’un des meilleurs joueurs avec qui il a joué… voilà.
On a frôlé une carrière de rappeur de Nicolas Anelka…
L’image que je garde de lui, c’est quand il revient au PSG en grande star. Malheureusement, la saison a été très très très très très compliquée. Mais quand il arrive avec son gilet sans manche en peau de mouton : quelle super star, iconique de fou !
Je pense qu’aujourd’hui, on a plein de mecs comme Anelka : très stylés, insolents, qui n’en font qu’à leur tête… c’est devenu le quotidien. À l’époque, on se demandait pour qui il se prenait. On parlait beaucoup de son entourage néfaste, de ses frères… Il faut voir aussi par quoi il est passé dans sa carrière, surtout qu’on sait que les histoires de Knysna sont fausses. Je sais pas ce par quoi il est passé, mais je lui en veux pas pour ça. Je peux lui en vouloir pour des matchs râtés, des efforts qu’il n’a pas faits.
Tu sais qu’il devait faire un album de rap aussi ! Qui n’est jamais sorti. C’est une vraie info hein, trouvable. Il devait bosser avec Doc Gyneco… à un moment où Doc Gyneco n’était déjà plus trop cool, donc pas sûr que ç’aurait été super (rires). On a frôlé une carrière de rappeur de Nicolas Anelka…
Youri Djorkaeff
Qui a fait un morceau, lui ! « Vivre dans ta lumière », légendaire ça aussi… le snake ! C’est marrant car l’info sur l’existence de ce son, je l’ai vue des années après. Quand je suivais le foot, ce n’était pas arrivé jusqu’à moi et j’ai l’impression que c’est YouTube qui a remis la lumière, justement (rires), sur ce truc-là. Mais j’ai AUCUN souvenir de ce track là quand il était une star.
Pour moi, Djorkaeff, c’est un duo iconique avec Zidane et il y avait cette question de savoir s’ils pouvaient jouer ensemble. Car Djorkaeff était un attaquant/9 et demi et Zizou un milieu offensif… Un peu comme à l’époque de Baggio-Del Piero, ou de Del Piero-Totti, après. J’ai adoré quand en 2012 ils ont fait jouer Cassano et Ballotelli ensemble. Je trouvais que c’était tellement couillu et beau, même si en finale c’était compliqué… pour une fois l’Italie se lâchait ! Pour moi Djorkaeff c’est donc duo iconique avec Zizou, et Ronaldo à l’Inter. C’est un joueur qu’on a souvent caricaturé comme étant égoïste mais qui a en fait toujours créé des duos exceptionnels partout où il est passé. Très spectaculaire aussi, de très beaux buts, de très beaux ciseaux. ET un artiste assez médiocre, il faut bien le dire (rires).
Hatem Ben Arfa
Soprano m’a dit un jour qu’Eric Abidal considérait que le joueur le plus technique qu’il avait vu jouer, c’est Ben Arfa. Et le mec a joué avec Messi, Zidane et d’autres à Barcelone. Mais c’était vraiment Ben Arfa qui l’avait le plus impressionné à l’entrainement. Comme quoi. Quand il est arrivé on croyait que ça allait être Messi.
C’est un joueur que j’ai rencontré car à un moment j’animais un podcast pour L’Equipe, « Une-deux ». Et j’ai adoré. J’en suis ressorti… comment dire… bouleversé ce serait un peu exagéré, mais en tout cas touché et ému par le gars. J’avais l’impression de l’avoir compris. Il s’est vachement livré. Il est très taquin quand il ne te connaît pas, et puis dès qu’il est en confiance, ça va mieux. C’était une interview croisée entre Ben Arfa et Disiz mais tout le monde interviewait Ben Arfa ! C’était au moment où il venait de battre le PSG en finale de Coupe de France avec Rennes. Il était en roue libre ! Il venait de faire sa déclaration sur Nasser, c’était génial. C’était une vraie bonne discussion, je crois, sur lui, le foot, sa vision du foot…
Ben Arfa, c’est un peu comme Anelka : il y a toujours un décalage entre ce que le public peut attendre et le footballeur (ou l’artiste) veut vivre. Ben Arfa, il est à l’aise avec sa carrière. Nous on va être en mode : « Mais pourquoi ? Quel gâchis ! », et c’est pareil avec des artistes trop forts, sous-côtés. Mais au final le gars se dit juste : « Je suis là où je dois être, je sais les choix que j’ai faits. »
Bref, c’était une vraie belle rencontre à Rennes et quand ça s’était fini, il est parti tout seul dans la ville à pied, comme un cow-boy. Lucky Luke à la fin d’une BD ! Peut-être qu’il a pris un taxi, j’en sais rien.