À quelques heures du coup d’envoi de l’ultime rencontre du Tournoi des Six Nations 2021 entre la France et l’Écosse, Caviar revient sur un hymne repris par les supporters du PSG. Le mythique “Flower of Scotland” de Murrayfield est en effet devenu “Ô ville lumière” au Parc des Princes. On vous explique.
Les larmes des joueurs écossais coulent sur leurs joues de brutes. C’est à chaque fois la même émotion pour le Quinze du Chardon quand la cornemuse pousse son cri strident. Cette fois, dans les travées du Stade de France, et même sans supporters, le Flower Of Scotland reste presque aussi puissant dans l’antre des Bleus, faisant passer un frisson chez tous les téléspectateurs. Un hymne que l’on entend bien plus fréquemment en Ovalie que chez nous, dans le football.
Pourtant, à quelques kilomètres de là, cet air fait de l’écho jusqu’au Parc des Princes… Les supporters du PSG se sont en effet réapproprié l’hymne “national” écossais pour en faire l’un des chants de supporter le plus iconique du club : “Ô Ville Lumière”.
From the Highlands
17 mars 1990. C’est lors de la dernière journée de Tournoi des Cinq Nations opposant l’Écosse à l’Angleterre que le chant est pour la première fois entonné dans un stade en compétition officielle – il avait déjà retenti lors d’une tournée en Afrique du Sud dans les années 70. Un chant qui va faire l’histoire, repris du groupe de musique traditionnelle The Corries, qui l’a créé en 1967. Anglais et Écossais se disputent alors le Grand Chelem, dans un Murrayfield Stadium plein à craquer.
Dans leur costume de rebelles et d’indépendantistes, les Écossais veulent marquer le coup. Fiers, ils entrent sur la pelouse en marchant, torse bombé, tête haute. Une fois le God Save the Queen anglais terminé, les cornemuses sifflent le premier Flower Of Scotland de l’histoire en compétition officielle. Les hommes des Highlands s’affranchissent de l’ennemi anglais et au bout des 80 minutes, l’Écosse réalise le Grand Chelem. Le dernier, à ce jour, du XV du Chardon.
French Touch
Du côté de Paris, la lumière est venue de Luc. Fondateur des Boulogne Boys en 1985, ce conducteur de métro et de RER reprend l’air du Flower Of Scotland et écrit les paroles du nouvel hymne du PSG. “C’est une tribune d’influence très anglaise, donc il y a pas mal de chants anglais qui ont été adaptés et remixés“, explique Philippe Goguet, fondateur du site web Culture PSG et co-auteur du livre “Rouge & Bleu – PSG : 50 ans d’histoire racontés par ses supporters“. Aucun lien direct avec l’Ecosse. “Pour les supporters, c’est le chant mythique, certifie Philippe Goguet. C’est un chant très identifié aux supporters parisiens et très apprécié.”
Mais ce chant peine à s’imposer comme le véritable hymne de tout un stade. “Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas du tout un chant facile à chanter, nous alerte Philippe Goguet. C’est un chant qui doit être chanté très lentement, qui a de vraies paroles, et rien que ça, ça rend la chose particulièrement difficile pour les novices. Régulièrement, il y a des massacres du chant par des gens qui ne connaissent pas les paroles ou qui chantent trop vite !” Tout le monde n’a pas le sens du rythme, alors difficile de l’imposer au Parc…
De son côté, la direction tente d’en faire un “You’ll Never Walk Alone” parisien. En 2015, le club voulait que l’entrée des joueurs soit accompagnée par “Ô ville lumière“, au détriment de Phil Collins. Une idée malvenue pour des supporters qui motivent leurs joueurs au moment de se présenter sur le terrain depuis 1992 sur “Who Said I Would“. Une appropriation du club qui ne plairait pas trop à Luc…
Dissous en 2008, les Boulogne Boys grincent un peu des dents en voyant leur chant repris par une direction qui leur est hostile. Un chant longtemps considéré comme résistant, qui perd de ses attributs depuis que le club tente d’en faire l’hymne officiel. “Quand tu le chantes, tu ne sais pas si ça vient du club ou si c’est un chant de résistance, constate Philippe Goguet qui n’est pas retourné en tribune depuis la dissolution. Le vrai chant de résistance, c’est plutôt Liberté pour les abonnés.”
Paris, Ville Lumière
À Paris, aucune indépendance, ni rivalité, ni mise en scène glorieuse comparée aux Écossais… Le chant vient rendre hommage à la “Ville Lumière“. La Tour Eiffel, phare trônant sur le logo du Paris Saint-Germain, en est le meilleur symbole. Mais d’où vient toute cette lumière ? Jusqu’au XVIe siècle, Paris est plongée dans le noir. Chaque nuit, à 21h, moment où retentissent les cloches de Notre-Dame, les bourgeois doivent rentrer chez eux. Une sorte de couvre-feu du Moyen Âge.
La ville s’éclaire d’abord en 1524 par un arrêté du Parlement qui demande aux bourgeois de mettre une lanterne à leur fenêtre afin d’éclairer la voie publique et réduire la criminalité nocturne. Puis plus largement en 1667, grâce à Gabriel Nicolas de La Reynie, lieutenant général de police de Louis XIV. Il installe plus de 3000 lanternes et fonde un impôt pour les entretenir.
C’est seulement en 1816 que l’éclairage public se démocratise dans la capitale grâce au gaz. Premier monument à briller de mille feux : la Tour Eiffel, forcément, lors de l’exposition universelle de 1889. Paris devient pour de bon la Ville Lumière et innovera au fil des années, notamment grâce au “petit prince de la lumière” : Neymar Fernand Jacopozzi, qui travaillera avec la marque Citroën pour l’exposition internationale des Arts Décoratifs.
Depuis, la Dame de Fer, qui fêtera ses 132 ans le 31 mars, s’illumine au rythme des grands événements. Elle devient un sapin géant en 1978. Elle se pare d’un manteau rouge pour le Nouvel An chinois en 2004. Mais en août 2017, pour la deuxième fois de son histoire, elle a scintillé pour un seul homme. Après André Citroën, Neymar da Silva Santos Júnior a aussi eu le droit à l’accueil haut en couleurs de la plus célèbre des tours. Les couleurs du club projetées sur son emblème le plus iconique : comme si le PSG était enfin accepté comme nouveau monument qui fait rayonner la capitale à l’international. Jusque dans les Highlands.