Prêts, joueurs libres et échanges à gogo : quel avenir pour le mercato ?
Huis-clos dans les stades, dettes des clubs, saison avortée… La crise sanitaire a laissé son empreinte sur le football. Si certains des bouleversements liés à la crise ne seront que temporaires, d’autres, comme ceux du marché des transferts, risquent de perdurer.
Après une saison 2019-2020 totalement tronquée, le football reprend ces droits cette année. Le football, oui, mais aussi tout le business qui l’entoure. 200 millions offerts soi-disant par Manchester City pour Messi, une clause libératoire potentielle à 75 millions pour Erling Haaland. Pourtant, le marché des transferts est resté calme, trop calme peut-être. Cet hiver, seulement 3 transferts secs en ligue 1. L’été précédent, une baisse historique du montant dépensé dans toute l’Europe. Moins de transferts, moins de dépenses… Mais qu’arrive-t-il donc au foot-business ? Une vraie cure de désintox sur le long terme.
Un constat : moins de liquidités, moins de transferts
Un milliard : c’est le montant hallucinant de la dette du FC Barcelone annoncé le 25 janvier par le club. Un chiffre exceptionnel en Europe mais qui montre une tendance globale. Avec l’absence totale de billetterie, la pandémie a plongé le football dans une crise économique sans précédent. Le club catalan n’est pas seul. La Ligue de Football Professionnel s’attend à une dette minimum de 1,3 milliards d’euros pour l’ensemble des vingt clubs à l’issue de la saison. Le président de la Juventus de Turin et de l’Association des clubs européens Andrea Agnelli affirme même que « 360 clubs ont besoin d’injections de cash, que ce soit sous forme d’endettement ou de capitalisation, pour un total de 6 milliards d’euros sur deux ans ». Evidemment pour investir dans le football et sur le marché des transferts, il faut des liquidités. Et inversement, la vente de joueurs permet aussi de combler les pertes des clubs. Enfin, dans le même temps, le Brexit a complexifié les règles de transferts vers la Premier League. La goutte d’eau qui fait déborder le vase.
« 360 clubs ont besoin d’injections de cash, que ce soit sous forme d’endettement ou de capitalisation, pour un total de 6 milliards d’euros sur deux ans »
Andrea Agnelli, président de la Juventus de Turin et de l’Association des clubs européens
Résultat, pour la première fois depuis 10 ans, le nombre de transferts durant le mercato estival (juin-octobre 2020) a baissé, passant de 9087 à 7424 selon les chiffres publiés par la FIFA. Les clubs ont moins acheté de joueurs mais ils ont également moins dépensé. 3,32 milliards d’euros contre 4,91 à l’été 2019, soit une baisse historique de 32%. Pour le mercato d’hiver, le constat est pire. 291 millions d’euros dépensés en Europe contre 1 289 millions en janvier 2020, équivalent à une baisse de 80%. La dernière fois que le mercato d’hiver avait atteint un si faible niveau de dépenses remonte à 2012. Si la situation en France, avec la crise des droits TV, reste exceptionnelle, le championnat français peut se contenter des trois joueurs transférés en Ligue 1. En effet, l’évolution est similaire dans tous les championnats européens. Premier League, Liga, Bundesliga… Tous les championnats vivent la même cure.
Une solution : le bonheur est dans le prêt ?
Si le manque de liquidités et l’endettement des clubs empêchent les transferts « secs », les équipes européennes se sont naturellement tournées vers le prêt de joueur. Lors du mercato estival, les prêts représentaient 32,2% des mouvements dans les clubs (prêts + retour de prêts). Dans le championnat anglais, la BBC a décompté deux fois plus de prêts lors du mercato hivernal que la saison précédente. En Ligue 1, l’Olympique de Marseille a eu recours à cette modalité pour se renforcer avec trois nouveaux joueurs : Pol Lirola, Arkadiusz Milik et Olivier Ntcham. Même tendance à l’OGC Nice, l’AS Saint-Etienne ou même le Stade Brestois qui ont chacun obtenu les prêts de deux joueurs.
En pleine crise sanitaire, le prêt a tous les avantages possibles. Un prêt simple permet de profiter d’un apport sportif à court terme avec un coût financier faible limité au salaire du joueur. Cela évite également de traîner des flops sportifs sur le long terme. Enfin, la deuxième possibilité, le prêt avec option d’achat permet d’assainir les finances du club sur la saison en reportant le paiement sur le bilan comptable de l’exercice suivant. C’est le subterfuge qu’avait utilisé le Paris-Saint-Germain pour contrecarrer le fair-play financier lors du prêt avec option d’achat obligatoire de 180 millions d’euros de Kylian Mbappé à l’été 2017.
« Le prêt doit avoir un but sportif valable pour le développement des jeunes »
Communiqué de la FIFA du 27 février 2020
Le prêt apparaît donc comme l’allié idéal des futurs mercatos post-covid. Cependant, il y a un « mais » et pas n’importe lequel, celui de la FIFA. La Fédération Internationale de Football entend limiter le nombre de prêts pour les clubs, privilégiant « un but sportif valable pour le développement des jeunes » selon son communiqué du 27 février 2020. L’instance dirigeante du football envisage de restreindre le nombre de prêts de joueurs de plus de 22 ans à 8 voire 6 prêts entrants ou sortants à partir de la saison 2022-2023. Une mesure sur laquelle la FIFA n’est pas revenue malgré la crise sanitaire. Le prêt restera une solution de secours pour les clubs, et non pas un modèle de marché des transferts sur le long terme.
La nouvelle mode : l’échange de joueurs payant ?
C’est une méthode vieille comme le monde qui revient à la surface : l’échange. De grands clubs en ont même fait leur spécialité comme la Juventus de Turin. Un échange de milieu de terrain Arthur-Pjanic avec le FC Barcelone, un échange de défenseur droit Danilo-Cancelo avec Manchester City ou encore récemment un échange de jeunes espoirs Ake-Tongya avec Marseille. Pourtant, ce ne sont pas de simples échanges de bons procédés, se débarrasser d’un joueur en échange d’un autre de la même valeur. « L’échange est avantageux vis-à-vis du fair-play financier, vis-à-vis du bilan comptable, et même pour un enrichissement personnel » explique Romain Molina, auteur de The Beautiful Game, dans sa vidéo sur la rumeur d’échange entre Layvin Kurzawa et Matteo Di Sciglio l’été dernier.
L’échange de joueurs est tout simplement devenu un jeu d’écriture comptable pour être dans le positif. Les clubs ne s’échangent pas les joueurs, mais plutôt chaque club verse le même montant au club adverse. Par exemple, à l’été 2020, Marlon Aké a rejoint la Juventus de Turin en provenance de Marseille pour 8 millions d’euros. En échange, l’espoir italien Franco Tongya fait le chemin inverse contre exactement la même somme. L’explication du système est assez simple, une fois la comptabilité en tête. Les deux clubs enregistrent immédiatement la rentrée d’argent liée à la vente. A l’inverse, l’achat du joueur est amorti sur plusieurs années en fonction du contrat du joueur (4 ans de contrat dans ce cas / 2 millions d’euros amortis par an). Résultat, au bilan comptable de la saison en cours, 8 millions d’euros gagnés grâce à la vente contre 2 millions d’euros dépensés. Un résultat positif de 6 millions d’euros pour la saison.
De plus, valoriser ces deux joueurs à 8 millions d’euros, alors qu’ils n’ont joué aucune minute en professionnel sous leur nouveau maillot…L’entourloupe est criante. L’ancien directeur sportif et désormais nouveau président de l’OM, Pablo Longoria, a préféré parler « d’opérations plus modernes et actives » en conférence de presse. Une technique qui pourrait se généraliser pour assainir artificiellement et à court terme les finances des clubs les plus en difficulté. On comprend désormais mieux pourquoi le FC Barcelone, endetté à hauteur du milliard d’euros, a proposé un certain nombre d’échanges de joueurs au Paris-Saint-Germain pour récupérer Neymar. Préparez-vous pour les prochains mercatos, les rumeurs d’échanges seront nombreuses.
La valeur sûre : les joueurs libres
Pourquoi dépenser sans compter alors qu’on peut récupérer des joueurs gratuitement ? Les clubs européens vont bientôt s’arracher les fameux joueurs libres ou sans contrat à la fin de la saison. Si tous les ans, un certain nombre de joueurs se retrouvaient dans cette situation, c’est une tendance qui pourrait se généraliser. Si la notion de contrat a été pendant un certain temps obsolète, tant les grands joueurs sont transférés d’un club à l’autre sans jamais aller au terme de la durée initiale, le contrat pourrait faire son grand retour dans les mercatos à venir. Au mercato estival 2020, les joueurs sans contrat représentaient même 53,2% des mouvements de joueurs en Europe. Un chiffre qui pourrait encore augmenter.
La fin de saison 2021 s’annonce même comme un grand cru des joueurs sans contrat. Un seul nom revient même inlassablement : Lionel Messi quittera-t-il le FC Barcelone, gratuitement en plus ? En Ligue 1, Memphis Depay et Florian Thauvin, deux grands noms du championnat français, arriveront en fin de contrat en mai. Sur la liste des joueurs à récupérer en Europe, on retrouve également deux grands défenseurs centraux, Sergio Ramos et David Alaba, qui ont leurs places dans n’importe quelle top club européen. En Premier League, le meilleur buteur étranger de l’histoire du championnat anglais Sergio Aguero sera disponible tout comme le milieu néerlandais de Liverpool Georginio Wijnaldum.
Le 11 Type des joueurs libres à l’été 2021
Aller au bout de son contrat n’est désormais plus une exception et le mercato pourrait bien se transformer en grand marché de joueurs gratuits. Avec les rumeurs d’un projet de Superligue européenne fermée entre grands clubs européens similaire au championnat de basket américain, c’est bien sur le marché des transferts que le football pourrait s’inspirer de la NBA. Avec un système de trade, sans aucune dépense entre clubs et en récupérant uniquement les joueurs en fin de contrat, le marché des transferts de football façon NBA a peut-être de l’avenir.