Le marché estival des transferts, qui a pris fin ce lundi 5 octobre, a connu une activité moins importante que lors des années précédentes. Cette réalité est particulièrement frappante en France, où les dépenses ont baissé de près de 40%.
Ce lundi soir s’achevait, sur le sol français, le marché estival des transferts version 2020. Cette période centrale pour les clubs de football professionnels aura été bien moins animée que les trois précédentes. Qu’il s’agisse des recettes ou des dépenses, les clubs français ont, dans leur ensemble, constaté un net recul. Une réalité que les 81,3 millions d’euros du transfert de l’attaquant nigérian Victor Osimhen (21 ans) du Lille OSC vers Naples ne suffisent à occulter.
L’exception rennaise
La baisse la plus spectaculaire concerne les recettes. Le championnat de France de Ligue 1, pourtant réputé pour le nombre de joueurs qu’il forme – ou pré-forme – a encaissé 469 millions d’euros de moins qu’à l’été 2019. Derrière le transfert d’Osimhen par le LOSC, qui mène une politique de trading de joueurs très efficace, c’est celui de Wesley Fofana vers Leicester qui aura permis à l’AS Saint-Étienne d’empocher la deuxième plus grosse somme (35 millions d’euros).
Côté dépenses, le constat est tout aussi clair : les clubs de l’Hexagone ont été bien plus frileux cet été qu’en 2019, 2018 ou même 2017. Ils ont, au total, dépensé 449 millions d’euros, contre 718 millions d’euros l’été dernier. Parmi les vingt clubs de Ligue 1, un seul semble faire exception : le Stade rennais. Qualifié pour la première fois de son histoire pour la Ligue des champions, le club breton – propriété de la famille Pinault – a investi plus de 70 millions sur le marché, enregistrant même le transfert le plus cher de son histoire : Jérémy Doku, joueur belge de 18 ans arrivé d’Anderlecht pour 26 millions d’euros. Peu habitués à ce genre d’investissements, les dirigeants rennais ont profité de leur entrée sur la scène européenne pour investir.
Une saison 2021-2022 de tous les dangers ?
Ce constat d’une large baisse des chiffres du mercato hexagonal s’explique en partie par les conséquences de l’épidémie de Covid-19. Selon Pierre Rondeau, co-directeur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès, l’arrêt prématuré de la saison 2019-2020 aurait coûté 333 millions d’euros au football professionnel français (estimation réalisée en avril 2020). Cela s’explique notamment par la perte des droits télévisuels, une manne dont le football français ne peut se passer. La baisse des revenus liés à la billetterie ainsi qu’au marketing est également à prendre en compte. Le Paris Saint-Germain estimait par exemple à environ 6 millions d’euros les pertes directes liées au huis-clos lors du match PSG-Dortmund du 11 mars dernier.
Ces chiffres trouvent également leur explication dans les conséquences que la crise aura à plus long terme : les difficultés auxquelles font face les clubs français ont poussé la Ligue de football professionnel (LFP) à contracter un prêt garanti par l’Etat dont le montant s’élève, selon Les Echos, à 224,5 millions d’euros. Or, le remboursement de cet emprunt, qui se fera notamment lors de la saison 2021-2022, pourrait mettre les clubs français en grand danger. Une réalité que Pierre Rondeau souligne avec force : “C’est 2021-2022 la saison très très inquiétante”, expliquait-il le 30 septembre à l’antenne de RMC, dans l’émission “L’After Foot”.
Un ultime élément permet d’expliquer le ralentissement spectaculaire du mercato hexagonal. Parmi les marchés prioritaires des clubs français, le marché des joueurs africains occupe une place de choix. Or, certains deals ont été rendus impossibles par les conséquences de la crise sanitaire et économique sur les championnats africains : “Beaucoup de championnats ont été suspendus en Afrique”, explique Patrick Juillard, journaliste à Football365 et consultant pour plusieurs radios françaises, contacté par nos soins. “Les grands clubs africains ont voulu conserver certains joueurs sollicités par des clubs de Ligue 1 dans l’optique de la reprise des compétitions sur le sol africain. C’est notamment le cas de Badi Aouk, un joueur courtisé par certains clubs français que le Wydad Casablanca a choisi de conserver.”
La baisse des dépenses des clubs français ne s’explique donc pas uniquement par un manque de moyens. Le championnat de France a, à l’instar d’autres championnats en Europe et dans le monde, subit les conséquences en cascade de la crise liée à l’épidémie de Covid-19. La chute des dépenses et des revenus des clubs de football n’est d’ailleurs pas une réalité franco-française : le nombre global des transactions effectuées par les clubs des 5 grands championnats européens (Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Italie) a baissé de 10,1 % selon les chiffres avancés par Pierre Rondeau.
Pierre-Louis KÄPPELI – @PLKappeli