Voilà maintenant des décennies que le sponsoring est devenu une composante croissante, sinon majeure, des budgets des clubs de football, amateurs comme professionnels. Or, en observant d’un peu plus près le maillot de l’équipe féminine de l’OL, s’appose aux dos des joueuses le nom du cimentier Vicat. Comment un acteur proéminent du BTP hexagonal et l’un des clubs féminins les plus titrés sont-ils venus à s’associer ? Marie-Raphaëlle Robinne, directrice Com’ du groupe Vicat, et Cyrille Groll, directeur du Développement commercial de l’OL, étayent ce partenariat les unissant pour plus de dix ans, une rareté dans le football, qui plus est féminin.
De l’hospitalité à la symbolique onzième année
Comme de nombreux contacts entre les clubs de sport et de potentiels partenaires, la relation entre Vicat et l’Olympique Lyonnais a commencé par le biais de l’hospitalité. L’idée ? Associer l’image d’une entreprise à celle du sport, tout en matérialisant ce partenariat par des avantages bilatéraux pluriels. Cela passe notamment par “une prestation d’accueil permettant d’accéder à l’événement sportif dans des conditions privilégiées et différentes de celles du grand public“. Et ainsi l’opportunité d’un rapprochement entre ces acteurs. Le stade devient non plus seulement un lieu de divertissement, mais également d’échange, de négociation, voire de résolution de situations diverses.
Dans le paysage Rhône-alpin, entre la Capitale des Gaules et la ville nouvelle de L’Isle-d’Abeau, où Vicat possède son siège opérationnel depuis 1995, le Groupama Stadium fait office de trait d’union entre ces mondes du sport et de l’entreprise.
D’un côté, un groupe cimentier international fort de 9 500 collaboratrices et collaborateurs dans douze pays, le dernier à battre à 100% pavillon français, héritier depuis 1853 d’une longue tradition née de l’invention du ciment artificiel par Louis Vicat en 1817. Toujours aux affaires sept générations plus tard, la famille Vicat se veut dans la continuité d’une tradition mêlant entreprise et innovation. De l’autre, un entrepreneur local partageant cette même vision lorsqu’il prend les rênes du modeste club qu’est alors l’OL en 1987 après avoir fait grandir son entreprise d’édition de logiciels, la Cegid. Trente-trois ans plus tard, Jean-Michel Aulas est parvenu à faire de l’Olympique Lyonnais, masculin comme féminin, un poids-lourd du football hexagonal. Plus encore, si les garçons marquent le pas après une décennie des années 2000 florissantes, les filles portent haut les couleurs d’un des clubs féminins les plus titrés au niveau mondial.
“Ça a commencé comme ça”, ainsi le titrerait Céline comme l’incipit de Voyage au bout de la nuit pour illustrer la naissance de cette histoire entre la footballeuse et le cimentier. “Vicat était initialement partenaire de l’OL par le biais de l’hospitalité chez les garçons avant d’étendre son partenariat à l’équipe féminine“, explique le club. “Et en toute logique finalement, ce sponsoring trouve son origine dans les liens de proximité et d’amitié entre nos dirigeants, Guy Sidos et Jean-Michel Aulas, tous deux fortement ancrés dans le « paysage » lyonnais” ajoute Marie-Raphaëlle Robinne, directrice de la Communication de Vicat.
Présent depuis vingt ans dans le groupe cimentier et à sa tête depuis 2014, Guy Sidos n’a pas (encore) la longévité de Jean-Michel Aulas au poste de président-directeur général. Le premier est plutôt discret et apprécie s’exprimer principalement sur ce qui concerne son Groupe, quand le second est réputé pour ses prises de position fortes, depuis ses premiers fax jusqu’à son désormais inévitable compte Twitter. Sur la Toile, les informations sur ce sponsoring, tout comme des photos communes des deux hommes, se comptent sur les doigts d’une main. Une discrétion qui n’a pourtant pas empêché les familles Aulas et Vicat de se rapprocher, jusqu’à sauter le pas.
“Progressivement, des contacts se sont noués à la fin des années 2000 entre Guy et Sophie Sidos avec un groupe de supporters lyonnais venu encourager l’équipe… féminine ! Cette découverte du football féminin les a convaincus de l’intérêt de développer un partenariat entre le groupe Vicat et l’équipe féminine de de l’OL“, détaille Cyrille Grool, directeur du Développement commercial de l’OL. Une idylle qui fête onze ans en tant que sponsor majeur de l’équipe.
Des fondations du “Grand Stade” à celles d’un partenariat durable
Cette association peut surprendre en première lecture en termes d’image. Car s’il s’agit là d’une des clefs d’un sponsoring réussi, la vision classique de l’industrie cimentière, liée notamment à ses émissions de CO2, n’est pas la plus positive. Une perception cependant en pleine mutation. “Dès la conception du stade, l’aspect environnemental a été particulièrement pris en compte ; aujourd’hui le club, à travers sa direction Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), est très sensibilisé aux pratiques environnementales. Il soutient ainsi des projets comme des actions concrètes comme l’implantation de ruches au Groupama stadium. Citons également la création d’un jardin pédagogique en permaculture à côté du centre d’entrainement ou encore un projet d’ombrière photovoltaïque au stade dans les années à venir“, précise Cyrille Groll.
Bien qu’à l’origine ce partenariat n’ait pas été spécifiquement axé sur l’environnement, les deux parties bénéficient de la mutation de l’industrie cimentière, en pleine expansion chez Vicat. “Le bas-carbone est un élément clef de nos actions d’aujourd’hui comme de demain. Cela se traduit notamment par une meilleure efficacité énergétique, l’emploi de combustibles de substitution aux énergies fossiles en cimenterie, des solutions de mobilité durable comme l’implantation de ruches sur nos sites. Cet ensemble animé par notre objectif de neutralité carbone sur l’ensemble de notre chaîne de valeur à l’horizon 2050“, détaille Marie-Raphaëlle Robinne.
Une vision de long-terme, à l’image de ce partenariat aux fondations en béton-armé. Et pour cause, le rapprochement entre les deux parties est également né d’une opportunité, celle du chantier du “Grand Stade” de Décines, désormais Groupama Stadium, dont Vicat a fourni et coulé le béton. “Il y eut bien un effet d’aubaine, à savoir de porter la construction du nouveau stade“, souligne le club. Mais surtout l’occasion pour un acteur local d’en impliquer un autre : “L’ancrage territorial est certainement la première chose qui nous rassemble. Nous sommes deux entités originaires des environs aux portées nationale et internationale. Cela avec une vraie volonté de conserver un rôle social et économique important sur son territoire, ce qui est dans nos ADN respectifs et nous en sommes très fiers“, ajoute Cyrille Groll.
Un bilan favorable qui pourrait conduire le partenariat initial de dix ans, déjà symboliquement prolongé d’une saison pour atteindre les onze ans, à être renouvelé. “Onze années, c’est rarissime dans le sponsoring sportif ! Cela en plus d’être un véritable clin d’œil aux onze joueuses de l’équipe“, d’après Marie-Raphëlle Robinne. Et d’ajouter : “Nous sommes d’autant plus satisfaits que nous nous sommes engagés à un moment où l’équipe féminine n’était pas encore aussi courtisé qu’aujourd’hui. Cela prouve selon moi que le sponsoring sportif doit vraiment être pensé dans une perspective de long-terme“.
Et pour cause, depuis l’arrivée de Vicat, les féminines ont remporté vingt-cinq coupes sur les trente que compte leur armoire à trophées. Des succès nationaux, avec dix titres de championne de France et sept coupes de France, mais aussi six Women’s Champions League et un Trophée des Championnes qui bénéficient à la notoriété du groupe cimentier pour Marie-Raphaëlle Robinne : “Nos actions en sponsoring avec l’OL Féminin contribuent à asseoir la notoriété de la marque Vicat par l’exposition, notamment médiatique, générée. Sur la saison 2018-2019, nous estimons par exemple notre durée d’exposition audiovisuelle à environ 7h30 pour le périmètre France, un bon résultat ! De plus, nos derniers posts sur les réseaux sociaux associés à l’OL Féminin ont des taux d’engagement très élevés, ce qui prouve que cela contribue à enrichir positivement l’image du Groupe“.
L’objectif est également de participer à la croissance du football féminin, notamment en termes d’impact économique à l’heure où ces questions pèsent bien plus qu’un bloc de béton Vicat. “On constate désormais que les marques à dimension régionale ou nationale, voire internationales, viennent spontanément s’associer au foot féminin. Cela souvent parce qu’elles partagent avec notre équipe les valeurs de cohésion, de performance et de parité et elles ont bien compris que les enjeux de notoriété, de visibilité et de préférence de marque se trouvaient également dans le sport féminin“, explique Cyrille Groll.
Alors que se poursuit aux Etats-Unis le combat des footballeuses de l’équipe nationale pour obtenir une rémunération au moins équivalente à celle de leurs homologues masculins, l’OL s’est très tôt positionné pour un financement croissant et proportionné de son équipe féminine. “Il y a toujours eu chez Jean-Michel Aulas cette vision novatrice selon laquelle l’équipe féminine devait se doter de moyens suffisants et que cela passait d’abord par des contrats fédéraux pour les joueuses mais aussi des sponsors dédiés. Dès 2006, Leroy Merlin fut le premier à s’associer exclusivement aux féminines de l’OL, une révolution pour l’époque ! L’idée était de créer un pool de partenaires avec des droits spécifiques à notre équipe féminine, ce qui a fonctionné“, explique le club.
Une vision qui se retrouve dans les enjeux communs des politiques d’inclusion de l’OL comme de Vicat. “Nous encourageons notamment la mixité comme la diversité“, détaille Marie-Raphaëlle Robinne. “Il nous faudrait cependant capitaliser encore plus dessus. Notre communication étant en plein développement, notamment sur les réseaux sociaux, nous souhaitons le valoriser davantage pour tirer pleinement profit de ce sponsoring durable“. Une opportunité alors que, selon Cyrille Groll, “l’impact de nos joueuses se poursuit sur la partie digitale : elles sont devenues de vraies communicantes et influenceuses“.
Cela alors que l’événementiel sportif constitue une opportunité croissante de développement de la vie des entreprises. “La Coupe du Monde 2019 fut l’occasion pour nous d’organiser une action phare : la tenue d’un événement top-manager interne à Vicat lors d’une ½ finale jouée au Groupama Stadium. Cela avec la double perspective de renforcer l’esprit d’équipe comme la convivialité dans nos équipes, tout en les imprégnant des valeurs du foot féminin“, se réjouit Marie-Raphaëlle Robinne.
Des perspectives à développer démontrant la riche palette des enjeux tels que l’affect, l’image, l’effet d’aubaine ou encore les retombées économiques qui sont liées au sponsoring sportif.
Thibaut Keutchayan