À ces soirées d’hiver face à un écran plat
Allongé en travers sous le plateau repas
Espérant retrouver ces sensations perdues
Déchantant promptement, zappant comme attendu
À ces chants entonnés sous la douche le soir
Dans la peau d’un capo, voix cassée, bras hissés
Face à un peuple uni invoquant la victoire
Explosant d’euphorie pour un tacle glissé
À ces tirs menaçants, ces ballons déposés
À l’angle des montants, claqués main opposée
Triste dramaturgie vidée de sa substance
Sans l’apnée soulagée d’un plein virage en transe
À tous ces inconnus que je n’ai enlacés
Sur un but décisif inscrit au bout d’un contre
Puis invités au pub pour le soir bavasser
Rappelant qu’en français match signifie rencontre
À ces trajets retours emplis de souvenirs
La joie d’avoir été nombreux à soutenir
Symphonie de klaxons pour un succès miracle
Ou cortège funèbre après une débâcle
À ces parkings déserts à l’aube du dimanche
Tous ces départements qu’il fallait visiter
Du soleil provençal aux côtes de la Manche
Des pistes d’athlétisme aux outils connectés
À ces merguez brûlées que je n’ai englouties
Ces frites trop salées, la mine décatie
Cibles de condiments plus que de compliments
Colmatant l’estomac au cours de la mi-temps
À ces encarts criards couvrant des sièges vides
Changeant éhontément le malheur en beaux chèques
Pactole mal géré, prétexte du Covid
Pour promettre un futur de régime au pain sec
À ces chorégraphies jamais réalisées
Hommage, anniversaire, ou cause improvisée
Défilés de couleurs, tifos et banderoles
Dérangeant les préfets et les rois du pétrole
À tous ces dirigeants débarqués par les airs
Qui ne conçoivent pas que l’argent des sponsors
N’achètera jamais la ferveur populaire
Qu’identité locale est leur plus cher trésor
J’aimerais leur crier que le football n’est beau
Que lorsque partagé, autrement il est fade
Nous avons été assez menés en bateau
Rendez-nous les gradins, cessez la mascarade
Il est grand temps d’enfin supporter à nouveau
Retrouver le terrain, nos vies, nos camarades
L’écharpe et le maillot, la place et le drapeau
Hurler à pleins poumons : ce soir, je vais au stade !